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20/06/2000 | FRANCE | N°98-87956

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 juin 2000, 98-87956


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMMUNE de CHARPEY, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 5 novembre 1998, qui a notamment déclaré irrecevable sa constitutio

n de partie civile contre Lucien Y... du chef d'infraction au Code de l'urbanisme ;
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt juin deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMMUNE de CHARPEY, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 5 novembre 1998, qui a notamment déclaré irrecevable sa constitution de partie civile contre Lucien Y... du chef d'infraction au Code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 486, 513 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

" en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la commune de Charpey, appelante, représentée aux débats par son conseil, n'a pas eu la parole ;

" alors qu'aux termes de l'article 513, alinéa 4, du Code de procédure pénale, les parties appelantes doivent avoir la parole en premier, puis les parties intimées ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt que la commune de Charpey, appelante, n'a pas eu le droit à la parole lors des débats auxquels elle était régulièrement représentée par son avocat ; que dès lors l'arrêt n'est pas légalement justifié " ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'avocat représentant la commune de Charpey, partie civile appelante, a exposé à l'audience les demandes de celle-ci ;

Qu'il s'ensuit que le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 486, 512 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt a été signé par un magistrat, pour le président empêché, sans qu'il soit précisé si ce magistrat, dont le nom n'est pas mentionné, a assisté aux débats et au délibéré ;

" alors que, en cas d'empêchement du président, l'arrêt doit être signé par l'un des magistrats qui ont participé aux débats et au délibéré ; qu'en l'espèce, l'arrêt qui n'indique pas le nom du magistrat ayant signé l'arrêt mais uniquement la mention " pour le président empêché " ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision rendue " ;

Attendu qu'il se déduit des mentions de l'arrêt qu'il a été signé par celui des conseillers, ayant assisté aux débats et participé au délibéré, qui a donné lecture de la décision en raison de l'empêchement du président, comme le prévoient les articles 485 et 486 du Code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, L. 480-1 et suivants du Code de l'urbanisme, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la commune de Charpey ;

" aux motifs que la Cour, tenue de vérifier fût-ce d'office, la recevabilité de forme et de fond de la constitution de partie civile, ne peut que relever que la commune de Charpey, au nom et pour le compte de laquelle les infractions au Code de l'urbanisme auraient été commises, aurait parfaitement pu être elle-même poursuivie par le ministère public comme coauteur voire comme seul auteur de l'infraction commise par son maire d'alors selon les règles gouvernant la responsabilité pénale des personnes morales ; que, par ailleurs, étant alors et étant actuellement restée la seule et unique bénéficiaire des travaux litigieux, elle seule pourrait le cas échéant être condamnée à la remise en état des lieux en application de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ; qu'en effet, le principe de la continuité des personnes morales fait obstacle à ce qu'un changement dans la composition des organes d'une commune puisse se traduire par un abandon des engagements et des responsabilités résultant de l'action des anciens organes ; que cette qualité de coauteur et de bénéficiaire des éventuelles infractions interdit à la commune de Charpey, quels que soient les changements de personnes, de poursuivre son élu pour des actes de sa fonction tel que l'exécution d'un projet approuvé par le Conseil municipal de l'époque ; que la responsabilité d'un élu envers la collectivité publique pour le compte de laquelle il a agi dans le cadre de ses fonctions ne relève que des procédures administratives instituées par la loi et de sa responsabilité politique devant les électeurs ;

" alors, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 480-1 du Code de l'urbanisme que les communes peuvent mettre en mouvement l'action publique en ce qui concerne les faits commis sur leur territoire et constituant une infraction audit article ; qu'en l'espèce, il résultait du jugement que Lucien Y... avait seul, sans l'accord du conseil municipal, ordonné la poursuite des travaux malgré la notification de la décision portant annulation du permis de construire ; qu'en agissant de la sorte, Lucien Y... avait engagé sa seule responsabilité pénale ; qu'en décidant le contraire, la Cour a violé les textes visés au moyen ;

