AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Pierre X... , demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 3 mars 1998 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), au profit :
1 / de la société Bonhomme, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de M. d'Anselme, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société anonyme Bonhomme, dont le siège est ...,
3 / du Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de Bordeaux, dont le siège est Les Bureaux du Lac, 33049 Bordeaux Cedex,
4 / de M. Y..., ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société anonyme Bonhomme, domicilié 20, place Durand, 47000 Agen,
5 / de l'ASSEDIC du Sud-Ouest, mandataire de l'AGS, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er mars 2000, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Chagny, conseiller rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, MM. Frouin, Funck-Brentano, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chagny, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., de Me Blanc, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., actionnaire de la société Bonhomme, en a été nommé administrateur en 1975 ; qu'il a renoncé à son mandat en 1987 et qu'il en a été à nouveau investi à compter du 3 février 1994 ; qu'il a été licencié le 13 avril 1994 pour motif économique ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Agen, 3 mars 1998), statuant sur contredit, d'avoir décidé que le conseil de prud'hommes d'Agen était incompétent pour connaître de ses demandes et d'avoir jugé que son action ressortissait à la compétence du tribunal de commerce d'Agen, alors, selon le moyen, en premier lieu, que M. X... avait fait valoir dans ses conclusions que les modifications unilatérales apportées à son contrat de travail, relatives à ses horaires et à sa rémunération, contenues dans la lettre que la société lui avait adressée le 12 mars 1994, ainsi que l'ordre d'exercer son activité uniquement dans le magasin, qui lui avait été donné par lettre du 26 avril 1994, de même que l'exigence de justification de ses absences contenue dans la lettre du 19 avril 1994 démontraient bien l'existence d'un lien de subordination existant entre M. X... et la société Bonhomme et qu'il ne pouvait, en conséquence, être son propre employeur ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, déterminant quant à la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en deuxième lieu, que les seules constatations opérées par la cour d'appel,
selon lesquelles M. X... bénéficiait d'une délégation de signature du 15 décembre 1986 sur les comptes bancaires de la société, qu'il s'est porté caution, comme tous les actionnaires de ladite société, pour un montant de 600 000 francs et qu'il lui arrivait de prélever de l'argent liquide dans la caisse du magasin qui était ensuite déduit de son salaire, en fin de mois, ne suffisent pas, à elles seules, à caractériser l'indépendance de l'activité de M. X... au sein de la société Bonhomme et à exclure tout lien de subordination qui pouvait exister entre lui et le société Bonhomme représentée par Mme Broueil, président directeur-général de cette société ; que la cour d'appel aurait dû rechercher concrètement si M. X... se trouvait dans une situation subordonnée par rapport à la direction de la société, notamment au regard des horaires et des tâches qui lui étaient imposées et des jusitifications qui lui étaient demandées sur ses absences ; qu'en s'abstenant de ces recherches et en se contentant de relever des données de fait qui, intrinsèquement, ne sont pas déterminantes pour qualifier la situation juridique de M. X... au sein de la société Bonhomme, l'arrêt manque de base légale au regard de l'article L. 511-1 du Code du travail ; et alors, en troisième et dernier lieu, que M. X... avait produit aux débats des lettres des 12 mars 1994, 19 avril 1994 et 26 avril 1994 que Mme Broueil, président-directeur général de la société Bonhomme lui avait fait parvenir et desquelles il résultait clairement que M. X... recevait des ordres dans le cadre de son activité au sein du magasin et qu'une surveillance de celle-ci s'exerçait, la société lui demandant de bien vouloir s'expliquer sur ses absences ; qu'au surplus, M. X... avait également produit l'enquête diligentée par l'ASSEDIC, suite à son licenciement, à l'issue de laquelle cet organisme a considéré, par notification de décision en date du 15 décembre 1994, qu'il pouvait bénéficier des indemnités de chômage réservées aux salariés ; qu'il résultait de manière claire et précise de ces différents documents régulièrement produits que M. X... était bien en état de subordination juridique par rapport à la société Bonhomme et qu'il
avait la qualité de salarié ; qu'en affirmant, contre ces écrits dont le sens était concordant, qu'aucun lien de subordination ne se rencontrait entre la société et M. X..., la cour d'appel a manifestement dénaturé les documents susvisés et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 604 du nouveau Code de procédure civile, le pourvoi en cassation tend à faire censurer le non-conformité de l'arrêt qu'il attaque aux règles de droit ;
Attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'intéressé qui n'a fait état que d'une lettre de la société du 26 avril 1994, postérieure à la lettre de licenciement, ait produit devant les juges du fond des lettres que la société lui aurait envoyées les 12 mars et 19 avril 1994 ;
Et attendu, ensuite, que, sous le couvert des griefs non fondés de non-réponse à conclusions, de manque de base légale et de dénaturation, le pourvoi ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, les éléments de fait et de preuve qui, en l'absence de contrat de travail écrit, ont été souverainement appréciés par les juges du fond ;
D'où il suit que le moyen, qui est pour partie nouveau et irrecevable comme mélangé de fait et de droit en ses première et troisième branches, ne saurait être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande présentée par M. Y..., ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de la société anonyme Bonhomme ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille.