AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Société de développement régional Antilles-Guyane, dite "Soderag", dont le siège social est Chambre de commerce et d'industrie, 97110 Pointe-à-Pitre,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 novembre 1997 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re Chambre civile), au profit :
1 / de la société hôtelière La Résidence, dont le siège est ...,
2 / de la société civile immobilière (SCI) Saint-Jean d'Est, dont le siège social est ...,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 février 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, Mme Bénas, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bénas, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la Société de développement régional Antilles-Guyane, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la société hôtelière La Résidence et de la SCI Saint-Jean d'Est, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que la société hôtelière La Résidence et la société civile immobilière Saint-Jean d'Est ont souscrit auprès de la Société de développement régional Antilles-Guyane (la Soderag) un certain nombre de prêts avec constitution d'un fonds de garantie ; qu'elles ont assigné le prêteur en restitution des retenues et en paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 17 novembre 1997) a fait droit à leurs demandes ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que, sauf à démontrer la mauvaise foi de la Soderag, qui n'était même pas alléguée, le fonds de garantie était devenu indisponible dans les conditions contractuelles ; qu'en décidant le contraire, au motif qu'il aurait incombé à la Soderag de prouver que le fonds de garantie avait été utilisé pour assurer le règlement d'échéanciers d'emprunts pour le compte de diverses entreprises sinistrées ou en cessation de paiement, en produisant sa comptabilité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve ; alors, d'autre part, que le secret bancaire interdisait à la Soderag de produire sa propre comptabilité impliquant les comptes d'entreprises distincts de la société hôtelière La Résidence et de la SCI ; qu'en décidant le contraire, au motif inopérant que la Soderag se serait engagée à fournir chaque année aux souscripteurs le relevé des substitutions, acquisitions, produits et remplois et les indications nécessaires à l'inscription dans leur propre compte de leur participation, qui ne concernaient que le compte des emprunteurs, la cour d'appel a encore violé l'article 1315 du Code civil ; alors, enfin, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de la société Soderag faisant valoir qu'elle avait satisfait à son obligation d'information, d'une part, en adressant aux sociétés emprunteurs les lettres qui précisaient les modalités des emprunts et leur fonctionnement, notamment en ce qui concerne le dépôt et le jeu de la garantie, d'autre part, en les avertissant que la garantie avait joué pour certaines entreprises sinistrées, mais sans pouvoir donner de plus amples informations, en raison du secret bancaire ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les conditions de remboursement du fonds avaient été contractuellement définies, la cour d'appel a retenu que la Soderag s'était engagée à fournir chaque année aux souscripteurs toutes indications sur l'utilisation des fonds ; qu'ayant ainsi fait ressortir que ceux-ci avaient renoncé au secret bancaire, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu qu'il incombait à la Soderag de rapporter la preuve que le fonds de garantie était devenu indisponible dans les conditions contractuelles en produisant sa propre comptabilité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en ses première et deuxième branches, dont le rejet rend la troisième branche inopérante ;
Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche, tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe :
Attendu que la cour d'appel a retenu que l'absence de réponse de la société Soderag aux demandes d'information des sociétés emprunteuses avait causé à celles-ci un préjudice dont elle a souverainement évalué le montant ; qu'elle a ainsi constaté l'existence même d'un préjudice et établi le lien de causalité entre ce préjudice et la faute de la Soderag ;
D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société de développement régional Antilles-Guyane aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Société de développement régional Antilles-Guyane à payer à la société hôtelière La Résidence et à la SCI Saint-Jean d'Est la somme unique et globale de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille.