AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la société Oltinguette, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
2 / M. Antoine X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 31 octobre 1997 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section B), au profit de l'association Maison du Sundgau, Musée Paysan, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 mars 2000, où étaient présents : Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, conseiller référendaire, M. Guérin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de la société Oltinguette et de M. X..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de l'association Maison du Sundgau, Musée Paysan, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 31 octobre 1997), que, revendiquant un droit de passage, l'association de droit local Maison du Sundgau-Musée Paysan (l'association) a assigné M. Y..., propriétaire d'un fonds voisin, et la société Oltinguette, exploitante de ce fonds, pour obtenir l'enlèvement d'obstacles empêchant l'accès, par la cour située sur cette propriété, au musée et à ses dépendances ;
Attendu que la société Oltinguette et M. Y... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen, "1 ) que le caractère volontaire de l'enclave interdit au propriétaire du fonds enclavé de prétendre au bénéfice d'une servitude de passage sur un fonds voisin ;
qu'il en est de même lorsque l'état d'enclave résulte du fait de l'auteur du propriétaire actuel ; que la cour d'appel a considéré que l'association était fondée à prétendre au bénéfice d'une servitude de passage sur le fonds de M. Y... afin de pouvoir intégrer ses dépendances, sans que puisse lui être opposé le caractère volontaire de l'enclave, dès lors qu'en raison de la construction d'un escalier et d'une fontaine dont la date n'était pas précisée, la largeur du passage était insuffisante ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si cet état d'enclave était imputable aux auteurs de l'association, qui avaient placé l'escalier, la fontaine et les dépendances de manière à laisser un passage insuffisant pour accéder à celles-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 682 du Code civil ; 2 ) que le propriétaire dont le fonds dispose d'une issue sur la voie publique ne peut prétendre au bénéfice d'une servitude de passage sur un fonds voisin, que si cette issue est insuffisante pour permettre une exploitation normale du fonds ; qu'en décidant néanmoins que l'association était fondée à prétendre au bénéfice d'une servitude de passage sur le fonds de M. Y..., dès lors que l'issue dont elle disposait pour accéder à ses dépendances était insuffisante pour le passage de machines agricoles, après avoir constaté "l'extrême rareté" d'un tel passage, compte tenu de la vocation même du musée, ce dont il résultait que l'exploitation normale du fonds n'imposait pas une telle servitude, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 682 du Code civil ; 3 ) que les servitudes discontinues ne peuvent s'acquérir par prescription ; qu'en décidant néanmoins que l'usage depuis plus de trente ans du passage litigieux par l'association ou ses auteurs lui avait fait acquérir une servitude de passage sur le fonds de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 691 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que l'association, qui avait notamment pour objet de promouvoir "toutes actions culturelles ou autres" organisait de façon occasionnelle des manifestations telles que fêtes hippiques ou de la moisson avec séances de battage et continuait d'exploiter une écurie, et qu'abstraction faite de la construction d'un escalier et d'une fontaine dont la date n'était pas précisée, le passage à l'angle des immeubles respectifs des parties constituait une issue insuffisante pour des machines agricoles destinées à réintégrer les dépendances, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement l'état d'enclave du fonds de l'association dont elle avait caractérisé l'utilisation normale ainsi que, à bon droit, le tracé de désenclavement réclamé qui, selon ses constatations, correspondait à une utilisation immémoriale ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel n'ayant pas statué sur la demande reconventionnelle de la société Oltinguette et de M. Y... et l'omission de statuer, relevant de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, ne donnant pas ouverture à cassation, le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, la société Oltinguette et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, la société Oltinguette et M. X... à payer à l'association Maison du Sundgau, Musée Paysan la somme de 9 000 francs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Oltinguette et M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du quatre mai deux mille, par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.