AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la compagnie d'assurances GAN incendie accidents, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 novembre 1997 par la cour d'appel de Bastia (Chambre civile), au profit :
1 / de M. Robert Z...,
2 / de Mme Nicole Z...,
demeurant tous deux ...,
3 / de M. Y..., demeurant ...,
4 / de M. Michel A..., demeurant Terrasses de Funtanone, bâtiment C, 20200 Ville X... Pietrabugno,
5 / de la société B..., société à responsabilité limitée, représentée par son liquidateur, M. Maxime B..., domicilié ...,
défendeurs à la cassation ;
Les époux Z... ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 juin 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Bouscharain, conseiller rapporteur, M. Sargos, conseiller, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bouscharain, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la compagnie GAN incendie accidents, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat des époux Z..., les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre M. B..., ès qualités de liquidateur de la société B..., MM. Y... et A... ;
Attendu que M. et Mme Z... ont confié à la société B... l'édification d'une maison et la construction d'une piscine sur un terrain leur appartenant, demandant à M. A... la confection de plans sommaires destinés à accompagner la demande de permis de construire et à M. Y... la réalisation d'une étude pour des ouvrages en béton armé ; que les travaux n'ayant pas été achevés, les ouvrages réalisés ont présenté des désordres pour la reprise desquels les époux Z... ont, après expertise, demandé à la société B... et à la compagnie d'assurances GAN incendie accidents, assureur de la responsabilité décennale de celle-ci, le paiement de certaines sommes ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal du GAN :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour juger que le GAN devait la garantie convenue, l'arrêt attaqué retient que l'article 1792-6 du Code civil n'exige pas que la construction de l'immeuble soit achevée pour que la réception puisse intervenir et qu'un procès-verbal de réception comportant des réserves a été signé le 30 juillet 1988 ;
Attendu, cependant, que le GAN avait fait valoir, en se fondant sur des éléments de fait circonstanciés, que le procès-verbal de réception était un faux établi dans le but de faire jouer frauduleusement l'assurance ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident des époux Z... :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu qu'hors le cas où le maître de l'ouvrage s'est immiscé dans l'opération de construction, la responsabilité de celui-ci ne peut être retenue qu'en cas d'acceptation consciente du risque ;
Attendu que pour débouter les époux Z... de leur demande d'indemnisation d'un préjudice de jouissance, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que ceux-ci avaient choisi de faire procéder à une construction importante et complexe sur un terrain accidenté sans recourir à un maître d'oeuvre ;
Attendu, cependant, que la cour d'appel avait retenu que les maîtres de l'ouvrage avaient placé toute leur confiance en l'entrepreneur qui aurait dû leur fournir sur l'opportunité de désigner un maître d'oeuvre les informations et les conseils les plus complets ; qu'en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions condamnant le GAN incendie accidents à garantir la société B... et déboutant les époux Z... de leur demande de réparation de leur préjudice de jouissance, l'arrêt rendu le 27 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Laisse aux époux Z..., d'une part, à la compagnie GAN incendie accidents, d'autre part, la charge des dépens afférents à leurs pourvois respectifs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la compagnie GAN incendie accidents et des époux Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juillet deux mille.