AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X...,
en cassation de l'arrêt rendu le 22 octobre 1998 par la cour d'appel de Versailles (1ère chambre civile, section A), au profit de Mme Y..., épouse Z..., prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentatrice légale de sa fille mineure A...,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Durieux, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Durieux, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. X..., de Me Garaud, avocat de Mme Y..., les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que le 12 octobre 1984, Mme Y..., épouse séparée de fait de M. Z..., a mis au monde une fille prénommée A..., qui a été inscrite à l'état civil sous le nom de sa mère ; que celle-ci a exercé une action en recherche de paternité naturelle contre M. X... ; que cette action a été déclarée irrecevable par un jugement du 9 janvier 1991 ; que le 28 juin 1995, Mme Y... a assigné M. X... en constatation de la possession d'état d'enfant naturelle de sa fille à l'égard de celui-ci ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 22 octobre 1998) d'avoir déclaré l'action recevable alors, selon le moyen, 1 ) qu'en opposant cette action à l'action en réclamation d'état, au motif que la première ne constituait pas une action d'état, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 311-7 et 334-8 du Code civil ;
2 ) qu'en affirmant que rien ne justifie, depuis la rédaction du nouvel article 334-8, une différence entre filiation légitime et filiation naturelle, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 321 et 334-8 du Code civil ;
3 ) qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier le respect de la condition de subsidiarité de la preuve de la filiation naturelle par la possession d'état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 334-8 du Code civil ; 4 ) et qu'en retenant que le jugement du 9 janvier 1991 avait spécialement retenu que la mère ne démontrait pas que soient remplies les exigences des alinéas 4 et 5 de l'article 340 ancien du Code civil, les 3 autres cas étant hors débat, alors que ledit jugement avait décidé que la demande de Mme Y... n'entrait pas dans l'un des 5 cas énumérés par ce texte, la cour d'appel a méconnu la force irrévocable de la chose jugée ;
Mais attendu que la cour d'appel a, à bon droit, décidé que l'échec d'une action fondée sur les dispositions de l'ancien article 340 du Code civil ne rendait pas irrecevable une action postérieure en constatation de possession d'état, laquelle est distincte de l'action en réclamation d'état ; que sa décision est justifiée par ce seul motif ;
qu'ainsi, le moyen, non fondé en sa première branche, est inopérant en ses autres branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'action bien fondée alors, selon le moyen, 1 ) que la cour d'appel a établi la possession d'état à partir de photographies ou de témoignages relatant des moments ponctuels, impuissants à démontrer une façon de vivre ; qu'ainsi, elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 311-11, alinéa 2, du Code civil ; 2 ) que la relation entretenue entre le père prétendu et la mère de l'enfant entachait d'équivoque la possession d'état, de sorte que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 311-1 du Code civil ; 3 ) qu'enfin, en constatant la possession d'état sans la faire reposer sur une réunion suffisante de faits indiquant le rapport de filiation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 311-1 et 311-2 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'attitude de M. X... à l'égard de l'enfant est caractérisée, outre par des photographies démontrant un attachement certain à l'égard de celle-ci qui, à lui seul, pourrait n'être que la conséquence de ses sentiments envers la mère, par des attestations précises démontrant que, depuis les mois ayant suivi la naissance jusqu'en 1994, l'enfant, qui l'appelait "papa" en toutes circonstances, avait par lui été traitée comme sa fille, qu'il la gardait à son domicile et en assurait les soins en l'absence de Mme Y... et qu'il en parlait comme de sa fille ; que, de cet ensemble d'éléments souverainement appréciés, la cour d'appel a pu déduire que A... avait eu la possession d'état d'enfant naturel de M. X... ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu, enfin, que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'enfant porterait dorénavant son nom patronymique, après avoir pris en considération le seul intérêt de l'enfant, de sorte que la cour d'appel n'aurait pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 334-3 du Code civil ;
Mais attendu que si la cour d'appel a eu spécialement égard à l'intérêt de l'enfant, elle n'a pas exclu les autres intérêts en présence auxquels elle s'est référée expressément ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Y..., la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille.