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12/12/2000 | FRANCE | N°98-45308

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 décembre 2000, 98-45308


Attendu que, le 24 février 1994, le Conseil d'administration du Centre national d'études spatiales (le CNES), a adopté une nouvelle rédaction de l'article 49-1 de son règlement du personnel qui fixait l'âge de la mise à la retraite de ses agents à 65 ans, avec possibilité de report à l'âge de 68 ans, en rabaissant à 60 ans l'âge auquel le CNES pouvait mettre un agent à la retraite dès lors qu'il bénéficiait d'une retraite à taux plein de la sécurité sociale ; que se fondant sur ces nouvelles dispositions, le CNES a procédé à la mise à la retraite de MM. X..., Z..., Y...

, ainsi que de Mme B... et de M. A..., ces derniers bénéficiant d'un co...

Attendu que, le 24 février 1994, le Conseil d'administration du Centre national d'études spatiales (le CNES), a adopté une nouvelle rédaction de l'article 49-1 de son règlement du personnel qui fixait l'âge de la mise à la retraite de ses agents à 65 ans, avec possibilité de report à l'âge de 68 ans, en rabaissant à 60 ans l'âge auquel le CNES pouvait mettre un agent à la retraite dès lors qu'il bénéficiait d'une retraite à taux plein de la sécurité sociale ; que se fondant sur ces nouvelles dispositions, le CNES a procédé à la mise à la retraite de MM. X..., Z..., Y..., ainsi que de Mme B... et de M. A..., ces derniers bénéficiant d'un contrat de préretraite progressive depuis le 1er février 1989, moyennant une activité à mi-temps, au motif qu'ils étaient tous âgés d'au moins 60 ans et pouvaient bénéficier d'une retraite à taux plein ; qu'estimant qu'ils avaient fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches :

Attendu que le CNES fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le CNES était situé hors du champ d'application de la loi du 30 juillet 1987, alors, selon le moyen :

1° que sont seules exclues du champ d'application des dispositions d'ordre public du Code du travail frappant de nullité absolue les clauses de rupture automatique des contrats de travail pour départ à la retraite du salarié, les entreprises publiques dont les conditions d'emploi et de travail sont régies par un statut particulier d'origine législative ou réglementaire instituant en faveur de leur personnel un régime de retraite spécifique ; qu'il ne saurait en être de même pour le CNES, établissement public et commercial dont le règlement du personnel émanant de ses propres instances dirigeantes n'institue aucun régime spécial de retraite en faveur des salariés qui demeurent soumis au droit commun des régimes de retraite (soit, pour le régime de base, le régime général de retraite de la sécurité sociale et pour les régimes complémentaires l'AGIRC et l'ARRCO) ; qu'en conséquence, les dispositions d'ordre public de la loi du 30 juillet 1987 rendant illicite toute clause de rupture de plein droit des contrats de travail pour survenance de l'âge de la retraite étaient de nature à priver d'effet les dispositions de l'ancien article 49-1 du règlement du personnel qui lui étaient contraires, indépendamment de toute dénonciation de ladite clause par le CNES ; qu'en considérant néanmoins que le CNES étant situé hors du champ d'application de la loi du 30 juillet 1987, les dispositions de l'article 49-1 ancien du règlement du personnel demeuraient seules applicables, l'arrêt a violé les articles L. 122-14-12 et L. 122-14-13 et L. 134-1 du Code du travail ;

2° qu'est entachée d'une nullité absolue la clause prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail du salarié à l'arrivée d'un âge déterminé, une éventuelle prolongation du contrat au-delà de l'âge limite n'étant prévue qu'à titre exceptionnel et la rupture restant en toute hypothèse subordonnée à la volonté de l'employeur ; que l'article 49-1 du règlement du personnel du CNES disposant dans son ancienne rédaction que la limite d'âge était fixée à 65 ans et qu'elle pourrait, dans les cas exceptionnels, être prorogée jusqu'à 68 ans maximum instituait une possibilité de rupture automatique du contrat pour survenance de l'âge et constituait une clause couperet contraire aux dispositions d'ordre public du Code du travail ; qu'en considérant néanmoins que l'ancien article 49-1 du règlement du personnel ne contrevenait pas aux dispositions issues de la loi du 30 juin 1987 et qu'il demeurait dès lors applicable aux salariés du CNES, l'arrêt a violé par fausse application les articles L. 122-14-12 et L. 122-14-13 du Code du travail ;

