La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2000 | FRANCE | N°99-87084

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 septembre 2000, 99-87084


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VE

RSAILLES, 9 ème chambre, en date du 13 octobre 1999, qui, pour extorsion de signature, l'...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9 ème chambre, en date du 13 octobre 1999, qui, pour extorsion de signature, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 4 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 312-1 et 312-13 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu (Alain Y..., le demandeur) coupable du délit d'extorsion de signature sous la contrainte, en répression l'a condamné à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 4 000 francs et, sur l'action civile, à payer à la partie civile (Nadine Z...) une somme de 8 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs qu'Alain Y..., qui ne contestait la matérialité d'aucun des faits, prétendait que la présence et l'assistance d'un délégué du personnel n'était pas légalement requise dans le type d'entretien pour signature d'une transaction ;

que la menace d'user d'une voie de droit (la procédure de licenciement pour faute lourde) ne constituait pas une violence illégitime ; qu'il avait admis que le texte appelé transaction était prérédigé et que M. X... avait indiqué l'avoir déjà signé lors de l'entretien ; qu'il ne comportait aucun blanc à compléter après discussion ; que le contenu dudit document ne matérialisait donc pas le résultat d'une négociation, d'un compromis après renonciation de chacun à une partie de ses prétentions initiales ;

que la discussion, préalable à la signature de Nadine Z..., n'avait pas contenu l'énoncé sincère de la part d'Alain Y... de tous les points en litige, en particulier de l'alternative de la procédure de licenciement pour faute lourde que le prévenu n'avait pas été en mesure de façon convaincante d'expliciter jusque devant le tribunal et la Cour ; que, sur ce point, il n'avait pu formaliser à l'égard de la salariée que des griefs mineurs et imprécis ; que pour juger en connaissance de cause de son intérêt à signer une transaction relative à la rupture du contrat de travail, Nadine Z... devait pouvoir librement et consciemment choisir, y compris le licenciement pour faute lourde ; que sa liberté supposait qu'elle pût apprécier la menace de procédure ; que seule face à deux supérieurs hiérarchiques, Alain Y... et M. X..., l'intéressée n'avait pu disposer ni de temps ni des informations utiles pour asseoir sa réflexion, n'avait donc pas donné un accord libre et éclairé ; que si, en la forme, l'entretien de l'espèce n'était pas un entretien préalable à la procédure de licenciement, il y avait lieu de relever que la privation de l'assistance d'un représentant du personnel qui participait non d'une infraction à la loi, non reprochée, mais de la volonté d'isoler l'employée de toute possibilité de réflexion, y compris avec l'aide d'un tiers, caractérisait une manifestation d'intimidation ; que l'ensemble des faits, la prérédaction de la transaction hors discussion, le haussement du ton, le refus de temps de réflexion et d'aide, la menace d'une procédure illégitime, parce que basée sur le secret de la prétendue faute lourde, et la compromission grave des droits de la défense de l'employée privaient de valeur ou d'effet la convention conclue ; que c'était par conséquent vainement qu'Alain Y... se retranchait derrière la notion de transaction pour prétendre que Nadine Z... avait valablement renoncé en quelques minutes à son emploi et à toute action ultérieure en échange de quelque argent, auquel elle était menacée de n'avoir pas droit en cas de licenciement pour faute lourde ; que les faits dénoncés et matériellement attestés et reconnus avaient incité Nadine Z... à signer le document abusivement intitulé "transaction" ; qu'ils constituaient ensemble des violences illégitimes ayant contraint l'employée à la signature, le prévenu n'étant pas fondé à soutenir, compte tenu de ces violences, la prétendue tardiveté de la réaction de la salariée ; que, par son implication actuelle dans le domaine social, par sa pratique passée de la protection des intérêts des travailleurs, Alain Y... savait que les menaces proférées à l'égard de Nadine Z..., consistant dans la privation d'emploi et de ressources pour une jeune femme élevant seule ses enfants, et le refus d'information légale constituaient un ensemble de violences illégitimes ; que l'intention coupable était caractérisée ;

