AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Marie-Thérèse, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 21 janvier 1999, qui, sur sa plainte contre Jérôme Y... des chefs d'escroquerie, faux, tromperie et collusion, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction disant n'y avoir lieu à informer ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1 et 5, du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 85, 86, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction du 13 octobre 1998, refusant d'informer sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par Marie-Thérèse X... contre Me Y... des chefs d'escroquerie, faux, tromperie et collusion ;
" aux motifs que Marie-Thérèse X... fait état d'un dépôt d'une somme de 20 000 francs lors d'un compromis de vente de septembre 1995 ainsi que de la remise d'une provision sur honoraires de 7 000 francs dans le cabinet de Me Y... ; que le dépôt de ces sommes ne saurait s'analyser en une remise de fonds provoquée par des manoeuvres frauduleuses réalisées antérieurement au regard de l'article 313-1 du Code pénal ; que par ailleurs, tout litige auquel ce dépôt peut donner lieu est susceptible d'être réglé soit par les dispositions du Code civil, article 1590 sur le versement des arrhes, soit par la procédure prévue en cas de contestation d'honoraires d'avocat ; qu'en tout état de cause, les faits invoqués ne sont pas susceptibles de qualification pénale ;
" alors que le refus d'informer n'est justifié que lorsque les faits dénoncés sont insusceptibles de comporter une qualification pénale ; que la plainte de la demanderesse visait non seulement des faits d'escroquerie, mais également de faux ; qu'ainsi, en se bornant, par un motif général et abstrait, à relever qu'aucun des faits invoqués n'était susceptible de qualification pénale, sans préciser quels étaient ceux dénoncés par la partie civile sous la qualification de faux, la chambre d'accusation n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer le contrôle qui lui appartient sur le point de savoir si les faits exposés par la plaignante pouvaient ou non légalement comporter une poursuite ou admettre, à les supposer démontrés, une qualification pénale ; qu'elle a, dès lors, privé sa décision de base légale " ;
Vu les articles 85 et 86 du Code de procédure pénale ;
Attendu que les juridictions d'instruction doivent statuer sur tous les chefs d'inculpation régulièrement dénoncés par la partie civile ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Marie-Thérèse X... a porté plainte avec constitution de partie civile des chefs de faux, escroquerie et tromperie ; qu'elle dénonçait le comportement professionnel de son notaire et de son avocat dans le cadre d'un litige portant sur la non-réalisation d'un compromis de vente, alléguant, en outre, que l'ordonnance du vice-président du tribunal de grande instance de Grasse, que son avocat lui avait adressée, serait un faux document ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que le dépôt d'une somme de 20 000 francs chez le notaire lors de la signature du compromis de vente, et la remise d'une provision sur honoraires de 7 000 francs à l'avocat ne sont pas susceptibles de qualification pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les faits de faux qui avaient été expressément dénoncés au juge d'instruction, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus rappelé et les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 21 janvier 1999 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;