AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Hubert Z... Heijmeijer, demeurant rua Minas Gerais 1014, 18700-00 Nvare (Brésil),
2 / la société Lauga limited, société de droit anglais, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 janvier 1998 par la cour d'appel de Paris (15ème chambre civile, section A), au profit :
1 / de la Caisse hypothécaire anversoise (ANHYP), société anonyme de droit belge, dont le siège est Grotesteenweg 214 B, 2600 Antwerpen (Belgique),
2 / de M. Yannick X..., demeurant ..., pris en sa qualité de mandataire-liquidateur de la Société d'aménagement immobilier de Gascogne SAIG,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 21 mars 2000, où étaient présents : M. Dumas, président et rapporteur, MM. Poullain, Métivet, conseillers, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dumas, président, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. Z... Heijmeijer et de la société Lauga limited, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Z... Heijmeijer et la société Lauga limited de leur désistement de pourvoi à l'égard de M. X..., ès qualités ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 59 du Traité instituant la Communauté européenne, 3 et 15 de la loi du 24 janvier 1984 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse hypothécaire anversoise (la Caisse) a consenti à M. Y... Heijmeijer et à la société Lauga des ouvertures de crédit par actes sous seing privés souscrits en Belgique ; que ces actes ont été déposés au rang des minutes d'un notaire à Paris, par un acte authentique comportant affectation hypothécaire ; que les fonds ont été alors remis par un chèque tiré par la Caisse sur une banque française ; que M. Y... Heijmeijer a engagé contre la Caisse une instance tendant à faire déclarer nuls le prêt, ainsi que les inscriptions hypothécaires, et à faire reconnaître sa responsabilité pour avoir contribué à l'échec de l'opération de promotion immobilière à Biarritz et Bidart, à laquelle le financement était destiné ;
Attendu qu'aux termes de l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984, les établissements de crédit doivent, avant d'exercer leur activité en France, obtenir leur agrément du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ; qu'à l'époque du prêt litigieux l'exigence de cet agrément était conforme, même pour les établissements de crédit établis dans un autre état de l'Union européenne, aux trois conditions exigées, par l'arrêt du 9 juillet 1997 de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment en ce qu'il devait être obtenu par toute personne ayant pour activité l'octroi de prêts hypothécaires en France et en ce que, pour l'accorder, le Comité des établissements de crédit devait apprécier l'aptitude de l'entreprise requérante à réaliser ses objectifs de développement, dans des conditions compatibles avec le bon fonctionnement du système bancaire et qui assurent à la clientèle une sécurité satisfaisante, conditions justifiant alors l'implantation de succursales, compte tenu des garanties que celles-ci offraient en l'absence de règles prudentielles suffisamment harmonisées au sein des Etats membres et de relations précisément organisées et effectivement mises en oeuvre entre les autorités de contrôle des pays concernés ;
Attendu que pour écarter l'application de l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984 à l'activité de crédit de la Caisse hypothécaire anversoise, l'arrêt énonce que la loi bancaire française ne peut pas être interprétée en ce sens que seraient soumises à agrément français les banques des états membres de l'Union européenne dépourvues de succursale en France du seul fait de ce que des opérations de crédit conclues dans un état membre autre que la France sont partiellement ou totalement exécutées en France et quen tous cas il ne peut en être ainsi si cette exécution a lieu par l'intermédiaire d'un établissement agréé en France ou d'un notaire français ; qu'il relève que les accords des parties se sont formés en Belgique et retient qu'il n'apparaît pas que l'ordre public français ait été violé ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, relevant qu'une convention définissant les obligations réciproques des parties a été souscrite en France, et que le montant du prêt a été délivré en France par la banque belge, ce dont il résulte que celle-ci a pratiqué des opérations de crédit en France, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen,
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la Caisse hypothécaire anversoise aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse hypothécaire anversoise ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille.