AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Marie X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 mars 1997 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile, 1re section), au profit :
1 / de M. Roland Y..., demeurant ..., ès qualités de représentant des créanciers de M. Jean-Marie X...,,
2 / du Crédit lyonnais, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., de la SCP Vier et Barthélémy, avocat du Crédit lyonnais, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Limoges, 6 mars 1997), et les productions, que par actes des 22 janvier 1976 et 20-24 juin 1980, M. X... s'est porté caution envers le Crédit lyonnais des engagements de la société Etablissements X... et fils (la société) ; que cette société ayant été mise en règlement judiciaire, le 7 décembre 1983, une société Sonojec a été constituée afin d'en prendre la gérance libre ; que la société Sonojec a elle-même été mise en redressement puis liquidation judiciaires ; qu'une procédure de redressement judiciaire a ensuite été ouverte contre M. X..., en qualité de gérant de fait de la société Sonojec, par extension du redressement judiciaire de cette dernière ; que dans le cadre de cette procédure, M. X... a relevé appel de l'ordonnance du juge-commissaire du 1er février 1995 qui a admis la créance du Crédit lyonnais fondée sur les cautionnements consentis par lui des engagements de la société pour la somme de 2 600 000 francs à titre privilégié et 8 181 448,29 francs à titre chirographaire ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance, alors, selon le moyen :
1 / que dans ses conclusions signifiées le 29 novembre 1996, M. X... avait fait valoir que l'acte authentique des 20 et 24 juin 1980 "était incontestablement une manoeuvre irrégulière du Crédit lyonnais pour se protéger par priorité, en se faisant consentir a posteriori des garanties pour des dettes antérieurement nées" et "avait donc bien pour seul but de légaliser un découvert existant non autorisé par la direction générale" alors même que "la société X... se trouvait déjà dans une situation financière irrémédiablement compromise" ; qu'il était également soutenu que "c'est en toute connaissance de cause que cette ouverture de crédit factice a été mise en place, assortie de garanties hypothécaires personnelles" ; qu'en conséquence, M. X... entendait voir prononcer la nullité de son engagement de caution ; qu'en énonçant qu'aucun vice du consentement n'était allégué par M. X... dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a dénaturé celles-ci et a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... avait entendu se prévaloir du caractère factice du crédit accordé par le Crédit lyonnais à la société X... à seule fin d'obtenir une garantie personnelle très importante de M. X... et qu'ainsi, la banque avait recouru à une manoeuvre, consciente du caractère artificiel des besoins d'une entreprise inéluctablement vouée à la déconfiture financière ; qu'il incombait dès lors à la cour d'appel de rechercher si un tel comportement de la banque n'était pas constitutif d'une manoeuvre dolosive justifiant l'annulation de l'engagement de caution pris par M. X... ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence la banque qui, sachant que la situation de son débiteur est irrémédiablement compromise où à tout le moins lourdement obérée, omet de porter cette information à la connaissance de la caution l'incitant à s'engager ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si l'acte notarié en date des 20 et 24 juin 1980 n'avait pas eu pour seule finalité, dans l'intérêt du Crédit lyonnais, d'accorder à la société X... une ouverture de crédit factice à seule fin d'obtenir de M. X... un engagement de caution assorti d'une affectation hypothécaire sur les biens appartenant à celui-ci, en garantie de "tous les rapports d'obligations qui existent ou existeront entre le client et la banque", sans informer la caution du montant des différents découverts qui s'élevaient déjà au 24 juin 1980 à la somme de 1 992 443,83 francs, d'où il résultait que le Crédit lyonnais avait agi de mauvaise foi et de manière dolosive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
4 / que l'engagement de caution doit présenter un caractère accessoire ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, si, à la date de la signature de l'acte de caution, les 20 et 24 juin 1980, la situation financière de la société X..., débitrice principale, n'était pas déjà irrémédiablement compromise, l'octroi abusif des crédits accordés par le Crédit lyonnais, constaté par une décision devenue définitive, ayant eu pour effet de masquer l'état de cessation des paiements de la société X..., judiciairement arrêté au 11 septembre 1979, d'où il résultait qu'en requérant l'engagement de caution de M. X..., la banque avait eu pour seule finalité de se donner un nouveau débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 2011 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le devoir de requalifier les faits, imposé au juge par l'article 12, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, ne concerne que les faits qui ont été invoqués par une partie au soutien de ses prétentions ; que M. X... dénonçait les manoeuvres de la banque consistant à s'être fait consentir des garanties "pour des dettes nées antérieurement" et en couverture d'un "crédit factice" pour en déduire que son cautionnement devait "être annulé pour cause illicite" ; qu'en relevant qu'aucun vice du consentement n'était allégué par la caution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs de la première et de la deuxième branches ;
Attendu, en second lieu, que M. X... n'a pas invoqué, dans ses conclusions d'appel, la réticence dolosive de la banque ;
Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que M. X... était le dirigeant de la société cautionnée, ce dont il résulte que, sauf circonstances particulières, non invoquées, il avait une parfaite connaissance de la situation de l'entreprise lorsqu'il s'en est porté caution, l'arrêt retient exactement que si, à la date à laquelle M. X... s'était porté caution des dettes sociales, le compte courant de la société se trouvait en position créditrice avant d'accuser très rapidement un important solde débiteur, cette circonstance, loin de priver l'engagement souscrit de toute cause, en démontre au contraire l'existence ; qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, nouveau, et mélangé de fait et de droit en sa troisième branche, est irrecevable pour partie et mal fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à énoncer que les décomptes présentés par le Crédit lyonnais ne faisaient l'objet d'aucune critique sérieuse de la part de M. X..., sans expliquer en quoi les conclusions de celui-ci qui contestaient le caractère certain de la créance de la banque en faisant valoir que celle-ci avait été contestée par M. Y..., ès qualités, et qu'aucun détail ne permettait d'en apprécier la réalité et d'en effectuer le contrôle, ne pouvaient être accueillies, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en l'état des conclusions de M. X... qui ne précisait pas en quoi le montant de la créance était injustifié, la cour d'appel, qui a retenu que les décomptes reproduits dans la déclaration de créance de la banque avec ses annexes ne faisaient l'objet d'aucune critique sérieuse, a satisfait aux exigences des textes précités ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer au Crédit lyonnais la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.