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11/05/2000 | FRANCE | N°99-83378

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mai 2000, 99-83378


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eric,

- La SOCIETE ESORIC BATEX, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARI

S, 9ème chambre, en date du 13 avril 1999, qui, pour fraude fiscale et passation d'écritures ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eric,

- La SOCIETE ESORIC BATEX, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 13 avril 1999, qui, pour fraude fiscale et passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, a condamné le premier à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, a mis la seconde hors de cause et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

I - Sur le pourvoi de la société Esoric Batex :

Attendu que la demanderesse est sans intérêt à critiquer une décision rendue en sa faveur ;

D'où il suit que son pourvoi doit être déclaré irrecevable ;

II - Sur le pourvoi d'Eric X... :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 47, L. 81 et L. 85 du Livre des procédures fiscales, 1741 du Code général des impôts et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par Eric X..., et relative aux opérations de vérification de comptabilité dont il a fait l'objet et qui ont débuté, sous couvert de l'exercice par l'Administration de son droit de communication, avant l'envoi d'un avis de vérification ;

"aux motifs qu'en vertu du droit de communication conféré à l'administration fiscale, le vérificateur a consulté au sein de la société Esoric Batex, et emporté, les factures émises par Serge Y..., en décembre 1993, antérieurement à l'envoi de l'avis de vérification de la comptabilité d'Esoric Batex ; que celle-ci n'a été programmée qu'ensuite de ces précédentes investigations ne concernant que la SA "GEIM" et Serge Y... ; que l'avis de vérification a été notifié et reçu le 14 janvier 1994, informant le contribuable de la possibilité d'être assisté d'un conseil ; que les opérations de vérifications ont été effectuées du 28 janvier au 15 juin 1994 ; qu'Eric X... a donc disposé d'un délai suffisant de 14 jours pour préparer sa défense et qu'il y a toujours participé, remplacé à de rares exceptions par une comptable salariée, le conseil fiscal n'étant intervenu qu'à partir de la notification de redressements ; qu'Eric X... a accepté le 25 mai 1994 un avis de vérification complémentaire portant sur la période du 1er janvier au 31 mars 1994 au titre de la TVA ; que les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales dont la violation est susceptible d'entraîner la nullité de la procédure pénale ne sauraient concerner ni les actes antérieurs relatifs à l'exercice du droit de communication dans le cadre d'une autre procédure, étrangère aux débats ni un avis complémentaire de vérification librement acceptée ;

"alors que, conformément aux exigences de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, l'envoi au contribuable en temps utile et préalablement à toute vérification fiscale, d'un avis de vérification l'informant qu'il a la faculté de se faire assister du conseil de son choix constitue une formalité substantielle et une garantie essentielle des droits de la défense sanctionnée par la nullité de la procédure pénale subséquente ; que l'exercice par l'administration fiscale du droit de communication auprès du contribuable qui lui permet d'obtenir sur place les renseignements recherchés, n'emporte pas pour autant le droit pour elle d'emporter des documents comptables, cet emport sans l'accord du contribuable étant contraire aux exigences de l'article L. 47 susvisé ;

qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que lors de l'exercice par l'administration fiscale de son droit de communication auprès de la société Esoric Batex, des documents comptables ont été emportés ;

que, par ailleurs, Eric X... faisait valoir que l'exercice par l'Administration de son droit de communication au mois de décembre 1993 et préalablement à l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité daté du 14 janvier 1994, avait donné lieu à l'emport irrégulier de documents comptables de la société Esoric Batex ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée par le demandeur, si l'emport des documents en cause avant l'envoi de l'avis de vérification n'était pas contraire aux exigences posées par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des exigences des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que lors de la vérification de comptabilité d'une société GEIM, Serge Y... est apparu comme un facturier de complaisance et comme ayant des relations de fournisseur à client avec la société Esoric Batex, dont Eric X... était le dirigeant, et que l'administration fiscale a alors exercé son droit de communication, consultant au sein de cette société et emportant les factures émises par Serge Y..., avant l'engagement de la procédure de vérification de la comptabilité d'Esoric Batex ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure soulevée par Eric X... qui soutient que les opérations de vérification dont il a fait l'objet ont débuté, sous couvert de l'exercice du droit de communication, avant l'envoi de l'avis de vérification, les juges du second degré se prononcent par les motifs repris au moyen et, notamment, énoncent que les dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, dont la violation est susceptible d'entraîner la nullité de la procédure pénale, ne sauraient concerner "les actes relatifs à l'exercice du droit de communication dans le cadre d'une autre procédure, étrangère aux débats" ;

Qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 228 et R. 228-2 du Livre des procédures fiscales, 1741 du Code général des impôts et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité soulevée par Eric X... relative à l'irrégularité de la procédure engagée devant la Commission des Infractions Fiscales ;

"aux motifs qu'il résulte des mentions de l'avis de la Commission des Infractions Fiscales, acte d'une autorité administrative consultative dont l'authenticité n'est pas contestée, le respect des prescriptions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales qui n'a pas institué un débat oral et contradictoire devant cette Commission ; que les dispositions de l'article R. 228-2 dudit Livre ne sont pas, concernant sa notification, prescrites à peine de nullité et ne sont pas susceptibles de faire grief, le prévenu en ayant forcément connaissance avec la plainte déposée ;

"alors que l'application de l'article 1741 du Code général des impôts suppose, en cas de dissimulation, que celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 1 000 francs ; que tant que la procédure contradictoire consécutive à la notification de redressements est engagée, que la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie du litige, n'a pas émis un avis et que les impositions résultant de ces redressements, ne sont pas mises en recouvrement, la Commission des Infractions Fiscales n'est pas en mesure de statuer elle-même sur le litige qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, Eric X... faisait valoir dans ses écritures d'appel que la saisine de la Commission des Infractions Fiscales était prématurée et donc irrégulière ; qu'en décidant néanmoins que l'avis de cette Commission était régulier sans avoir répondu à ce moyen, les juges d'appel n'ont pas motivé leur décision et ont violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de la procédure engagée devant la Commission des infractions fiscales qui aurait, notamment, été saisie prématurément avant l'avis de la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et la mise en recouvrement des rappels d'impositions, l'arrêt se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, l'omission d'informer le contribuable de son droit d'être assisté d'un conseil et l'absence de débat oral et contradictoire entre le contribuable et le vérificateur, portant atteinte aux droits de la défense, sont les seules irrégularités affectant les opérations administratives préalables à l'engagement de poursuites pénales pour fraude fiscale susceptible de conduire à l'annulation de la procédure par le juge judiciaire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 227, L. 230 du Livre des procédures fiscales, 1741 et 1743 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Eric X... coupable de fraude fiscale pour avoir en sa qualité du président du conseil d'administration de la SA Esoric Batex de 1992 à 1994, fait passer aux livres et comptes obligatoires des écritures inexactes et fictives, et frauduleusement soustrait la société à l'établissement et au paiement de la TVA et de l'impôt sur les sociétés ;

"aux motifs que la SA Esoric Batex doit mensuellement déclarer le chiffre d'affaires taxable, étant autorisée à déduire la taxe supportée ; qu'elle est dans l'obligation de souscrire, dans les trois mois de la clôture de l'exercice social, la déclaration de ses bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés résultant de la différence des produits et des charges ; que les produits sont déterminés par les encaissements ; qu'il appartient au redevable de justifier de la réalité et de la sincérité des déclarations en les appuyant de documents justificatifs probants ; que, plus spécialement, les charges déductibles doivent répondre à un triple critère : se traduire par une diminution de l'actif net, être exposées dans l'intérêt de l'exploitation, enfin, être régulièrement comptabilisées et appuyées de documents probants ; qu'ainsi, les factures de sous-traitance ne peuvent constituer des charges affectant le bénéfice imposable et donner droit à crédit de taxe que si elles émanent d'entreprises fiscalement et socialement identifiées, correspondant à des prestations effectives et comportent les mentions prescrites par les articles 289 du Code général des impôts et 31 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 ; qu'il résulte de la vérification de la comptabilité de la SA Esoric Batex et des investigations menées sur ses fournisseurs supposés que les prétendus sous-traitants ont été successivement Serge Y... de 1981 à août 1992, Slatkine de mai 1992 à juin 1993 et TTB de juillet à août 1993, enfin, ERE d'octobre à décembre 1993, pour 1 146 400 francs au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1992, pour 1 231 947 francs au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1993, et pour 926 290 francs pour le 4ème trimestre 1993 ;

