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26/04/2000 | FRANCE | N°99-82783

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 avril 2000, 99-82783


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six avril deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...Ronan,

- LA COMPAGNIE D'ASSURANCES GROUPAMA BRETAGNE,

partie intervenante,

contre l'arrêt de la co

ur dappel de RENNES, 3éme chambre, en date du 26 mars 1999, qui, dans la procédure suivie contre ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six avril deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle PARMENTIER et DIDIER, et de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...Ronan,

- LA COMPAGNIE D'ASSURANCES GROUPAMA BRETAGNE,

partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour dappel de RENNES, 3éme chambre, en date du 26 mars 1999, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'ayant à statuer sur la réparation du préjudice de Sébastien Y..., blessé dans un accident de la circulation dont Ronan X..., assuré auprès de la compagnie Groupama, est tenu de réparer toutes les conséquences dommageables, l'arrêt attaqué condamne le prévenu, in solidum avec l'assureur, à payer diverses sommes à la victime, notamment pour l'assistance d'une tierce personne ;

En cet état,

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 388-3. 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la compagnie Groupama Bretagne in solidum avec Ronan X...à payer à Sébastien Y... les sommes de 8 363 439 francs, 3 332 500, 48 francs et 1 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

" alors que l'intervention volontaire ou forcée de l'assureur à l'instance pénale a pour objet de lui rendre opposable la décision rendue sur les intérêts civils ; qu'en condamnant la compagnie Groupama Bretagne in solidum avec son assuré, Ronan X..., à payer des dommages-intérêts à Sébastien Y..., partie civile, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;

Attendu que, s'il est vrai que l'intervention volontaire ou forcée de l'assureur à l'instance pénale n'a d'autre effet, selon l'article 388-3 du Code de procédure pénale, que de lui rendre opposable la décision rendue sur les intérêts civils, la compagnie Groupama ne justifie d'aucun intérêt à critiquer l'arrêt en ce qu'il l'a, en outre, condamnée à indemniser la victime de l'accident, dès lors qu'intervenant dans le cadre d'une assurance obligatoire, elle ne prétend pas opposer à cette victime une limitation de garantie ou la réduction proportionnelle prévue par l'article L. 113-9 du Code des assurances ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-10 du Code de la sécurité sociale, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Ronan X...et la compagnie Groupama Bretagne à payer à Sébastien Y... la somme de 11 695 939, 48 francs au titre du préjudice corporel, dont 8 363 439 francs au titre de la tierce personne ;

" aux motifs que la Cour est en mesure de fixer de la manière suivante le préjudice soumis au recours des tiers payeurs :

1) incapacité temporaire totale : * troubles dans les conditions de l'existence : (3 000 F x 16, 5 mois)................................................... 49 500, 00 F

2) incapacité permanente partielle : (30 000 F x 90 %)............................................................. 2 700 000, 00 F

3) allocation pour tierces personnes, étant observé :

- qu'en raison de l'importante dépendance de Sébastien Y..., de son absence quasi-complète d'autonomie pour les actes les plus simples de la vie courante, de ses graves troubles respiratoires, mentionnés par l'expert judiciaire, de nature à l'empêcher manifestement de pouvoir faire face seul à une situation imprévue de danger ou d'encombrement bronchique, la Cour estime nécessaire de prévoir une assistance constante de la victime par des tierces personnes ;

- que faire reposer sur les parents de Sébastien Y... ou sur les autres membres de sa famille la charge de la surveillance constante de celui-ci à raison de 19 heures par jour serait contraire au principe de la réparation intégrale de son préjudice ;

- que la loi du 5 janvier 1988, exonérant du paiement des charges patronales les victimes atteintes d'un taux d'invalidité supérieur à 80 % à la condition qu'elles perçoivent également l'allocation compensatrice pour tierce personne, n'est pas applicable à Sébastien Y..., ce dernier n'ayant pas travaillé plus de 800 heures au cours des quatre trimestres ayant précédé l'accident et ne pouvant ainsi prétendre au versement de ladite allocation ; qu'il appartient d'ailleurs au prévenu et à sa compagnie d'assurances de rapporter la preuve formelle de ce que la partie civile remplirait les conditions exigées par l'article L. 241-10 du Code de la sécurité sociale pour avoir droit â l'exonération partielle des cotisations patronales ; que, par ailleurs, le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance par des tierces personnes ne saurait être subordonné à la production de justifications des dépenses effectives, et en particulier du paiement des charges sociales patronales ;

- que la Convention collective nationale des employés de maison du 3 juin 1980 n'est pas applicable au cas d'une personne lourdement handicapée, nécessitant une assistance ou une surveillance de tous les instants ;

586 908 F (salaire annuel, charges sociales incluses, de trois personnes se relayant en semaine, ainsi que pendant les congés légaux, les jours fériés et les repos hebdomadaires) x 14, 250
................... 8 363 439, 00 F

