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20/06/2000 | FRANCE | N°97-10448

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 juin 2000, 97-10448


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Banque française de l'Orient, anciennement Libano française, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1996 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit :

1 / de M. Mohamed X..., demeurant ...,

2 / de M. Wahbi A..., demeurant Hôtel Sheraton, ... (Arabie Séoudite),

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, l

es cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Banque française de l'Orient, anciennement Libano française, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 novembre 1996 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), au profit :

1 / de M. Mohamed X..., demeurant ...,

2 / de M. Wahbi A..., demeurant Hôtel Sheraton, ... (Arabie Séoudite),

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 mai 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la Banque française de l'Orient, de la SCP Monod et Colin, avocat de M. A..., les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la Banque française de l'Orient de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en tant que dirigé contre M. X... ;

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 22 novembre 1996), que MM. X... et A..., hommes d'affaires, ont créé une société de travaux "Al Badr X... Contracting Company" à Jeddah (Arabie Séoudite) ; que la banque Libano française, devenue la Banque française de l'Orient (la banque), a ouvert en novembre 1979, un compte au nom de ladite société ; qu'estimant pouvoir se prévaloir d'un acte de cautionnement solidaire signé par MM. X... et A..., daté du 19 novembre 1979, à concurrence d'un montant de 13 000 000 de dollars US, elle a adressé à ces derniers, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 1er mars 1984, l'information légale due aux cautions ; qu'après avoir reçu une telle notification le 28 mars 1986, M. A... a signifié à la banque par ministère d'huissier sa protestation ; que devant cette attitude, la banque a mis un terme aux facilités consenties à la société Al Badr X... Contracting Company puis, le solde débiteur de celle-ci s'élevant au 31 mars 1986 à plus de 99 000 000 de francs, a assigné MM. X... et A... en paiement sur le fondement de l'acte du 19 novembre 1979 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche, réunis :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir dit nul l'engagement de caution de M. A... et d'avoir, en conséquence, rejeté ses demandes formées contre ce dernier, alors, selon le pourvoi, d'une part, que constitue un cautionnement commercial, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, l'engagement donné par un commerçant, associé majoritaire de la société débitrice principale, dans laquelle il a eu un rôle actif, ce qui caractérise l'intérêt patrimonial à la réalisation de l'obligation cautionnée ; qu'ayant constaté que l'acte de caution comportait la signature de M. A..., détenant 51% du capital de la société débitrice principale, qu'il était au courant des affaires traitées par la société et y avait eu un rôle actif, puis affirmé que les éléments extrinsèques à la signature de M. A... sont combattus et dominés par les conditions anormales, contraires à toutes les règles et usages bancaires de la signature de l'acte, qu'elles permettent de juger que M. A..., même commerçant avisé et associé de M. X..., n'a, en l'état des pièces versées, pu avoir de la nature et surtout de la portée de son engagement une connaissance claire et non équivoque, toutes les pièces produites tendant à démontrer que la cause de l'acte, le montant cautionné voire l'identité du bénéficiaire de la caution n'ont pas été clairement et de façon non équivoque perçus par M. A..., motif pris que sa signature n'a pas été recueillie par la banque ou un de ses préposés mais par M. X... "sans interprète-traducteur, sans correspondant de la banque auprès d'un signataire dont il n'est pas sérieusement discuté qu'il ne parle ni écrit le français", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles M. A..., commerçant et associé majoritaire de la société débitrice principale, associé depuis 1975 avec M. X... dans des opérations commerciales importantes telle l'acquisition d'un hôtel Sheraton à Londres, qui connaissait des affaires importantes, avait une connaissance parfaite des affaires de la société dans laquelle il avait un rôle actif, ce dont il ressortait qu'en signant l'acte de caution, signature recueillie par son associé, il avait connaissance de la nature et de l'étendue de son engagement, et a violé les articles 1326 et 2015 du Code civil, ensemble les articles 1347 dudit Code et 109 du Code de commerce ; alors, de deuxième part, que constitue un cautionnement commercial, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, l'engagement donné par un commerçant, associé majoritaire de la société débitrice principale, ayant un intérêt patrimonial à la réalisation de l'obligation cautionnée ; qu'ayant constaté que l'acte de caution comportait la signature de M. A..., commerçant avisé, détenant 51% des parts du capital de la société débitrice principale, qu'il était au courant des affaires traitées par la société et y avait eu un rôle actif, puis affirmé que les éléments extrinsèques à la signature de M. A... sont combattus et dominés par les conditions anormales, contraires à toutes les règles et usages bancaires de la signature de l'acte, qu'elles permettent de juger que M. A..., même commerçant avisé et associé de M. X... depuis 1975, dans des affaires importantes dont l'acquisition de l'hôtel Sheraton de

