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21/03/2000 | FRANCE | N°98-10946

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 2000, 98-10946


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Aquitaine levage maintenance (ALMA), société anonyme, dont le siège est 47400 Beaulieu,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 octobre 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), au profit de la société A2M Assistance maintenance métallurgie, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quat

re moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 févrie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme Aquitaine levage maintenance (ALMA), société anonyme, dont le siège est 47400 Beaulieu,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 octobre 1997 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), au profit de la société A2M Assistance maintenance métallurgie, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 février 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Champalaune, conseiller référendaire rapporteur, MM. Leclercq, Poullain, Métivet, Mmes Garnier, Collomp, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Gueguen, conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Aquitaine levage maintenance, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société A2M, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sogecofa SA (société Sogecofa) a embauché le 13 mai 1991 en qualité de directeur, M. Z... de la Marlière, en vue de participer à l'élaboration de la politique générale du groupe Sogecofa, regroupant notamment la société Sogecofa et la société Alma SA (société Alma) et de mettre en oeuvre cette politique auprès, notamment, de la société Alma ; que ce contrat comportait une clause de non-concurrence limitée à deux ans et dans un rayon de 200 km ; que M. Z... de la Marlière a été, par la suite, salarié par la société Alma, laquelle lui a, le 29 septembre 1992, notifié son licenciement ; que le 30 décembre 1992 a été immatriculée au registre du commerce la société A2M présidée par M. Z... de la Marlière ; que se prévalant de ce que cette société exerçait une activité concurrente à la sienne, la société Alma a, en 1993, saisi le conseil des prudhommes en réparation du préjudice causé par la concurrence illicite et déloyale exercée par M. Z... de la Marlière ;

que par jugement du 1er juillet 1996, définitif, le conseil des prudhommes de Marmande a rejeté la demande de la société Alma et jugé qu'il n'existait pas de clause de non-concurrence liant M. Z... de la Marlière à la société Alma ; que le 17 février 1993, la société Alma a assigné la société A2M en paiement de dommages-intérets pour concurrence illicite et déloyale ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Alma reproche à l'arrêt infirmatif d'avoir rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon les propres énonciations de l'arrêt attaqué, "fin 1992, la société Alma s'est recentrée dans le cadre d'une restructuration entreprise fin juillet 1992 sur la maintenance industrielle, serrurerie, charpente métallique, chaudronnerie, en particulier "en centrale EDF" ; que l'arrêt relève également que la société A2M, créée à la même époque, avait pour objet social "la maintenance industrielle dans les domaines de la serrurerie, mécanique, chaudronnerie, la construction métallique" ; qu'il résulte tout d'abord de ces constatations que ce n'est pas la restructuration d'activités entreprise par la société Alma qui a entraîné les démissions, "pour raisons personnelles", du responsable du chantier EDF, du monteur serrurier, du mécanicien grutier et du mécanicien chaudronnier, lesquels exerçaient précisément leur métier dans les domaines d'activités maintenus par la société Alma ; qu'il en résulte également que ce n'est pas la restructuration de la société Alma qui est à l'origine du transfert de sa clientèle vers la société A2M puisqu'il ressort des constatations de l'arrêt que la société Alma n'a pas abandonné les activités qui ont été concurrencées par la société A2M ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'est constitutif de concurrence déloyale le fait pour une société de débaucher les salariés de son concurrent en vue de la désorganiser ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société A2M a débauché de façon concomitante les employés de la société Alma travaillant dans les domaines sur lesquels celles-ci venait de recentrer son activité ; qu'en refusant de tirer les conséquences qui s'en évinçaient, la cour d'appel a derechef violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, enfin, qu'est également constitutif de concurrence déloyale le débauchage de salariés afin de détourner la clientèle d'un concurrent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève que la société A2M a embauché M. Y..., "qui connaissait les clients de la société Alma" ;

qu'elle ne pouvait donc, sans violer les articles 1382 et 1383 du Code civil, retenir que la société A2M n'a pas usé de moyens anormaux pour détourner la clientèle de la société Alma ;