"alors que, de première part, saisi in rem le juge répressif ne peut statuer que sur les faits visés à la prévention, en sorte que la cour d'appel ne pouvait, sans excès de pouvoir, retenir que constituaient un ensemble de violences illégitimes les menaces proférées à l'égard de la salariée et consistant en la privation d'emploi et de ressources pour une jeune femme élevant seule ses enfants, le refus d'information légale, le fait d'avoir refusé à l'intéressée le temps de réflexion et d'aide, d'avoir soumis à sa signature un document prérédigé et déjà signé par le directeur lors de l'entretien, la circonstance que la salariée avait été seule lors de cet entretien face à ses deux supérieurs hiérarchiques, tous faits non visés à la prévention ;

"alors que, de deuxième part, la cour d'appel ne pouvait, sans priver sa décision de tout motif, s'abstenir de préciser en quoi aurait consisté le "refus d'information légale" qui aurait caractérisé une violence illégitime ;

"alors que, de troisième part, la contrainte doit être appréciée compte tenu notamment de l'âge, de la condition physique et intellectuelle de la personne sur laquelle elle s'exerce ; que la cour d'appel ne pouvait donc, sans entacher sa décision d'un manque de base légale, condamner le demandeur du chef d'extorsion de signature par contrainte, sans donner aucune indication sur la personnalité de la salariée et son éventuelle incapacité physique ou morale, à résister aux pressions dont elle aurait été l'objet, tandis qu'il était par ailleurs constaté qu'elle avait eu au moins suffisamment de résistance pour demander la présence d'un délégué du personnel ;

"alors que, enfin, le demandeur faisait valoir, pour démontrer que le consentement de la salariée n'avait pas été obtenu sous la contrainte, que l'un de ses collègues de travail, entendu sur commission rogatoire à une époque où il n'était plus salarié de l'employeur, avait déclaré avoir vu l'intéressée, le soir même de la signature de la transaction, que celle-ci lui avait confié avoir signé un protocole d'accord moyennant une somme d'argent mais avait ajouté qu'elle se posait la question de savoir si elle avait bien fait ou non de signer ce papier ; que ce témoin, non suspecté de complaisance pour avoir connu un conflit du travail avec l'employeur, attestait ainsi de l'absence totale d'invocation par la salariée, le soir même des faits, de pressions qui l'auraient conduite à signer la transaction ; que, par ailleurs, le directeur avait déclaré lui aussi "ils se sont copieusement engueulés. Moi je comptais les points" ; qu'il ressortait plus généralement de ce témoignage que la salariée, tout au long de l'entretien, n'avait cessé de soulever des objections aux reproches qui lui étaient faits ; qu'il s'en déduisait que certes le ton avait monté mais de part et d'autre et que, contrairement à ce que soutenait actuellement l'employée, elle n'avait pas été une pauvre victime inerte mais au contraire une personne en pleine possession de ses facultés capable de protester, d'élever la voix et même de revendiquer la présence d'un délégué syndical ; que, dans un courrier adressé le 12 septembre 1996 à l'inspection du travail, l'intéressée indiquait que les pressions dont elle aurait été l'objet provenaient non du demandeur mais du directeur qui lui aurait remis le document à

signer et qui lui aurait dit que si elle n'était pas d'accord avec la transaction ce serait un licenciement pour faute lourde sans indemnités et sans ASSEDIC ;

que la cour d'appel ne pouvait délaisser de telles écritures desquelles il résultait que la salariée n'avait considéré que très tardivement avoir été victime de pressions qui, de surcroît, émanaient du directeur et non du prévenu" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, reproduites au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Samuel conseiller rapporteur, M. Martin conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-87084
Date de la décision : 06/09/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9 ème chambre, 13 octobre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 sep. 2000, pourvoi n°99-87084


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.87084
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award