Londres, n'a, en l'état des pièces versées, pu avoir de la nature et surtout de la portée de son engagement une connaissance claire et non équivoque, toutes les pièces produites tendant à démontrer que la cause de l'acte, le montant cautionné voire l'identité du bénéficiaire de la caution, n'ont pas été clairement et de façon non équivoque perçus par M. A..., motif encore pris que la signature de ce dernier n'aurait pas été recueillie par la banque ou un de ses préposés, mais par M. X... "sans interprète-traducteur, sans correspondant de la banque auprès d'un signataire dont il n'est pas sérieusement discuté qu'il ne parle ni écrit le français", la cour d'appel qui ainsi constate que M. A..., commerçant avisé, était l'associé habituel de M. X... dans des affaires de grande envergure, qu'il connaissait parfaitement les affaires de la société dans laquelle il avait un rôle actif, et dont il était l'associé majoritaire, et qui, pour décider que la preuve de la connaissance par ce dernier de la nature et de l'étendue de son engagement n'est pas rapportée, dès lors que les éléments extrinsèques à la signature de M. A... sont combattus et dominés par les conditions anormales, contraires à toutes les règles et usages bancaires, de la signature de l'acte, cette signature ayant été recueillie par M. X..., la cour d'appel qui n'a pas recherché si, eu égard aux éléments extrinsèques constatés et aux relations d'affaires habituelles unissant les deux cautions, seuls associés et dirigeants de la société débitrice, la preuve que M. A... avait eu connaissance de la nature et de l'étendue de son engagement de caution était rapportée, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil, ensemble les articles 1347 dudit Code et 109 et suivants du Code de commerce ;

alors, de troisième part, que la banque faisait valoir que M. A... avait un intérêt patrimonial dans la société cautionnée, qu'il avait créée avec M. X... et à laquelle il avait fait apport de l'ensemble des contrats de son entreprise, qu'il possédait 51% des parts de cette société ; que la banque faisait encore valoir que le 15 juin 1981, la société débitrice avait prêté 7 millions de Riyals au gendre de M. A..., à la demande de ce dernier contre remise de chèques postdatés, que M. A... avait fait rembourser une dette personnelle de plus de 650 000 dollars par la société débitrice ; qu'en ne recherchant pas s'il ne ressortait pas de ces actes d'immixtion dans la gestion de la société, caractérisant la confusion des patrimoines et la direction de fait, la preuve de la connaissance par la caution, qui y avait un intérêt patrimonial de la connaissance de la nature et de l'étendue de l'engagement de caution qu'elle avait signé, dont elle relève qu'elle était parfaitement au courant des affaires de la société dans laquelle elle avait un rôle actif, la cour d'appel qui croit pouvoir retenir le fait que M. A... ne parlait ni n'écrivait le français, sa signature ayant été recueillie sur l'acte par son associé pour en déduire qu'il n'avait pu avoir connaissance de la nature et de l'étendue de son engagement, n'a pas répondu à ce moyen et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil, ensemble les articles 1347 dudit Code et 109 du Code de commerce ; et, alors, enfin, que la banque faisait valoir les

