AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mars deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Patricia,
- Y... Tove, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4ème chambre, en date du 18 mars 1999, qui, dans la procédure suivie contre la société THALAMER pour dénonciation calomnieuse, a déclaré irrecevable leur constitution de partie civile, et les a condamnées à une somme de 6 000 francs en application de l'article 472 du Code de procédure pénale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10 et 313-5 du Code pénal, 591 du Code de procédure pénale ;
" en ce que Patricia X... et Tove Y... ont été déclarées irrecevables en leur constitution de partie civile du chef du délit de dénonciation calomnieuse qu'elles reprochaient à la société Thalamer ;
" aux motifs que " lors de leur arrivée à l'hôtel Novotel, il a été pris une empreinte de la carte de crédit de Tove Y..., ce que celle-ci reconnaît ; cependant, il ne peut être soutenu que cette empreinte qui n'avait pas été signée par Tove Y... constitue un moyen de paiement quand bien même, ainsi que l'atteste sa banque, la Lloyd's Bank, la somme représentant le montant de la facture aurait été réservée ; en effet, une réservation ne peut être assimilée à un mode de paiement, cette démarche ne servant qu'à attester que le compte est approvisionné et que la carte n'a pas été déclarée comme ayant été volée ; la Lloyd's Bank précise en outre que la demande de paiement n'a jamais été faite ; elle ne pouvait l'être dès lors qu'aucune signature n'était apposée sur le document ; en tout état de cause, elles sont parties à l'hôtel Plaza alors qu'il fut convenu que la dernière nuit et le dernier repas ne seraient pas facturés et qu'il leur fut demandé d'attendre, puisqu'un employé de l'hôtel était en train de s'assurer qu'elles n'avaient pas consommé de boissons provenant du bar de leur chambre ; il résulte par ailleurs des pièces communiquées par les demanderesses elles-mêmes que la facture n'a été honorée par Patricia X... que le 28 à 0 heure 06 sur son propre compte bancaire après l'intervention de la police ; il est donc acquis que, lorsqu'elles ont quitté l'hôtel Thalamer, Patricia X... et Tove Y... n'avaient pas volontairement acquitté leur facture, qu'elles n'ont réglé qu'en raison de la peur du scandale, et d'une comparution devant le tribunal correctionnel ; dès lors, il ne peut être reproché à la société Thalamer d'avoir commis le délit de dénonciation calomnieuse " ;
" alors que le délit de filouterie qui avait été dénoncé aux autorités contre Patricia X... et Tove Y... par la société Thalamer suppose qu'une personne soit " déterminée à ne pas payer " ; que l'arrêt attaqué ne relève pas que Patricia X... et Tove Y... avaient, en quittant l'hôtel Novotel en y laissant l'empreinte de la carte de crédit de Tove Y..., été " déterminées à ne pas en payer " la facture " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction n'était pas rapportée à la charge de la prévenue, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 472, 475-1 et 591 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Patricia X... et Tove Y... à payer à la société Thalamer " la somme de 6 000 francs par application de l'article 472 du Code de procédure pénale " ;
" aux motifs qu'il serait par contre inéquitable de laisser à sa charge le montant des frais dont elle a dû faire l'avance pour assurer sa défense, qu'une somme de 6 000 francs compensera ;
" alors que pour l'article 472 du Code de procédure pénale, étranger à l'équité, seul un " abus de constitution de partie civile " justifie la condamnation de la partie civile envers la personne relaxée ; que l'arrêt attaqué ne constate pas un tel abus mais relève par ailleurs le défaut de préjudice de la société Thalamer " ;
Attendu qu'en condamnant les parties civiles à une somme de 6 000 francs en application de l'article 472 du Code de procédure pénale, après avoir relevé le caractère abusif de leur plainte, à l'égard de la société Thalamer, constitutif d'une faute, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;