3° qu'il résultait de l'article 49-1 que l'âge de 65 ans constituait la limite maximale de poursuite du contrat de travail (sauf dépassement exceptionnel) ; qu'en énonçant que le salarié du CNES pouvait, en vertu de l'article 49-1 du règlement du personnel, " bénéficier d'une garantie d'activité jusqu'à 65 ans et plus ", d'où il conclut que cette disposition devait l'emporter sur le dispositif de mise à la retraite moins favorable institué par la loi du 30 juillet 1987, l'arrêt attaqué a dénaturé l'article 49-1 du règlement du personnel et a violé l'article 1134 du Code civil ;

4° que le CNES faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la décision prise par la direction générale de procéder à une modification des conditions de départ à la retraite des salariés de cet établissement public, à caractère industriel et commercial ne concernait pas l'organisation du service public si bien que sa dénonciation relevait des règles du droit privé ; qu'en affirmant que la modification de l'article 49-1 constituait un acte administratif réglementaire, tout comme le règlement du personnel dont ce texte faisait partie, l'arrêt, qui n'a pas recherché si la décision du CNES ne relevait pas du droit privé en raison de son objet même, dépourvu de tout lien avec l'organisation du service public dont cet établissement avait la charge, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que les dispositions statutaires élaborées par le conseil d'administration du CNES, exécutoires sauf opposition des ministres de tutelle, selon les dispositions de l'article 5 du décret du 28 juin 1984 pris pour l'application de la loi du 19 décembre 1961, apparaissent comme des éléments de l'organisation du service public exploité, qui présentent le caractère d'un acte administratif réglementaire ; que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que ce texte était applicable aux salariés ; que le moyen pris en ses quatre premières branches n'est pas fondé ;

Mais sur la sixième branches du premier moyen :

Vu la règle selon laquelle un acte administratif réglementaire n'est opposable que s'il a fait l'objet d'une publicité appropriée ;

Attendu que pour dire que la mise à la retraite des agents ayant atteint au moment de la rupture l'âge de 60 ans et pouvant bénéficier d'une retraite à taux plein constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné le CNES à payer des indemnités de licenciement, la cour d'appel a énoncé, concernant la modification de l'article 49-1 du statut décidée le 24 février 1994 en conseil d'administration, sous contrôle des autorités de tutelle, permettant au CNES de mettre ses agents à la retraite à l'âge de 60 ans, que s'agissant d'un acte administratif, même si elle est intervenue après concertation, à caractère réglementaire comme ayant effet à l'égard de tous les membres de l'entreprise, la modification dont s'agit n'aurait pu, en toute hypothèse, entrer en vigueur, même si son caractère exécutoire, selon les dispositions précises de l'article 5 du décret du 28 juin 1994, n'était pas suspendu par le délai d'opposition des autorités de tutelle, qu'après avoir reçu une publicité adéquate ; que les pièces fournies aux débats n'établissent nullement que la délibération du 24 février 1994 du conseil d'administration du CNES avait fait l'objet, lors des ruptures dont s'agit, d'une telle publicité, notamment par affichage ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le faisait valoir le CNES dans ses écritures, la modification de l'article 49-1 du règlement du personnel du CNES rabaissant à 60 ans l'âge de la retraite n'avait pas été portée à la connaissance des salariés par voie de notification individuelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les cinquième, septième et huitième branches du premier moyen, et sur les deuxième et troisième moyens :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le CNES à payer à ses anciens salariés des sommes à titre d'indemnité de licenciement et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 18 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 98-45308
Date de la décision : 12/12/2000
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Age - Fixation par dispositions statutaires - Eléments de l'organisation d'un service public - Nature juridique du statut - Acte administratif réglementaire - Portée.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Salariés du Centre national d'études spatiales - Réglementation applicable - Nature juridique - Portée.

1° Les dispositions statutaires élaborées par le conseil d'administration du Centre national d'études spatiales (CNES) exécutoires sauf opposition des ministres de tutelle selon les dispositions de l'article 5 du décret du 28 juin 1984 pris pour l'application de la loi du 19 décembre 1961, apparaissent comme des éléments de l'organisation du service public exploité, qui présentent le caractère d'un acte administratif réglementaire et sont applicables aux salariés.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Age - Fixation par dispositions statutaires - Eléments de l'organisation d'un service public - Nature juridique du statut - Acte administratif réglementaire - Opposibilité au salarié - Condition.

2° Un acte administratif réglementaire n'est opposable que s'il a fait l'objet d'une publicité appropriée.


Références :

1° :
Décret du 28 juin 1984 art. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 septembre 1998

A RAPPROCHER : (1°). Chambre sociale, 2000-12-12, Bulletin 2000, V, n° 418, p. 320 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 déc. 2000, pourvoi n°98-45308, Bull. civ. 2000 V N° 419 p. 320
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2000 V N° 419 p. 320

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Kehrig.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Trassoudaine-Verger.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Gatineau, la SCP Ancel et Couturier-Heller, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.45308
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