rapports d'affaires unissant les deux associés depuis 1975, qu'ils avaient acquis ensemble le Sheraton de Londres à l'aide d'un prêt qu'elle leur avait consenti, que M. A..., homme d'affaires averti, avait parfaite connaissance du prêt octroyé à la société dont il était associé à 51%, la banque ajoutant que "Wahbi A... intervenait dans la gestion de la trésorerie de la société pour faire avancer par elle une somme de 700 000 Riyals saoudiens à son gendre Abou Y..., ou pour régler une dette personnelle de 650 939,08 US dollars" ; qu'ayant constaté que l'acte avait bien été signé par M. A..., qu'il était un commerçant avisé et associé de M. X... dans le capital de la société débitrice, qu'ils étaient associés dans des affaires importantes depuis 1975 dont l'acquisition du Sheraton de Londres, puis retenu que contrairement aux usages bancaires, la signature de M. A... n'a pas été recueillie par un préposé de la banque mais par M. X... à Jeddah, sans interprète-traducteur, sans correspondant de la banque auprès d'un signataire dont il n'est pas sérieusement discuté qu'il ne parle ni n'écrit le français, que si M. A... fournit des preuves insuffisantes en l'espèce, pour démontrer qu'il aurait avant le 9 novembre 1979 signé un acte en blanc pour être utilisé à cautionner l'achat du Sheraton de Londres, les conditions d'établissement et de signature dudit acte ont été des plus douteuses et l'étude de l'acte fait apparaître tant son caractère composite que l'existence d'anomalies, pour en déduire que l'établissement et les conditions de la signature de l'acte sont viciés et que sa validité ne peut être retenue à l'égard de M. A..., qu'il convient de le déclarer nul, la cour d'appel, qui n'a pas recherché s'il ne résultait pas de l'immixtion renouvelée de M. A..., associé majoritaire, dans la gestion de la société débitrice constituée grâce aux concours de la banque, la preuve de sa qualité de dirigeant de fait démontrant sa parfaite connaissance de l'engagement souscrit, lors de sa constitution, au profit de la société dont il était l'associé majoritaire et le dirigeant de fait, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil, ensemble les articles 1347 dudit Code et 109 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'acte litigieux portant seulement la signature de M. A... n'a qu'un caractère de commencement de preuve par écrit ; qu'il retient encore que l'étude de l'acte fait apparaître tant son caractère composite que l'existence d'anomalies ; qu'en effet, la signature de M. A... n'a pas été recueillie par un préposé de la banque mais par M. X... à Jeddah sans interprète-traducteur ni correspondant de la banque, tandis qu'un préposé de la banque a reconnu avoir rempli les mentions manuscrites de la première page et qu'une expertise judiciaire a déterminé que ces mentions n'avaient pas été rédigées toutes au même moment, qu'il y avait eu deux jets différents du même scripteur, ces constatations étant de nature à conforter les allégations de M. A..., qui soutient qu'aucune mention manuscrite ne figurait sur l'acte lorsqu'il l'a signé ; qu'en outre, l'arrêt retient que la seconde page du document est imprimée en français et qu'il n'est pas sérieusement discuté que M. A... ne parle ni n'écrit le français, que la date figurant sur l'acte a été écrite d'une autre main que celle de M. A..., l'expertise ayant conclu que le chiffre 1 devant le 9 du quantième a été rajouté, que les autres chiffres étaient d'une couleur encore différente de celle de l'ensemble des mentions de l'acte, et que la signature de M. A... figure sous la date et la mention écrite de la main de M. X... "Lu et approuvé", la mention manuscrite "Bon pour caution solidaire..." figurant sous ces signatures et n'étant suivie que de la signature de M. X... ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, notamment sur des faits d'immixtion par M. A... dans la gestion de la société postérieurs à la date mentionnée sur l'acte, a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, considéré que la preuve n'était pas rapportée qu'au moment de la signature de l'acte, M. A... avait une connaissance claire et non équivoque de l'obligation principale et du débiteur garantis, du montant cautionné voire du bénéficiaire du cautionnement ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu que la banque fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, que M. A... n'a jamais allégué ne pas savoir écrire et lire le français ; qu'ayant constaté que M. A... avait signé l'acte, qu'il était associé à 51% dans la société débitrice dont il connaissait les affaires et dans laquelle il avait un rôle actif, qu'il était un commerçant avisé et associé avec M. X..., autre caution, dans des affaires importantes depuis 1975, dont l'acquisition du Sheraton de Londres, qu'ils étaient les deux seuls associés de la société débitrice, la cour d'appel qui affirme que contrairement aux usages bancaires, la signature de M. A... n'a pas été recueillie par un préposé de la banque mais par M. X... à Jeddah, sans interprète-traducteur, sans correspondant de la banque auprès d'un signataire dont il n'est pas sérieusement discuté qu'il ne parle ni écrit le français, cependant que ce moyen n'était allégué par M. A..., a ainsi méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de deuxième part, qu'en affirmant que, contrairement aux usages bancaires, la signature de M. A... n'a pas été recueillie par un préposé de la banque mais par M. X... à Jeddah sans interprète-traducteur, sans correspondant de la banque auprès d'un signataire dont il n'est pas sérieusement discuté, qu'il ne parle ni écrit le français, que les éléments extrinsèques à la signature de M. A... sont combattus et dominés par les conditions anormales, contraires à toutes les règles et les usages bancaires de la signature de l'acte, la cour d'appel, qui procède par simple affirmation péremptoire de l'existence d'un prétendu usage bancaire, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et, alors, enfin, qu'en affirmant que, contrairement aux usages bancaires, la signature de M. A... n'a pas été recueillie par un préposé de la banque mais par M. X... à Jeddah sans interprète-traducteur, sans correspondant de la banque auprès d'un signataire dont il n'est pas sérieusement discuté qu'il ne parle ni écrit le français, que les éléments extrinsèques à la signature de M. A... sont combattus et dominés par les conditions anormales, contraires à toutes les règles et usages bancaires de la signature de l'acte, sans préciser les éléments permettant d'affirmer l'existence d'un tel usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la dénonciation de l'acte de cautionnement par voie d'huissier n'apparaît aucunement comme une reconnaissance par M. A... de son engagement de caution ; que ladite notification, invoquée par M. A... dans ses conclusions du 20 décembre 1995, mentionnant le fait que "M. A... ne comprend pas, ne parle pas, ne lit pas et n'écrit pas le français", la cour d'appel a pu, en application de l'article 7, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, se fonder sur l'absence de connaissance par M. A... de la langue française, alors même qu'elle n'avait pas été spécialement invoquée par lui au soutien de ses prétentions ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève le caractère composite et la présence d'anomalies sur l'acte et le fait qu'en dépit de l'"énorme montant" de l'engagement, treize millions de dollars US, la banque, sans en aviser préalablement M. A..., a autorisé M. X... à lui faire signer cet acte, hors la présence d'un de ses préposés, ou d'un interprète-traducteur, et accepté de le recevoir ; que faisant ainsi ressortir les conditions non usuelles dans la pratique bancaire d'établissement et de signature de l'acte litigieux, et dès lors que le cautionnement revêt un caractère consensuel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la banque fait aussi le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en affirmant que l'absence de la signature de M. A... sous la mention manuscrite conforte les allégations de M. A..., d'un rajout après signature car ce dernier aurait d'évidence signé sous la mention, si elle avait existé lors de la signature de l'acte à Jeddah et s'il avait été consentant à la teneur dudit acte, la cour d'appel, qui tire de la place de la signature une supposition sur le consentement du signataire, s'est prononcée par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de deuxième part, qu'en l'état d'un acte comportant la signature de M. A..., la cour d'appel qui tire de la place de la signature une présomption hypothétique selon laquelle, dès lors que la signature de M. A... se situait au-dessus de la mention manuscrite, ce fait confortait les allégations de ce dernier selon lesquelles il n'avait pas consenti à se porter caution, sans préciser d'où il résultait que la place de la signature permettait d'affirmer la preuve de l'absence de consentement du signataire à l'acte signé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et suivants et 2011 et suivants du Code civil ; alors, de troisième part, qu'en relevant les conditions dans lesquelles la signature de M. A... avait été recueillie, c'est-à-dire contrairement aux usages bancaires, sans la présence d'un représentant de la banque, la signature ayant été recueillie par M. X..., la cour d'appel qui croit pouvoir en déduire, tout en relevant que M. X... et M. A... étaient seuls associés de la société débitrice principale, qu'ils étaient en rapport d'affaires depuis 1975, ayant ensemble acquis le Sheraton de Londres, que M. A... avait un rôle actif dans la société dont il connaissait