Mais attendu, d'une part, que pour écarter le grief de débauchage illicite de salariés de la société Alma, l'arrêt constate que ce recrutement par la société A2M est concomitant avec une restructuration de la société Alma en suite de sa filialisation, que cette société a abandonné une grande partie de son activité au profit d'autres sociétés du groupe, et a vu son organisation considérablement allégée conduisant au départ de onze salariés sur vingt-sept ; que l'arrêt énonce que selon la lettre de licenciement et les attestaions cette restructuration est à l'origine du licenciement de M. Z... de la Marlière et du départ des salariés ;

qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas attribué le transfert de clientèle allégué à la seule restructuration de la société Alma constatée, a pu, appréciant souverainement la portée des preuves qui lui étaient soumises, statuer comme elle l'a fait ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que les salariés, qui n'étaient pas liés par une clause de non-concurrence et n'occupaient que des fonctions subalternes ou d'exécution, ont été recrutés alors qu'ils avaient rempli leurs obligations envers leur ancien employeur, dans des conditions de salaire normales, la cour d'appel a pu décider qu'aucune désorganisation de l'entreprise n'était établie ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a décidé à bon droit que la simple connaissance par un salarié des clients de son employeur ne peut donner à son recrutement par une autre entreprise le caractère d'une débauchage fautif dans le but de détourner la clientèle ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Alma fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt attaqué relève que M. Z... de la Marlière, fondateur et président du conseil d'administration de la société A2M, connaissait "au premier chef" les clients de la société Alma en raison des fonctions antérieurement exercées dans cette société ; qu'en refusant de condamner le démarchage de la clientèle de la société Alma par la société A2M, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; alors, d'autre part, que la société Alma faisait valoir, en se fondant sur les conclusions de l'expert X..., que la société A2M avait réalisé 74 % de son chiffre d'affaires avec les clients de la société Alma lors de sa première année d'activité, et que ce transfert s'expliquait par une action concertée et entreprenant de son service commercial sur le fichier clients de la société Alma ; que l'arrêt attaqué observe du reste qu'un des clients les plus importants, EDF, a réalisé avec la société Alma en 1993, 2 210 829 francs tandis qu'auprès d'A2M ce chiffre d'affaires s'est élevé à 2 658 544 francs ; qu'il ajoute qu'avec DUB, Alma a réalisé un chiffre d'affaires de 1 980 francs tandis qu'A2M a réalisé avec ce même client 192287F; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société A2M, profitant des "connaissances" de son président et d'un de ses salariés acquises

auprès de leur ancien employeur, n'avait pas systématiquement démarché la clientèle Alma, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant exclu l'utilisation par la société A2M de procédés déloyaux pour attirer à elle la clientèle de la société Alma, la cour d'appel a pu décider que la simple connaissance par M. Z... de la Marlière des clients de son ancien employeur ne pouvait donner au démarchage de cette clientèle par la société qu'il présidait un caractère fautif ;

Attendu, d'autre part, que pour rejeter le détournement de clientèle allégué, l'arrêt a, au terme d'un examen concret de la situation des sociétés Alma et Sogecofa, constaté un mouvement de clientèle de la première vers la seconde et relevé que le groupe Sogecofa a vu son chiffre d'affaires augmenter globalement de façon très importante, et que les deux sociétés avaient des clients communs dont l'un des plus importants avait réalisé avec la société Alma un chiffre d'affaires continuant à progresser ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui a retenu que le démarchage de la clientèle d'un concurrent, même de la part d'anciens salariés, ne constitue pas en principe un acte de concurrence déloyale, examinant ainsi, pour l'écarter, le reproche formulé par la société Alma, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Alma fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, que la société Alma, se prévalant des conclusions de l'expert X..., faisait valoir que le choix de la dénomination sociale, associé aux autres agissements reprochés à la société A2M, tel que le débauchage de quatre salariés, dont un représentant commercial de la société Alma, avait provoqué une confusion dans l'esprit de la clientèle ; qu'en se bornant à constater qu'il n'existe pas de confusion au niveau de la dénomination sociale, de la marque et du sigle, sans rechercher si les autres agissements reprochés à la société A2M n'avaient pas contribué à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle de la société Alma, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant estimé que les débauchages contestés n'étaient pas illicites, que les sigles Alma et A2M ne se prononcent pas de la même façon, qu'Alma signifie Aquitaine levage maintenance, A2M, Assistance maintenance métallurgie, enfin qu'il n'était pas établi que les clients en s'adressant à A2M pensaient en réalité s'adresser à Alma, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1351 du Code civil, ensemble l'article 125 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Alma, l'arrêt retient que cette société ne peut se prévaloir de la clause de non-concurrence liant M. Z... de la Marlière par l'effet du jugement du conseil des prudhommes de Marmande du 1er juillet 1996 devenu définitif ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée n'est pas d'ordre public et ne peut pas être relevée d'office par le juge, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 14 octobre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;

Condamne la société A2M aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société A2M ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 98-10946
Date de la décision : 21/03/2000
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CHOSE JUGEE - Caractère d'ordre public - Nécessité de l'invoquer - Relevé d'office (non).

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Embauchage de l'employé d'un concurrent - Désorganisation de l'entreprise (non) - Connaissance de ses clients - Caractère inopérant.


Références :

Code civil 1351, 1382
Nouveau code de procédure civile 125

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), 14 octobre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 mar. 2000, pourvoi n°98-10946


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.10946
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