AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...Nicolas,
contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 26 avril 1999, qui, pour faux en écriture publique ou authentique, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1, 441-4, 121-7 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 15 du Pacte de New York ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Nicolas X...coupable de faux en écritures publique et authentique et, en répression, l'a condamné à 4 mois de prison avec sursis, 20 000 francs d'amende outre diverses sommes aux parties civiles ;
" aux motifs que la Cour relève que Me Michel Y...n'a pas confirmé que Nicolas X...lui avait téléphoné le 15 juillet en début d'après midi pour lui demander de régulariser le contredit, qu'il n'est pas établi que François Z..., dont on peut légitimement penser qu'il a pu vouloir venir en aide à Michel Y...et Nicolas X...en raison des ennuis qu'il leur causait, a téléphone les 12 ou 15 juillet 1996 à la SCP X...-A...et que Nicolas X...n'avait aucun intérêt à antidater, à la date du 15 juillet 1996, un contredit établi les 16 ou 17 juillet 1996, dès lors que, dans cette hypothèse, il se trouvait dans le délai pour former le contredit ; que les résultats des investigations réalisées démontrent en réalité que Nicolas X..., postérieurement au délai imparti pour régulariser le contredit, a, le 24 juillet 1996, rédigé un contredit qu'il a antidaté à la date du 15 juillet 1996 et signé dans lequel il a déclaré s'être présenté le même jour au greffe du tribunal de commerce pour former contredit et que Michel Y..., mis en possession de ce contredit, a apposé sur cet acte le cachet de dépôt du greffe à la date du 15 juillet 1996, puis apposé sa signature et établi un récépissé de dépôt du contredit à la date du 15 juillet 1996, commettant ce faisant, une altération frauduleuse de la vérité, préjudiciable à autrui, dans un acte publique et authentique entrant dans le champ d'application de l'article 441-4 du Code pénal ; que les déclarations de Me A..., de Pascale B...et de Florence C... et les propos tenus par Nicolas X..., associés au rendez-vous de Nicolas X...au siège de la société Z...le 23 juillet 1996, aux constatations effectuées sur le bloc notes sur lequel Florence C... a pris note du texte dicté par Nicolas X...et à l'expédition par Michel Y..., le 25 juillet 1996, du récépissé du
dépôt de contredit, établissent en effet d'une manière qui n'est pas sérieusement contestable que le contredit a bien été établi le 24 juillet 1996, l'absence invraisemblable d'indication de la part de Michel Y...et de Nicolas X...sur la date et les circonstances d'acheminement de ce contredit au greffe du tribunal ne pouvant que confirmer qu'une personne de la société Z...est bien venue en prendre possession le 24 juillet 1996 au cabinet X...-A...pour l'acheminer au greffe et démontrer que la lettre datée du 22 juillet 1996 accompagnant l'expédition du récépissé du dépôt de contredit a été en fait antidatée dans le dessein de ne pas conférer à ce contredit un caractère suspect et de faire croire que cet acte avait bien été régularisé dans le délai imparti ; que Nicolas X...dont la connivence avec Michel Y...est établie par les pièces de la procédure, s'est bien rendu coupable, en qualité de coauteur d'un faux en écriture publique et authentique ;
1) " alors que la loi pénale ne punit le faux en écriture publique ou authentique qu'en la personne de ceux qui sont habilités à établir et délivrer des actes investis d'une telle autorité ;
que l'arrêt attaqué incrimine le fait pour une personne privée d'avoir commis un faux lors de la rédaction et la délivrance d'un acte public ; d'où il suit que la Cour a entaché son arrêt d'une violation du principe nullum crimen sine lege et d'une violation des textes susvisés ;
2) " alors que le faux suppose l'altération d'un écrit pouvant servir de preuve ; que l'inexactitude contenue dans une déclaration de contredit rédigée par l'avocat ne saurait constituer un faux, dès lors que cette déclaration ne saurait présenter aucune valeur ni constituer aucun droit hors son dépôt et son enregistrement au greffe du tribunal ; qu'en déclarant Nicolas X...coupable de faux en écriture publique pour avoir faussement mentionné dans la déclaration de contredit qu'il se serait présenté tel jour au greffe, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
3) " alors que, ainsi que le faisait valoir le demandeur dans ses conclusions, la déclaration inexacte pour être punissable sous la qualification de faux doit porter sur la substance même de l'acte c'est-à-dire sur les faits que l'acte a pour objet de constater et qu'ainsi ne saurait constituer un faux la mention inexacte d'une présentation au greffe et sa date ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
4) " alors que seule la mention de l'enregistrement confère le caractère public et authentique aux écritures déposées au greffe ; que Nicolas X...n'a apporté aucune modification ni altération aux mentions apportées par le greffier ; qu'en déclarant cependant que Nicolas X...s'était rendu coupable d'un faux en écriture publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
5) " alors que la requalification de l'infraction de faux en écriture publique, en complicité de faux en écriture publique, ne saurait être admise dès lors qu'il n'est constaté par l'arrêt aucun élément de fait d'où il résulterait que Nicolas X...aurait apporté aide ou assistance pour la réalisation de l'infraction ou qu'il l'aurait provoquée ou aidé à la commettre " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Fromont ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;