LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MISTRAL, les observations de Me COSSA et de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 5 octobre 1999, qui, pour construction sans permis, l'a condamné à 10 000 francs d'amende ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des articles 551, 565 et 591 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de la nullité de la citation à comparaître délivrée à Michel X... ;
"aux motifs que la liste de ceux qui sont visés à l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme est au demeurant seulement énonciative comme se terminant par "... ou les autres personnes responsables desdits travaux" ; qu'il incombe à la juridiction correctionnelle de rechercher si l'infraction peut être reprochée à un prévenu, quelle que soit sa qualité ; que c'est bien au titre de "l'exécution de travaux" premier mot du texte de l'article L. 480-4 que la responsabilité pénale du prévenu est recherchée, quitte à ce que la juridiction juge ou non qu'il en a été bénéficiaire ; qu'il est rappelé, en tant que de besoin, que Michel X... n'a pas été le seul poursuivi dans le cadre de cette affaire ; que l'ont été également Bruno Z..., architecte, et Claire B..., gérante de la société locataire, La Galerie de France, à la demande de laquelle les travaux litigieux ont été exécutés ; que ceux-ci ont été déclarés coupables des faits reprochés aux termes du jugement déféré à la suite duquel ils n'ont pas relevé appel ;
"alors que la citation doit à peine de nullité énoncer notamment le fait poursuivi et le texte qui le réprime et informer le prévenu de manière détaillée sur la nature et la cause de la prévention ; que les peines prévues par l'article L. 480-4, alinéa 1 er, du Code de l'urbanisme ne peuvent être prononcées, selon le deuxième alinéa du même article, que contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution des travaux, de sorte que la citation doit préciser la qualité exacte en laquelle le prévenu est poursuivi ; qu'en l'espèce, la citation à comparaître délivrée à Michel X... faisait seulement état, pour justifier la poursuite diligentée à son encontre, de ce qu'i l avait "exécuté" les travaux litigieux, sans mentionner qu'il aurait eu la qualité de bénéficiaire de ceux-ci, finalement retenue par les juges du fond ; que, cette erreur de qualification figurant dans la citation ayant privé le prévenu de la possibilité de se défendre utilement en toute connaissance de cause, ladite citation devait être annulée ; qu'en s'y refusant, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que la citation, dont il a régulièrement soulevé la nullité, ne mentionnait pas qu'il était le bénéficiaire des travaux, dès lors qu'il appartient au juge du fond de déterminer s'il a ou non cette qualité, et que les exigences de l'article 551 du Code de procédure pénale ont été satisfaites ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du Code de l'urbanisme, ensemble violation des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X..., nu-propriétaire des locaux loués, coupable de construction sans permis de construire en le considérant comme bénéficiaire des travaux non autorisés et l'a en conséquence condamné à une amende de 10 000 francs ;
"aux motifs que Michel X... est propriétaire des lots n° 4, 20 et 100 ayant fait l'objet des travaux litigieux, étant précisé qu'Yvonne X... est l'usufruitière, laquelle les a loués à la société à responsabilité limitée La Galerie de France dont Catherine B... est la gérante ; que les travaux faisant l'objet de cette procédure ont été exécutés au cours de l'été 1995 (...) ; qu'il n'est pas contestable qu'ils ont été entrepris préalablement à toute demande de permis de construire (...) ; que le 19 juin 1995, Monsieur Z..., architecte, a envoyé une lettre à Michel X... pour l'informer de la nécessité de déposer une demande de permis de construire ou une seule déclaration de travaux au cas où il pourrait prouver la commercialité antérieure des caves ; que Michel X... exposant qu'il n'en a jamais eu connaissance n'en conteste pas pour autant son authenticité ; que Claire B..., gérante de la Galerie de France, locataire, a affirmé que Michel X... "majoritaire en lots de l'immeuble" lui avait donné son consentement verbal pour réaliser les travaux ; que le prévenu estimant cette affirmation "sujette à caution" n'en conteste pas non plus l'authenticité ; que antérieurement à l'exécution des travaux, le prévenu était ainsi informé de la nécessité de déposer une demande de permis de construire même s'il n'a pas donné expressément son autorisation audit architecte ou à La Galerie de France, locataire ; qu'effectivement, les travaux exécutés sur un immeuble n'impliquent pas nécessairement qu'ils bénéficient automatiquement au propriétaire ou au nu-propriétaire ; que cela étant, il n'est pas contestable que Michel X..., nu-propriétaire, n'était pas ignorant de l'exécution de ceux que faisait pratiquer la locataire des biens dont il est le nu-propriétaire ; que Michel X... n'a jamais soutenu que ces travaux dépréciaient la valeur des biens immobiliers loués ; qu'il apparaît à la lumière du dossier, qu'ils sont propres à en augmenter la valeur vénale ; qu'il ne peut être contesté que l'amélioration des locaux appartenant à un propriétaire lui profite en dépit du démembrement de la propriété existant entre usufruitier et nu-propriétaire ; que compte tenu de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, il y a lieu, les faits étant constants et leur matérialité n'étant pas contestée, de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de Michel X... ;
"alors, de première part, que dans ses conclusions d'appel, Michel X... déniait tout valeur probante à la prétendue copie remise à un officier de police judiciaire d'une lettre que l'architecte Z... lui aurait adressé le 19 juin 1995, en soulignant expressément que ce document était dépourvu de toute date certaine autre que celle de la remise à l'OPJ, et en outre qu'il n'avait jamais reconnu en avoir eu connaissance, ce dont il résultait nécessairement que Michel X... avait toujours formellement contesté non seulement avoir eu connaissance de ladite lettre, mais aussi l'authenticité du document présenté comme étant une copie de celle-ci ; que, dès lors en écartant le moyen tiré de ce que Michel X... n'avait jamais eu connaissance de la lettre de Monsieur Z... au motif inopérant qu'il n'en contestait pas pour autant l'authenticité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"et que, en affirmant que Michel X... ne contestait pas l'authenticité du document en cause, la cour d'appel a méconnu la portée des conclusions dont elle était saisie, en violation des textes susvisés ;
"alors, de deuxième part, que dans ses conclusions d'appel Michel X... faisait également valoir que, contrairement à ce qu'avait soutenu la dirigeante de la société locataire, il n'avait jamais consenti même verbalement à la réalisation des travaux aux lieu et place de l'usufruitière qui seule aurait pu valablement donner une telle autorisation ; qu'à cet égard, il soulignait notamment que la locataire avait elle-même précisé au cours de l'enquête que son bailleur n'était pas Michel X... mais la mère de ce dernier et qu'elle ne pouvait prétendre être de bonne foi en se prévalant d'une prétendue autorisation verbale, alors qu'elle ne pouvait raisonnablement ignorer que son bail exigeait un accord exprès et écrit de Michel X... ; que, dès lors, en écartant ce moyen au motif que Michel X..., s'il soutenait que l'affirmation de la locataire était sujette à caution, n'en contestait pas l'authenticité et en se déterminant ainsi par un motif doublement inopérant, d'abord au regard des raisons pour lesquelles l'affirmation de la locataire était sujette à caution, ce sur quoi l'arrêt ne s'est pas expliqué, ensuite parce que la notion d'authenticité d'une affirmation n'a aucun sens, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"alors, de troisième part, qu'en laissant sans réponse le moyen des conclusions de Michel X... faisant valoir qu'en tant que nu-propriétaire il était sans qualité pour autoriser les travaux litigieux réalisés par la société locataire qui n'auraient pu être autorisés que par sa mère, usufruitière et signataire du bail, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard des textes susvisés ;
"alors, de quatrième part, que, en retenant à l'encontre de Michel X... le fait de n'avoir pas ignoré la réalisation des travaux, circonstance inopérante dès lors qu'il n'avait pas qualité pour les autoriser et qui pouvait tout au plus caractériser le fait de n'avoir pas empêché l'accomplissement par autrui d'une infraction réprimée par l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme, fait ne tombant pas lui-même sous le coup de ce texte, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"alors, de cinquième part, que, en toute hypothèse, ne tombe sous le coup de l'article L. 480-4 du Code de l'urbanisme que celui-ci était, au jour de la réalisation des travaux, soit utilisateur du sol, soit bénéficiaire des travaux, soit architecte, soit entrepreneur soit encore responsable de l'exécution des travaux ; que si le propriétaire bailleur d'un immeuble qui autorise expressément le preneur des lieux loués à réaliser des travaux sans avoir obtenu préalablement un permis de construire peut être reconnu comme le bénéficiaire des améliorations apportées par le locataire, il ne saurait en aller de même du nu-propriétaire qui ne perçoit pas immédiatement le fruit des aménagements contestés et n'est titulaire d'aucune prérogative reconnue au bailleur, lesquelles ne peuvent être exercées que par le seul usufruitier ; que, dès lors, en décidant que Michel X... pris en sa seule qualité de nu-propriétaire devait être considéré comme le bénéficiaire des travaux réalisés, sans caractériser qu'il le fût au jour de leur réalisation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Roman conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Mistral conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;