que les prétendus sous-traitants n'ont aucun salarié déclaré, n'ont souscrit aucune déclaration fiscale notamment au titre de la TVA et qu'une importante partie de leurs encaissements sont d'origine indéterminée ; qu'ils n'ont supporté aucune dépense d'ordre professionnel ; qu'ils n'ont ni structure ni moyen économique et que partie de leurs recettes sont rétrocédées à des tiers sans justificatifs ; que les factures délivrées ne sont causées ni par un contrat écrit de sous-traitance ni par des devis réguliers et vraisemblables, qu'elles portent des montants arbitraires et des libellés identiques et univoques, dactylographiés à l'aide du même type d'appareil à traitement de texte ; que les donneurs d'ordre n'ont constaté aucune intervention extérieure ; qu'ainsi, pour augmenter fallacieusement ses charges et se constituer des crédits fictifs de TVA Esoric Batex a systématiquement recouru à des facturiers de complaisance ; qu'il est encore apparu que l'entreprise Slatkine a facturé à CSI, sur un marché relatif à la Cité des Sciences, des prestations effectuées par Esoric Batex qui a dissimulé ainsi les recettes correspondantes ;

que les dissimulations excèdent amplement le chiffre de 1 000 francs ; qu'elles ressortent à 3,12 millions de francs pour l'impôt sur les sociétés (sur deux exercices), à 2,79 millions de francs pour la TVA, soit des droits fraudés de 1,06 millions de francs ; que leur importance comme le recours à des facturiers de complaisance caractérisent l'élément intentionnel ;

"alors que, pour que le délit de fraude fiscale soit constitué, il faut qu'il y ait dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt par le contribuable poursuivi et non par des tiers ;

qu'en se fondant sur l'absence de souscription par les sous-traitants de la société Esoric Batex de leurs déclarations fiscales et sur l'absence de déclarations par ces mêmes sous-traitants de leur personnel salarié, défaillances imputables à des tiers, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit reproché à Eric X... en sa qualité de président de la société Esoric Batex et n'a donc pas donné de base légale à sa décision au regard des exigences des textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale et de l'article 1741 du Code général des impôts, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Eric X... à la peine de deux années d'emprisonnement avec sursis dans les conditions et avec l'avertissement prévus aux articles 132-29 et suivants du Code pénal ;

"aux motifs que les peines et mesures pénales seront précisées au dispositif ;

"alors que les arrêts et jugements rendus en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans préciser les motifs de la condamnation prononcée dans son dispositif, à l'encontre d'Eric X..., la cour d'appel de Paris a violé les textes susvisés" ;

Attendu que les juges n'ayant à motiver ni le choix ni le quantum d'une peine d'emprisonnement avec sursis, le moyen est inopérant ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi de la société Esoric Batex :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

II - Sur le pourvoi d'Eric X... :

Le REJETTE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Fromont ;

Greffier de chambre : Mme Ely ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-83378
Date de la décision : 11/05/2000
Sens de l'arrêt : Rejet irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Constatations - Opérations préalables à l'engagement des poursuites pénales - Contrôle du juge pénal - Portée.


Références :

Code général des impôts 1741
Livre des procédures fiscales L47

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 13 avril 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mai. 2000, pourvoi n°99-83378


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.83378
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