AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 1er juillet 1999, qui, dans l'information suivie, sur la plainte de Miroslav X..., a dit n'y avoir lieu à suivre contre Mihajlo Y...du chef de viol aggravé ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-23, 222-24, 227-27 du Code pénal, 575, 593 du Code de procédure pénale, 2, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que la chambre d'accusation a prononcé un non-lieu en faveur de Mihajlo Y...;
" aux motifs qu'il apparaît que, si la jeune X... se trouve atteinte depuis sa naissance de surdi-mutité, cette affection, pour invalidante qu'elle soit, ne remet pas en cause son intégrité physique ; que celle-ci âgée de dix-sept ans à la date des faits dénoncés était scolarisée et communiquait dans de relatives bonnes conditions avec son entourage dont le mis en examen faisait partie ;
que l'analyse du contenu des messages écrits par la jeune fille à ce dernier, qui établit qu'ils ont, pour la plupart d'entre eux, été rédigés en l'absence de celui-ci, et pour certains alors que X... se trouvait en vacances en Yougoslavie, fait en outre apparaître, que la partie civile qui y relatait essentiellement le déroulement des journées et indiquait son emploi du temps à venir, se disait triste dans plusieurs des messages où elle disait aimer Z... de penser que celui-ci aimait une femme noire, ce qui, à tout le moins, dénote plus la jalousie que la contrainte de quelque nature qu'elle soit ; qu'à l'inverse de ce qui est requis par M. le procureur général, la Cour estime en conséquence que les éléments constitutifs des crimes de viols commis sur une personne particulièrement vulnérable visés à la prévention ne sont pas en l'espèce réunis à l'encontre de Mihajlo Y..., lequel bénéficiera dès lors d'un non-lieu, les faits qui apparaissent commis, avec le consentement de la victime ne pouvant par ailleurs, revêtir aucune autre qualification pénale ;
" 1) alors que la perpétration du crime de viol ne saurait être écartée par la seule considération qu'antérieurement à l'acte de pénétration sexuelle, la victime, alors mineure, avait adressé à son futur agresseur des propos emprunts d'affection ; qu'en se bornant à relever, à l'appui de sa décision de non lieu, de telles circonstances qu'elle a purement et simplement assimilé à un consentement de la victime à l'acte sexuel, la chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2) alors que la victime a déclaré qu'elle avait été interpellée à la sortie de l'école par le mis en examen, que ce dernier l'avait saisie par la main en lui faisant mal au poignet avant de la faire monter dans sa voiture ; qu'en dépit de sa surdi-mutité, la victime avait crié mais personne n'avait réagi ; que, sous l'emprise de la peur aggravée par son jeune âge et son handicap, la jeune fille avait été conduite à l'hôtel où elle avait été agressée sexuellement ce dont il était résulté une grossesse ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces faits précis de nature à constituer des charges du crime de viol, la chambre d'accusation a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;
" 3) alors que les messages rédigés par la jeune X... dans un langage très simple, plutôt enfantin qui ne correspond certainement pas à celui d'une jeune fille de 17 ans, s'ils traduisent une certaine affection pour le dénommé Z..., font état à plusieurs reprises d'un refus de relations sexuelles et d'un refus de se rendre à l'hôtel avec le même Z... ; qu'en se fondant sur ces messages pour estimer qu'ils ne dénotaient aucune contrainte de quelque nature que ce soit et qu'en conséquence les faits paraissaient avoir été commis avec le consentement de la victime, la chambre d'accusation a dénaturé lesdits documents et entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
" 4) alors que, en toute hypothèse, il appartient à la juridiction d'instruction d'examiner les faits dénoncés sous toutes leurs acceptions pénales ; que sont pénalement répréhensibles les atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ou surprise sur un mineur âgé de plus de quinze ans dès lors qu'elles ont été commises par une personne ayant autorité sur la victime ; qu'à supposer que ne soit pas établi en l'espèce l'élément de contrainte caractérisant le viol, il appartenait à la chambre d'accusation d'examiner les faits sous la qualification d'atteinte sexuelle sans contrainte avec abus d'autorité ; qu'en s'en abstenant la chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour dire qu'il n'y avait lieu à suivre du chef de viol aggravé à l'encontre de Mihajlo Y..., la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le crime reproché, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation, en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;