AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle A. BOUZIDI, et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Keung,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 12 mai 1999, qui, pour importation de capitaux sans déclaration, l'a condamné à des pénalités douanières ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 73 B du Traité instituant la Communauté européenne (modifié par le Traité de Maastricht), de l'article 73 D du même Traité de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de non-déclaration d'une somme en provenance de l'étranger (et à destination de l'étranger) libellée en pesetas et florins, et Deutsch Mark ainsi que 5 000 francs français, ladite somme d'une contre-valeur globale de 2 373 319 francs français trouvée dans le coffre du véhicule qu'il conduisait et à une amende de 590 000 francs et a prononcé la confiscation des espèces saisies, que la cour d'appel a refusé de déclarer que les articles 464 et 465 du Code des douanes n'étaient pas conformes au Traité de Rome ;
" aux motifs que la directive de 1988 permet aux Etats membres de prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou surveillance prudentielle des établissements financiers et de prévoir des procédures de déclarations de mouvements de capitaux à des fins d'informations administratives statistiques ;
qu'ainsi, l'obligation déclarative s'inscrit dans un dispositif de mesures destinée à lutter contre les transferts de fonds issus d'activités illicites ou destinés à celles-ci ; que, dès lors, les sanctions ne sauraient encourir la critique de disproportionnalité au regard des finalités de la mesure ; que c'est dans ce sens qu'a statué la Cour Suprême dans un arrêt du 7 novembre 1996 à propos de la mesure déclarative, laquelle a été déclarée conforme aux dispositions communautaires par la Cour de Justice des Communautés Européennes par un arrêt du 23 février 1995 ;
" alors, d'une part, que le principe de proportionnalité est un principe fondamentale du droit communautaire ; qu'est contraire au principe de la proportionnalité une législation qui n'est pas effectivement nécessaire pour atteindre les objectifs visés ou peuvent être atteints de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges communautaires ; que, si la République française tout en invoquant la Directive 88/ 361 C du Conseil du 24 juin 1988, dont les dispositions ont été reprises dans les articles 73 B et 73 D du Traité instituant la Communauté européenne telles qu'issues du Traité de Maastricht, et actuellement en vigueur, pouvait légalement imposer une obligation de déclaration de la circulation de sommes qui entrent ou sortent de France en billets, sans passer par des établissements financiers et que la République française pouvait pour aboutir au respect de ces obligations réprimander les infractions commises à l'obligation de déclaration, il n'était pas nécessaire de prononcer la confiscation des sommes qui n'ont pas été déclarées ; que la confiscation des sommes non déclarées à l'entrée ou à la sortie en France est en effet une restriction abusive à la circulation des capitaux puisqu'elle supprime par définition d'elle le transfert de capitaux qui est libre sous réserve de la déclaration ;
" alors, du reste, qu'est également contraire au principe de la proportionnalité le fait d'instituer des amendes qui peuvent s'élever au montant des sommes non déclarées et se cumulent au surplus avec les confiscation prévues ;
" alors, enfin que, pour apprécier l'infraction au principe de proportionnalité de la sanction infligée au cas d'absence de déclaration d'une somme transférée en espèces, la décision attaquée ne pouvait se placer dans le cadre de mesures destinées à lutter contre les transferts de fonds issus d'activités illicites ou destinés à celles-ci ; qu'en effet, l'article 73 D du Traité instituant la CEE autorise les Etats membres à instituer, sans que ce fait porte atteinte à la libre circulation des capitaux, des procédures de déclarations de mouvements de capitaux à des fins d'informations administratives ou statistiques ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique, ce texte n'autorise pas les Etats membres à présumer que toutes les sommes transférées et non déclarées, en infraction au dispositif instituant une obligation de déclaration sont issues d'activités illicites ou destinées à celles-ci ; qu'une telle présomption est contraire à la présomption d'innocence garantie par la Convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme, principe reconnu par la Communauté européenne ; qu'en l'espèce actuelle, la cour d'appel avait, au surplus, reconnu que le demandeur n'était pas prévenu de blanchiment de capitaux mais uniquement d'entrées de capitaux sur le territoire français sans déclaration " ;
Attendu que, pour rejeter le chef de conclusions par lequel le prévenu soutenait que les sanctions prévues à l'article 465 du Code des douanes sont contraires au principe communautaire de proportionnalité, la cour d'appel se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Fromont ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;