4) Frais médicaux et assimilés : a) pris en charge par la sécurité sociale : *soins et hospitalisations 688 383, 79 F * frais futurs capitalisés 575 613, 80 F

b) non pris en charge par la sécurité sociale : *consommation annuelle de produits pharmaceutiques et d'alèses (243, 80 x 12 mois x 14, 250). 41 689, 80 F

* lit médicalisé et ses accessoires (18 459, 85 x 14, 250). 26 305, 29 F 10 *fauteuil roulant manuel, verticaliseur, le principe d'un renouvellement tous les 5 ans étant admis : (13 758, 37 x 14, 250). 39 211, 35 F 5

* fauteuil roulant (14 621, 20 x 14, 250). 41 670, 42 F 5

*fauteuil électrique, la Cour estimant cette demande justifiée, mais sur la base d'un renouvellement tous les 10 ans (22 448, 13 x 14, 250) 32 045, 58 F 10

* fauteuil roulant de douche (9 878 x 14, 250)................................................... 28 152, 30 F 5

*matelas anti-escarres, le principe d'un renouvellement tous les 5 ans étant défini par la Cour (9 439, 36 x 14, 250)................................................... 26 902, 17 F 5

* coussin anti-escarres (2 369, 42 x 14, 250)............................ 33 764, 24 F

*coussin ROHA (1 482, 20 x 14, 250)......................................... 21 121, 35 F

* frais d'aménagement du véhicule, la Cour adoptant l'option d'une transformation du véhicule pour permettre le transport de la victime en fauteuil roulant, la preuve n'étant pas rapportée que Sébastien Y... sera un jour capable de réussir les épreuves du permis de conduire, la périodicité de renouvellement étant fixée â 7 ans (143 506, 38 x 14, 250)................................................... 292 137, 98 F 7

TOTAL........................................................... 12 957 937, 07 F

à déduire : créance de la CPAM de Nantes.............. 1 261 997, 59 F

indemnité complémentaire revenant à la victime......... 11 695 939, 48 F

1) alors que la rémunération d'une aide à domicile est exonérée totalement des cotisations patronales lorsque celle-ci est employée au service personnel, au domicile ou chez des membres de la famille d'une personne invalide ; qu'en fixant le montant de l'indemnité due au titre des tierces personnes en y intégrant les cotisations patronales au motif qu'il appartenait à Ronan X...et à la compagnie Groupama Bretagne de rapporter la preuve de ce que Sébastien Y... remplissait les conditions exigées par l'article L. 241-10 du Code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'exonération partielle des cotisations patronales, sans s'expliquer sur les conclusions des demandeurs qui rapportaient cette preuve, soulignant même que Sébastien Y... pouvait prétendre à une exonération totale des cotisations patronales, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles visés au moyen, dont l'article précité ;

" 2) alors que la rémunération d'une aide à domicile est exonérée totalement des cotisations patronales lorsque celle-ci est employée au service personnel, au domicile ou chez des membres de la famille d'une personne invalide ; qu'en toute hypothèse, en fixant le montant de l'indemnité due au titre des tierces personnes en y intégrant les cotisations patronales, quand Sébastien Y... était exonéré de ces cotisations dès lors qu'invalide il devait employer des aides à domicile pour son service personnel, chez lui ou chez des membres de sa famille, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour Sébastien Y... de l'atteinte à son intégrité physique, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

Que le moyen, dès lors, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la compagnie Groupama Bretagne, in solidum avec Ronan X...à payer à Sébastien Y... la somme de 20 000 francs au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

" alors que la condamnation prévue par l'article 475-1 du Code de procédure pénale au profit de la partie civile, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci, ne peut être prononcée qu'à l'encontre de l'auteur de l'infraction ; qu'en prononçant une condamnation sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à l'encontre de la compagnie Groupama Bretagne, qui était

l'assureur du prévenu, Ronan X..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen, dont cet article " ;

Vu l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que seul l'auteur de l'infraction peut être condamné à payer à la partie civile, lorsqu'il parait inéquitable de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens, un montant que le juge détermine ;

Attendu qu'en condamnant la compagnie Groupama, in solidum avec son assuré, à verser à la partie civile la somme de 20 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, les juges du second degré ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

Que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 26 mars 1999, mais en ses seules dispositions ayant condamné la compagnie Groupama Bretagne au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Ruyssen conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-82783
Date de la décision : 26/04/2000
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le premier moyen) ASSURANCE - Action civile - Intervention de l'assureur - Effet - Opposabilité de la décision - Condamnation in solidum - Intérêt à critiquer - Conditions.

(Sur le troisième moyen) FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Frais non recouvrables - Auteur de l'infraction - Partie intervenante (non).


Références :

Code de procédure pénale 388-3, 475-1
Code des assurances L113-9

Décision attaquée : Cour dappel de Rennes, 3éme chambre, 26 mars 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 avr. 2000, pourvoi n°99-82783


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.82783
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