AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mars deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller JOLY, les observations de Me CHOUCROY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...Gérard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 2 juillet 1999, qui, pour recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, l'a condamné à 50 000 francs d'amende et a prononcé la confiscation des scellés ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 324-9 et suivants, L. 362-3 et suivants du Code du travail, 121-3 et 121-4 nouveau du Code pénal, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X...coupable de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé ;
" aux motifs que la société MBB dont le principal établissement se trouvait à Paris et qui exploitait un atelier à Aubervilliers, inconnu du registre du commerce, effectuait depuis l'automne 1996 des travaux de confection pour la société Design Sportswear spécialisée dans le prêt-à-porter et ayant recours à des sous-traitants (une cinquantaine pour 1997) ; que la société MBB qui oeuvrait uniquement pour la société Design Sportswear, minorait ses déclarations à l'Urssaf et n'était pas à jour de ses obligations fiscales ;
que le jour du contrôle six personnes, sur un effectif de vingt-quatre salariés, n'avaient pas fait l'objet de déclarations préalables à l'embauche et n'étaient pas inscrites sur le registre du personnel de l'entreprise ; que Mme Y..., responsable de production de la société Gérard Z..., a expliqué qu'elle se rendait régulièrement à l'atelier d'Aubervilliers pour effectuer des contrôles de qualité et qu'elle ne manquait pas de solliciter fréquemment des attestations de paiement des cotisations sociales et de la TVA, qu'elle a ajouté ne pas avoir remarqué que l'adresse portée sur les factures de la société MBB ne correspondait pas à l'atelier d'Aubervilliers ; que M. A...exploitant de l'atelier, a cependant précisé que Mme Y...ne lui avait réclamé qu'un extrait du registre du commerce de la société, une attestation de paiement des cotisations Urssaf au mois d'avril 1997 et une copie de l'assurance pour le local d'Aubervilliers ;
que Gérard X...a produit une attestation sur l'honneur émanant de M. A...signée par celui-ci le lendemain du contrôle et attestant qu'il employait régulièrement des salariés ; que ces faits et circonstances démontrent, contrairement à ce qui a été allégué, un défaut de vérifications régulières de la situation du façonnier ; que M. A...a admis qu'il minorait systématiquement ses déclarations auprès des organismes de sécurité sociale et que les services de l'Urssaf ont précisé qu'aucune déclaration de salarié n'avait été effectuée pour le 1er trimestre de l'année 1997 et que six salariés seulement avaient été déclarés pour chacun des deux autres trimestres de l'année 1997 (et ce pour une production d'environ 30 000 pièces d'un coût moyen de 160 F), qu'il est apparu que M. A...n'avait effectué aucun règlement de TVA pour l'année 1997 ; (...) ;
qu'il ressort de la combinaison des articles L. 324-9, L. 324-14 du Code du travail qu'il incombe au donneur d'ouvrage de s'assurer de la régularité, au regard des dispositions de l'article L. 324-10 dudit Code, de l'activité exercée par un sous-traitant ; que tel n'a pas été le cas en la circonstance ; que pourtant la société Design Sportswear était le seul donneur d'ouvrage de la société MBB qui dépendait totalement d'elle et pouvait de ce fait exiger la présentation de tous les documents justifiant l'exécution par son sous-traitant de ses obligations légales ; qu'au cours de ses relations commerciales avec la société MBB qui ont duré plus d'une année, Gérard X...s'est délibérément abstenu de toute vérification sérieuse, se contentant de documents parcellaires et non significatifs, qu'au regard de ces éléments, le prévenu ne saurait utilement faire valoir que le prix payé au façonnier était un prix " normal " ; qu'en effet le prévenu, en faisant supporter la charge de production par un tiers, bien que sa société soit elle-même spécialisée dans la " fabrication " de vêtements, et en éludant ainsi tous les coûts ou inconvénients liés à l'emploi de main-d'oeuvre, tout en s'abstenant délibérément de procéder à des vérifications sérieuses sur la situation réelle de son façonnier, a sciemment commis les agissements reprochés, la rémunération versée eut-elle été proche ou équivalente au " prix " prétendument pratiqué sur le marché de la confection ; que tout aussi vainement Gérard X...fait valoir qu'il avait délégué ses responsabilités tant à son directeur de logistique M. B..., arrivé dans la société trois mois environ avant le contrôle, qu'à Mme Y...responsable de production ; que les déclarations de ces deux employés établissent que ceux-ci chargés de vérifier la production, n'avaient pas été sensibilisés, sinon de façon purement formelle, à la nécessité de veiller aux conditions dans lesquelles était exécuté le travail confié ; que Gérard X...ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant les fonctions de ces deux salariés, alors que les agissements poursuivis s'inscrivent dans le cadre des choix de gestion et d'une politique d'entreprise relevant de sa seule décision ;
" alors que, d'une part, après avoir constaté que la responsable de production de la société dont le prévenu était le directeur général, avait réclamé et obtenu du sous-traitant de son employeur, un extrait du registre du commerce constatant l'immatriculation de la société sous-traitante et une attestation de paiement des cotisations d'Urssaf ainsi qu'une copie de l'assurance du local où était installé un de ses ateliers, la Cour a violé le texte dont elle a prétendu faire application pour déclarer le demandeur coupable de recours indirect à un travail dissimulé, en retenant à son encontre que son sous-traitant avait employé une partie de ses salariés sans les déclarer, qu'il minorait systématiquement ses déclarations auprès des organismes de sécurité sociale et n'avait effectué aucun règlement de TVA pour l'année 1997, le donneur d'ouvrage n'étant tenu de vérifier en application des articles L. 324-10 et L. 324-14 du Code du travail, que le fait que l'entreprise à laquelle il a recours est bien immatriculée au registre du commerce ou des métiers et a procédé aux déclarations aux organismes de protection sociale ou à l'Administration fiscale qui lui incombent, sans pour autant être tenu de vérifier constamment la sincérité desdites déclarations en se substituant ainsi aux administrations concernées ;
" alors que, d'autre part, le prévenu ayant, dans ses conclusions, invoqué la délégation de pouvoirs qu'il avait consentie à la responsable de la production de sa société et à son directeur de logistique, la Cour, qui n'a pas contesté que les prix payés au façonnier étaient conformes à ceux en vigueur sur le marché, a violé l'article 121-3 du Code pénal et a privé sa décision de motifs, en écartant ce moyen de défense sous prétexte que les subordonnés du prévenu, présents dans l'atelier du sous-traitant au moment du contrôle à l'origine des poursuites, n'avaient été sensibilisés que de façon purement formelle à la nécessité de veiller aux conditions dans lesquelles le travail confié était exécuté et que les agissements poursuivis s'inscrivent dans le cadre des choix de gestion et d'une politique d'entreprise relevant de la seule décision du prévenu, de tels motifs, purement abstraits, ne permettant pas à la Cour de Cassation de vérifier que le demandeur n'avait pas délégué ses pouvoirs à ses subordonnés en ce qui concerne les vérifications de l'activité des entreprises sous-traitantes auxquelles leur employeur était astreint en vertu des articles L. 324-10 et suivants du Code du travail et auxquelles lesdits subordonnés avaient procédé selon les propres constatations de l'arrêt attaqué " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué reproduites au moyen mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du fond ont, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis et caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé dont ils ont déclaré Gérard X...coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Joly conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;