AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Luc X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 janvier 1999 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section B), au profit :
1 / de l'Ecole de Bonneuil, dont le siège est ...,
2 / de l'association Champ de la Croix, dont le siège est ...,
3 / de l'Association française de pédagogie curative, dont le siège est 5, Place des Fontenottes, 89330 Saint-Julien du Sault,
défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 novembre 2000, où étaient présents : M. Gougé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Thavaud, conseiller rapporteur, M. Ollier, Mme Ramoff, M. Dupuis, Mme Duvernier, M. Duffau, conseillers, M. Petit, Mme Guilguet-Pauthe, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Thavaud, conseiller, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de M. X..., de la SCP Lesourd, avocat de l'association Champ de la Croix, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de l'Association française de pédagogie curative, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'Ecole de Bonneuil, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les trois moyens réunis, le deuxième pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... s'est vu refuser, en 1990, l'admission de son enfant autiste dans les établissements spécialisés gérés par l'Association française de pédagogie curative, l'association Le Champ de la Croix et la société l'Ecole de Bonneuil ; qu'ayant confié cet enfant à un établissement suisse depuis 1991, il a fait assigner les trois institutions françaises sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en réparation du préjudice résultant des frais de ce placement qui ne bénéficie d'aucune prise en charge de la sécurité sociale ; que la cour d'appel (Paris, 29 janvier 1999) a rejeté cette demande ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon les moyens :
1 / que la décision d'admission à participer au service public hospitalier est prise par le ministre chargé de la santé ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher si, comme le soutenait M. X... dans ses conclusions d'appel, l'association Le Champ de la Croix et l'Association française de pédagogie curative avaient été admises à assurer l'exécution du service public hospitalier, nonobstant leur soumission aux dispositions de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 715-6 du Code de la santé publique et 1382 du Code civil ;
2 / que lorsque les parents ou le représentant légal de l'enfant ou de l'adolescent handicapé font connaître leur préférence pour un établissement dispensant l'éducation spéciale correspondant à ses besoins et en mesure de l'accueillir, la commission est tenue de faire figurer cet établissement ou service au nombre de ceux qu'elle désigne, quelle que soit sa localisation, cette décision s'imposant aux établissements d'éducation spéciale dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés ; que dans ses conclusions signifiées le 18 février 1997, M. X... faisait valoir que l'association Champ de la Croix avait refusé d'admettre le jeune Dorian, non pas du fait de l'absence de décision de la commission, mais en raison de la priorité donnée aux candidature de sa région, afin de ne pas indisposer ses organismes de tutelle ; qu'en s'abstenant de rechercher si le refus d'accueillir l'enfant fondé sur un tel motif, contraire aux dispositions légales, n'était pas constitutif d'une faute, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 6-1 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 et 1382 du Code civil ;
3 / que le placement d'un enfant handicapé dans une institution médico-sociale peut être pris en charge par l'organisme de sécurité sociale, à titre provisoire, avant toute décision de la commission, de sorte que cette décision n'est nullement un préalable nécessaire au placement de l'enfant ; qu'en s'abstenant de rechercher si, nonobstant l'absence de décision de la commission départementale, les deux associations n'avaient pas commis de faute en refusant d'accueillir sans motif légitime le jeune Dorian, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 6-IV de la loi précitée et 1382 du Code civil ;
4 / que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même ;
qu'en jugeant que les mêmes associations ne disposaient pas de place vacante lors des demandes formulées par M. X... aux mois de mars 1991 et mars 1995 au seul vu de courriers émanant de ces deux institutions, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
5 / qu'un établissement sanitaire privé non conventionné, spécialisé dans les soins dispensés aux enfants handicapés, qui refuse, sans raison légitime, d'accueillir un enfant autiste commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en se bornant à énoncer que la spécificité et la petite capacité de l'Ecole de Bonneuil ne permettaient pas à cette dernière de satisfaire toutes les demandes, sans rechercher si, lors de la demande d'admission de son fils présentée par M. X..., l'Ecole de Bonneuil n'avait effectivement plus de place pour accueillir l'enfant et sans établir en quoi la spécificité de cette école aurait empêché l'admission d'un enfant autiste, la cour d'appel a privé encore sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que gestionnaires d'établissements médico-éducatifs régis par la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales, les deux associations mises en cause n'avaient pas vocation à participer à l'exécution du service public hospitalier dans le cadre du schéma d'organisation sanitaire mentionné à l'article L. 715-6 du Code de la santé publique ; qu'il énonce encore justement que seule pouvait s'imposer à ces établissements spécialisés la décision de la Commission départementale de l'éducation spéciale prévue à l'article 6 de la loi d'orientation des personnes handicapées, n° 75-534 du 30 juin 1975 ;
qu'ayant constaté que M. X... n'avait saisi cette commission qu'après le placement de son enfant hors de France, la cour d'appel, qui a en outre relevé, par une appréciation souveraine des documents soumis à son examen, que les établissements sollicités par l'intéressé avaient des capacités d'accueil limitées et que l'Ecole de Bonneuil, établissement à caractère privé non conventionné, était une école expérimentale destinée à l'hospitalisation psychiatrique de jour, a pu décider que le refus d'admission opposé par ces institutions n'était pas constitutif d'une faute engageant leur responsabilité ; que, par ces motifs, elle a, sans encourir les griefs des moyens, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des défenderesses ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille.