AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société SGS Thomson micro electronics, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 avril 1997 par la cour d'appel de Paris (25ème chambre civile, section B), au profit :
1 / de la société Impact international, anciennement dénommée Semi conducteurs services (SCS), dont le siège est ...,
2 / de la société Sogefi, venant aux droits de la société Air freight system, dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Tric, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Tric, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de la société SGS Thomson micro electronics, de Me Jacoupy, avocat de la société Impact international et de la société Sogefi, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 4 avril 1997), que la société SGS Thomson (société Thomson) a confié à la société Soditrans les activités de magasinage et de traitement administratif de ses dossiers de douane, avec transfert de certains salariés ; que par la suite, la société Soditrans a réparti cette activité entre les sociétés Semi conducteurs services (SCS) et Air freight system (AFS) ; que par lettres des 11 février et 11 mars 1992 adressées respectivement aux sociétés SCS et AFS, la société Thomson a résilié le contrat à compter du 5 avril 1992 ; que la cour d'appel a déclaré la demande de la société AFS recevable, a jugé la résiliation abusive et a condamné la société Thomson à rembourser à chaque société les indemnités de licenciement qu'elle a dû verser aux salariés et à lui payer des dommages-intérêts pour le préjudice subi ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Thomson reproche à l'arrêt d'avoir été rendu dans la composition suivante de la cour :"Lors des débats et du délibéré : Président : Mme Pinot ; conseillers : M. Cailleau et Mme Maestracci ; greffier : Mme Berthoud ; " alors, selon le moyen, que doit être cassé l'arrêt des énonciations duquel il ressort que le greffier a assisté au délibéré des magistrats, en violation des articles 447, 448 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas de la mention critiquée que le greffier, qui fait partie de la juridiction à laquelle il est affecté, ait participé au délibéré ; que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Thomson reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la société AFS, laquelle invoquait à son profit un contrat de prestations de services conclu le 1er décembre 1987 entre la société Thomson et la société Soditrans, d'avoir retenu la résiliation abusive du dit contrat de la part de la société Thomson et d'avoir condamné cette société à payer diverses sommes à la société Sogefi, venant aux droits de la société AFS, alors, selon le moyen :
1 ) que la cour d'appel, en affirmant "qu'il résulte de la lettre de résiliation du 11 février 1992 que la société Thomson a accepté que la société AFS exécute ... le contrat signé le 1er décembre 1987 par la société Soditrans" quand cette lettre de résiliation ne faisait aucune référence audit contrat et précisait uniquement que la société Thomson était "amenée à réduire drastiquement toutes nos activités de sous-traitance ; nous nous chargeons désormais de ces activités au sein de notre organisation, et nous nous voyons donc dans l'obligation d'interrompre notre collaboration, et ce à dater du 5 avril 1992", a dénaturé cette lettre, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 ) que la cour d'appel n'a pas précisé quelles pièces, autre que la lettre du 11 février 1992, qui n'avait pas la signification retenue, auraient permis de démontrer que la société Thomson et la société AFS étaient liées par le contrat signé le 1er décembre 1987 par la société Thomson et la société Soditrans ;
3 ) que la circonstance suivant laquelle la société Thomson avait donné son accord à la cession de contrat du 1er décembre 1987 par la société Soditrans à la société SGS, comme elle l'avait toujours précisé, portée dans la circulaire du 21 avril 1988 était inopérante à justifier d'un accord à une cession du dit contrat à la société AFS, personne morale distincte de la précédente ; qu'en justifiant sa décision par un motif inopérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1165 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la lettre du 11 février 1991, a retenu que cette lettre qui met fin à la collaboration avec la société AFS , établit que la société Thomson avait accepté que cette société exécute au même titre que la société SCS le contrat signé le 1er décembre 1987 avec la société Soditrans ; qu'elle a ainsi justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Thomson reproche encore à l'arrêt d'avoir retenu que la résiliation du contrat du 1er décembre 1987 avait été abusive et de l'avoir condamnée à rembourser aux sociétés SCS et AFS les indemnités de licenciement, alors, selon le moyen :
1 ) que le transfert des contrats de travail en cours des salariés postule le transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que la cour d'appel a uniquement relevé que ce transfert des contrats de travail en cours s'appliquait en cas de reprise par une entreprise d'activités précisément identifiées, précédemment confiées à une entreprise extérieure", sans constater que les activités identifiées avaient entraîné le transfert d'une entité économique ayant conservé son identité ; qu'ainsi, elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-12 du Code du travail ;
2 ) qu'à supposer qu'il existât, lors du transfert de certaines activités de la société Thomson à la société Soditrans, une entité économique ayant conservé son identité, il appartenait alors aux juges du fond de rechercher si cette entité avait conservé son identité au jour de la résiliation des contrats dès lors que les personnes transférées initialement n'étaient pas celles concernées par la résiliation ; qu'en omettant de rechercher ce point, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-12 du Code du travail ;
3 ) qu'aux termes de l'article 8-5-2 du contrat, du 1er décembre 1987, - et à supposer celui-ci puisse être invoqué par la société AFS, ce qui est expressément contesté - "en cas de non-reconduction du présent contrat par la société Thomson... celle-ci fera son affaire du problème du personnel listé en annexe 4" ; que ces stipulations signifiaient clairement et précisément que la société Thomson avait accepté de reprendre le personnel précédemment désigné et non que les parties avaient manifesté leur volonté de se soumettre à l'article L. 122-12 du Code du travail en sorte qu'elles ont été dénaturées en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, sans dénaturer les termes de l'article 8-5-2 du contrat, que les parties avaient manifesté leur volonté de se soumettre aux dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, la cour d'appel, qui n'était dès lors pas tenue de rechercher si les conditions d'application de ce texte étaient réunies, a légalement justifié sa décision ;
que le moyen est sans fondement ;
Et sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Thomson reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme de 322 245,68 francs TTC à la société SCS, actuellement dénommée Impact International, et celle de 490 826,10 francs TTC à la société Sogefi, venant aux droits de la société AFS, alors, selon le moyen :
1 ) que la cour d'appel, qui n'a pas précisé de quels documents versés aux débats il résultait que la marge habituellement réalisée pour ce type d'affaires représentait environs 25 % du chiffre d'affaires, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil ;
2 ) que si la réparation du préjudice doit être intégrale, elle ne saurait aller au-delà ; que la cour d'appel a condamné la société Thomson à payer à la société SCS et à la société AFS, l'une et l'autre sociétés commerciales soumises au régime de la taxe sur la valeur ajoutée et comme telles habilitées à récupérer les sommes qu'elles décaissaient à ce titre en réparation du préjudice commercial des sommes TTC et a donc indemnisé les deux sociétés au-delà de leur préjudices respectif, violant ainsi l'article 1149 du Code civil ;
Mais attendu que la société Thomson n'ayant pas contesté les conclusions des sociétés SCS et AFS qui soutenaient, en produisant deux attestations, que la marge brute habituellement réalisée pour ce type d'affaires était de l'ordre de 25 à 30 % du chiffre d'affaires, la cour d'appel, qui n'était dès lors pas tenue de s'expliquer sur les pièces versées aux débats, en a exactement déduit que le préjudice commercial subi par les deux sociétés devait être évalué sur la base de sommes calculées toutes taxes comprises ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SGS Thomson micro electronics aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société SGS Thomson micro electronics, de la société Impact international et de la société Sogefi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.