parfaitement les affaires, la cour d'appel qui n'a pas constaté que M. A... aurait fait l'objet de manoeuvres de son associé M. X..., lorsqu'il en a recueilli la signature, et qui cependant décide que le caution est nul, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et suivants, 1116 du Code civil, ensemble les articles 2011 et suivants et 1315 dudit Code ; et, alors, enfin, qu'ayant relevé que si M. A... fournit des preuves insuffisantes pour démontrer qu'il aurait, avant le 9 novembre 1979, signé un acte en blanc pour être utilisé à cautionner l'achat du Sheraton de Londres, les conditions d'établissement et de signatures de l'acte ont été des plus douteuses et l'étude de l'acte fait apparaître tant son caractère composite que l'existence d'anomalies, la cour d'appel, qui ainsi constatait que M. A... ne rapportait pas la preuve que l'acte de cautionnement qu'il avait signé avait été établi en vue de financer l'acquisition du Sheraton de Londres, a par là même constaté que M. A... avait bien signé l'acte de cautionnement et qui cependant croit pouvoir affirmer que ce dernier, commerçant avisé et associé de M. X..., n'a en l'état des pièces versées pu avoir de la nature et surtout de la portée de son engagement une connaissance claire et non équivoque, motif pris que les pièces produites tendant à démontrer que la cause de l'acte, le montant cautionné voire l'identité du bénéficiaire de la caution n'ont pas été clairement et de façon non équivoque perçus par M. A..., a privé sa décision de base légale au regard des articles 2011 et suivants, 2015 et 1326 du Code civil, ensemble l'article 109 du Code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par un motif dénué de tout caractère hypothétique, que M. A... aurait signé sous la mention manuscrite "bon pour caution solidaire" si elle avait existé lors de la signature de l'acte ; que loin de se fonder, pour déclarer nul l'acte de cautionnement, sur l'existence d'un dol, la cour d'appel a apprécié souverainement l'indice que constituait la place de cette signature parmi un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes démontrant le caractère "des plus douteux" et anormal des conditions d'établissement et de signature de l'acte et en a déduit que la seule signature de M. A... ne suffisait pas à établir sa conscience de cautionner des obligations de la société Al Badr X... Contracting Company à concurrence d'un montant de 13 000 000 de dollars ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches, et le cinquième moyen, pris en ses trois branches, réunis :

