AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...Maurice,
- Y...Jeannine, épouse X...,
- X...Olivier,
- X...Frédéric,
- L'Association A. T. D. QUART MONDE, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 5 mai 1999, qui, après relaxe de la société L'ATHEGIENNE du chef de discrimination à raison de la situation de famille, les a déboutés de leurs demandes ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 225-1, 225-2, 225-19 du Code pénal, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a débouté les parties civiles de toutes leurs demandes ;
" aux motifs propres et adoptés qu'il résulte des pièces produites par l'Association ATD quart monde que la famille X...a fait l'objet depuis 1991 d'une procédure d'expulsion pour dettes de loyer mais surtout pour troubles de voisinage suite à des plaintes de voisins (document interne de l'Association ATD, chronique n° 58 de décembre 1994) ; dans un courrier daté du 14 octobre 1994 adressé par l'Association ATD au sous-préfet de Pontoise, il est indiqué que " nous soutenons cette famille X... depuis plusieurs années et ne sous-estimons pas les problèmes qu'elle pose à l'OPHLM ainsi qu'à l'environnement de son quartier " ; l'Association ATD ajoute qu'elle recherche pour cette famille une solution de relogement en " habitat adapté " ; cette dernière précision soulignant les difficultés réelles de relogement de la famille X... dans un immeuble collectif de type HLM et la nécessité de rechercher un habitat adapté ; que les parties civiles apparaissent donc mal fondées à venir reprocher aujourd'hui à la société l'Athégienne leur refus de reloger la famille X... alors que l'un des motifs allégués dans la lettre du 12 décembre 1994 repose sur des faits (troubles de voisinage) dont la réalité n'était pas contestée par l'Association ATD à l'époque des faits litigieux ; que par ailleurs, le règlement départemental d'attribution des logements sociaux pour le département du Val d'Oise (arrêté du Préfet du 16 juillet 1997) précise que ces attributions doivent permettre aux demandeurs d'occuper un logement correspondant à la taille et à la composition du ménage ; la société l'Athégienne était donc fondée à arguer d'un
second motif de refus de logement lié à l'inadaptation dudit logement (F4) à la composition familiale (soit 7 personnes dont 4 enfants mineurs) ; qu'ainsi, les parties civiles ne démontrent pas en quoi l'Athégienne aurait dissimulé le vrai motif de son refus d'attribuer un logement vacant à la famille X... et ne rapporte donc pas la preuve du prétendu comportement discriminatoire de la société l'Athégienne ; que la Cour observe pour sa part que le courrier du 12 décembre 1994 adressé par la société l'athegienne au Préfet du Val-d'Oise ne constitue aucunement une discrimination au sens de l'article 225-1 du Code pénal, sauf à donner à ce texte une interprétation abusivement extensive alors que le droit pénal est d'interprétation stricte ; qu'en effet, en dépit des affirmations des parties civiles, la société HLM Athégienne a refusé la demande d'attribution présentée en raison de considérations purement objectives ;
" alors, d'une part, qu'il ne résulte nullement des pièces produites par les époux X... que ceux-ci aient reconnu avoir causé des troubles de voisinage au moment de leur expulsion ;
qu'en affirmant que les troubles de voisinage n'étaient pas contestés par les parties civiles lors de leur expulsion, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions des X... ;
" qu'en ne précisant pas les éléments précis sur lesquels elle se fondait pour retenir l'existence de troubles de voisinage de nature à justifier un refus de relogement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" alors, d'autre part, qu'en considérant que la société d'HLM était fondée à invoquer l'inadaptation du logement à la taille et à la composition du ménage pour justifier le refus d'attribution d'un logement vacant en plein hiver à une famille démunie comprenant les parents et cinq enfants dont plusieurs en bas âge, la privant ainsi du droit à un logement décent, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, de troisième part, qu'en ne considérant pas comme discriminatoire, en tant que constituant un traitement inhumain et dégradant, le refus de relogement de la famille dans de telles conditions, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, de quatrième part, qu'en ne retenant pas le délit de discrimination tandis que les conditions de refus de relogement constituaient une atteinte au respect de la vie familiale, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que le délit reproché n'était pas caractérisé à l'encontre de la société intimée et ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs demandes ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lucas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;