" alors, d'autre part, que la poursuite des travaux au mépris de l'annulation du permis de construire, prise délibérément en connaissance de cause et au mépris de la nouvelle situation juridique résultant de l'annulation du permis de construire, constitue une décision qui n'est pas rattachable aux fonctions de maire pour avoir été prise sans l'assentiment du conseil municipal ou de toute autre autorité compétente ; que, dès lors, Lucien Y..., qui avait été cité à titre personnel devant la juridiction répressive, devait répondre de ce délit qui lui était personnellement imputé par la commune de Charpey ; qu'en décidant autrement, la Cour a violé les textes visés au moyen ;

" alors, enfin, qu'un crime ou un délit commis au préjudice d'une commune ne lèse directement que celle-ci ; qu'en l'espèce, en estimant que la commune de Charpey ne pouvait se prévaloir d'un préjudice direct à raison du délit de poursuite des travaux au mépris de l'annulation du permis de construire litigieux, la Cour a violé les textes visés au moyen " ;

Et sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de l'article 509 du Code de procédure pénale ;

Les moyens étant réunis ;

Vu ledit article ;

Attendu que, selon ce texte, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt que la commune de Charpey, représentée par son maire en exercice, a cité son ancien maire, Lucien Y..., devant le tribunal correctionnel pour infractions au Code de l'urbanisme, abus de confiance, faux et usage, en lui faisant grief d'avoir entrepris la construction d'une salle municipale polyvalente avant la délivrance du permis de construire, poursuivi la construction de ce bâtiment en dépit de l'annulation du permis de construire et soumis à la délibération du conseil municipal une demande de prêt mentionnant des travaux fictifs ;

Attendu que les premiers juges ont déclaré Lucien Y... coupable d'infractions au Code de l'urbanisme pour avoir poursuivi les travaux malgré l'annulation du permis de construire, l'ont renvoyé, pour le surplus, des fins de la poursuite et ont débouté la commune de Charpey de ses demandes, au motif que l'unique infraction retenue ne lui avait causé aucun préjudice ;

Attendu que, saisie du seul appel de la partie civile, la juridiction du second degré, après avoir énoncé que sa qualité de coauteur et de bénéficiaire des éventuelles infractions, interdit à la commune d'agir contre son ancien maire, pour des actes de sa fonction, en dehors des procédures administratives prévues par la loi, a réformé le jugment en ce qui concerne l'infraction au Code de l'urbanisme, déclaré irrecevable la constitution de partie civile de ce chef et confirmé le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Mais attendu qu'en prononcant ainsi, alors qu'à défaut d'appels du prévenu et du ministère public les dispositions du jugement relatives à la régularité de la mise en mouvement de l'action publique et à la condamnation pénale prononcée contre le prévenu avaient acquis l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a méconnu les textes et principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et attendu, que la cour d'appel ayant, à bon droit, constaté que la responsabilité de l'ancien maire à l'égard de la commune de Grenoble, relève de la compétence des juridictions administratives, la Cour de Cassation est en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 5 novembre 1998 ;

CONSTATE que les dispositions du jugement du tribunal correctionnel de Valence, en date du 16 décembre 1997, ayant condamné Lucien Y... à 3 000 francs d'amende avec sursis pour infraction au Code de l'urbanisme sont devenues définitives ;

DECLARE irrecevables les demandes de la partie civile ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Gomez président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Roman, Mistral, Ruyssen, Mme Mazars, M. Le Corroller conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-87956
Date de la décision : 20/06/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le troisième moyen et le moyen relevé d'office) APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Effet dévolutif - Limites - Acte d'appel - Saisine - Appel de la partie civile seule - Remise en cause de la régularité de la mise en mouvement de l'action publique et de la condamnation pénale (non).


Références :

Code de procédure pénale 2, 3, 509

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 05 novembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jui. 2000, pourvoi n°98-87956


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.87956
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