Attendu que la banque fait enfin le même reproche à l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'elle faisait valoir avoir informé la caution, par application de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, dès le 28 mars 1985, M. A... ayant seulement le 16 avril 1985 demandé copie de l'acte de caution sans ultérieurement formuler de protestation ;

que la banque démontrait ainsi que la caution avait connaissance de la nature et de l'étendue de son engagement ; qu'en affirmant que la banque n'a jamais adressé à M. A... de courrier concernant ce cautionnement, la cour d'appel, en l'état des pièces produites aux débats démontrant que la banque avait écrit à M. A... dès le 28 mars 1985, relativement au cautionnement donné, a dénaturé les conclusions de la banque et violé les articles 1134 du Code civil et 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de deuxième part, que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; que les premiers juges dont le jugement est confirmé avaient constaté que la banque avait notifié le 28 mars 1985 le montant de la dette cautionnée ; qu'en l'état de ce motif adopté par la cour d'appel, cette dernière qui affirme qu'aucun courrier n'a jamais été adressé par la banque à M.
A...
concernant ce cautionnement s'est prononcée par motifs contradictoires et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, qu'elle faisait valoir que M. A... avait parfaite connaissance de la nature et de l'étendue de l'engagement signé l'ayant informé depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er mars 1984, M. A... ayant, après la notification du 28 mars 1985, sollicité copie de l'acte de caution sans autrement réagir par la suite ; qu'en affirmant qu'aucun courrier n'a jamais été adressé par la banque à M.
A...
concernant ce cautionnement, la cour d'appel qui n'a pas recherché ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne résultait pas des notifications faites conformément à la loi du 1er mars 1984 à M. A... et de sa demande de copie de l'acte de caution la preuve de sa connaissance, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil, ensemble les articles 1347 dudit Code et 109 du Code de commerce ; alors, de quatrième part, que la banque faisait valoir que M. A..., selon acte d'huissier du 3 avril 1986 avait notifié qu'il protestait contre l'acte de cautionnement qu'il considérait comme nul et non avenu, sans contester l'existence de cet acte qu'il avait souscrit, M. A... joignant copie de l'acte de cautionnement à cette notification ; qu'en décidant que la dénonciation de l'acte de caution par voie d'huissier par M. Z... Nabil au nom de M. A... n'apparaît aucunement comme une reconnaissance par celui-ci de son engagement de caution car il y est contesté la validité de l'acte voire son existence, cependant qu'il ne résulte absolument pas dudit acte que M. A... ait nié l'existence du cautionnement, la cour d'appel a dénaturé ledit acte et violé l'article 1134 du Code civil ; et, alors, enfin, qu'en affirmant que la dénonciation de l'acte de caution n'apparaît aucunement comme une reconnaissance de M. A... de son engagement de caution, car il y est contesté la validité de l'acte voire son existence, sans préciser, eu égard aux termes de

cette notification, en quoi cet acte ne constituait pas une reconnaissance du cautionnement souscrit, M. A... se contentant d'indiquer que la caution n'avait pas été appelée et mise en place, qu'il ne comprenait ni ne parlait ni n'écrivait le français, que l'acte aurait dû être traduit en présence d'un traducteur juré, que sa signature n'était précédée d'aucune mention manuscrite, que la somme pour un acte établi en France n'était pas la monnaie française, ou saoudienne, que le jour de la signature de l'acte, la société débitrice principale n'était pas constituée, qu'au jour de la régularisation à Paris, il n'était pas à Paris, et qu'en conséquence, il considérait que la caution susvisée était nulle et non avenue, la cour d'appel a privé sa déision de base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil, ensemble les articles 109 du Code de commerce et 1347 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que, c'est en procédant à l'examen de la "genèse de l'engagement litigieux daté du 19 novembre 1979", que l'arrêt retient, par motifs propres, sans contradiction, que la banque n'a jamais avisé M. A... qu'il allait signer un acte de cautionnement ; que l'arrêt relève encore, par motifs adoptés, effectuant la recherche prétendument omise, qu'après la notification qui lui a été faite le 28 mars 1985 du montant de la dette cautionnée, M. A... s'est fait envoyer une copie de l'acte sans en contester immédiatement la teneur, ainsi qu'il l'a fait l'année suivante après la notification du 28 mars 1986, mais qu'"il doit être observé que la notification de mars 1985 concernait un engagement vieux de plus de cinq ans.. et que l'absence de réaction de M. A... en mars 1985 peut certes lui être reprochée mais n'est toutefois pas suffisante pour justifier la demande de la banque" ;

Attendu, en second lieu, qu'il est constant que la notification par voie d'huissier du 3 avril 1986 stipule notamment, en des termes clairs, que la "caution" mentionnée dans l'acte du 19 novembre 1979 "n'a à ce jour pas été appelée et mise en place" et que M. A... la "considère nulle et non avenue" ; que l'arrêt retient dès lors, sans dénaturation, par motifs propres et adoptés que, dans cette dénonciation, M. A... conteste la validité de l'acte de cautionnement voire son existence et que ne saurait être reçue l'affirmation de la banque selon laquelle cette protestation serait une reconnaissance explicite de la matérialité de l'acte et un aveu implicite de son existence, le litige ne portant pas sur l'existence de la signature de M. A..., qui est admise par les juges du fond, mais sur la valeur juridique de cet engagement ;

qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Banque française de l'Orient aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Banque française de l'Orient à payer la somme de 30 000 francs à M. A... ;

Condamne la Banque française de l'Orient à une amende civile de 20 000 francs envers le Trésor public ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 97-10448
Date de la décision : 20/06/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Engagement - Cautionnement commercial demandé par une banque - Acte signé de la caution - Mentions contraires ou suspectes - Nullité.


Références :

Code civil 1134, 1326 et 2015

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (15e chambre, section B), 22 novembre 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 jui. 2000, pourvoi n°97-10448


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:97.10448
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