AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale du Crédit agricole d'Ile-de-France, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 mars 1996 par la cour d'appel de Paris (18ème chambre, section E), au profit de M. Serge X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
M. X..., défendeur au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 mars 2000, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Quenson, conseiller, M. Duplat, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Caisse régionale du Crédit agricole d'Ile-de-France, de Me Delvolvé, avocat de M. X..., les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 122-24-4 et R. 241-51 du Code du travail ;
Attendu que M. X..., engagé par la Caisse régionale du Crédit agricole d'Ile de France, en novembre 1970, en qualité de directeur d'agence, a été classé le 8 mars 1989, par la caisse primaire d'assurance maladie en invalidité de la deuxième catégorie ; que le salarié non licencié et classé par l'employeur dans la catégorie "effectif non actif, non rémunéré" a notamment réclamé devant la juridiction prud'homale le paiement de ses salaires, depuis le 2 février 1993, en invoquant les dispositions de l'article L. 122-24-4 du Code du travail ; qu'en cours de procédure il a pris l'initiative (sans en informer l'employeur), de consulter le médecin du travail qui l'a déclaré le 7 avril 1993 et le 14 juin 1993 "inapte au poste de directeur d'agence ou à un poste comparable de responsabilité" ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié le montant de ses salaires, depuis le 14 juillet 1993 jusqu'à son licenciement, la cour d'appel a retenu que le salarié devant l'inertie de son employeur s'est soumis lui-même à un examen de reprise anticipée, initiative qu'il était en droit de prendre en vertu de l'article R. 241-51 alinéa 4 du Code du travail, texte qui permet l'appréciation, au même titre de l'examen de reprise habituel, des mesures nécessaires au reclassement du salarié, que le médecin du travail ayant, dans son deuxième avis, qui formalisa la fin de la période de suspension du contrat de travail et dont la teneur est conforme à l'article R. 241-57 du Code du travail, déclaré M. X... inapte au poste de directeur d'agence ou à un emploi de responsabilité comparable, l'employeur qui ne pouvait décider d'ignorer de telles conclusions devait conformément à l'article L. 122-24-4 du Code du travail, soit reclasser l'intéressé dans un autre emploi, soit, si elle estimait devoir prendre en compte la décision d'invalidité le concernant, le licencier ;
Attendu cependant, que l'article L. 122-24-4 du Code du travail, ne peut être appliqué que si le salarié est déclaré inapte à reprendre son emploi ou tout emploi dans l'entreprise, à l'issue de l'examen pratiqué par le médecin du travail, dont doit bénéficier le salarié à l'issue des périodes de suspension lors de la reprise du travail en application des alinéas 1 à 3 de l'article R. 241-51 du Code du travail et qui seul met fin à la période de suspension du contrat de travail ; que si l'alinéa 4 de ce texte prévoit la consultation du médecin du travail préalablement à la reprise du travail dans le but de faciliter la recherche des mesures nécessaires, lorsqu'une modification de l'aptitude de l'intéressé est prévisible, cette visite ne constitue pas la visite de reprise qui seule met fin à la période de suspension du contrat de travail ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation sur le pourvoi principal de l'employeur rend inopérant le pourvoi incident du salarié ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen du pourvoi principal, ni sur le moyen unique du pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition ayant condamné l'employeur au paiement des salaires depuis le 14 juillet 1993 et jusqu'au licenciement, l'arrêt rendu le 21 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille.