AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mars deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller SIMON, les observations de Me Le PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Sylvain,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 21 janvier 1999, qui, pour blessures involontaires et infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 000 francs d'amende, et a ordonné la publication et l'affichage de la décision ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 40, alinéa 1 et 3, du décret du 8 janvier 1965, 111-4 nouveau du Code Pénal ainsi que des articles 222-19, alinéa 1er, 222-44, 222-46, 131-35 et 131-27 du même Code, L. 262-2 et L. 263-2-1 du Code du travail, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Sylvain X... coupable de blessures involontaires et non-respect des dispositions réglementaires relatives aux manoeuvres des appareils de levage ;
"aux motifs que l'alinéa 3 de l'article 40 du Décret du 8 janvier 1965 dispose que les charges constituées par des matériaux de longues dimensions doivent, en cas de nécessité, et notamment lorsqu'il existe un risque particulier d'accrochage, être guidées à distance pendant leur déplacement ; que le terme "soulever" figurant à l'alinéa 1er de ce même décret signifie : lever à une faible hauteur ; que la définition du verbe "lever" est : faire mouvoir de bas en haut ; que "mouvoir" veut dire : mettre en mouvement ; que le mot "déplacement"est défini comme étant : un mouvement qui fait passer un objet d'une place à une autre ; qu'il résulte de cette analyse que le soulèvement de la poutre à l'origine de l'accident a bien consisté en un déplacement au sens de l'alinéa 3 de l'article 40 du décret du 8 janvier 1965, ce d'autant, qu'au cours de la manoeuvre, un double mouvement de pendule et de rotation a été imprimé à ladite poutre, obligeant les ouvriers à la manipuler, pour la remettre dans l'axe du pilier central et de la réservation ; que les règles de sécurité imposées par les alinéas 1 et 3 de l'article 40 du décret du 8 janvier 1965, n'étaient pas habituellement respectées par les salariés de la SNC Sogea Bretagne lors de la pose de ces poutres ; qu'il résulte des déclarations des témoins, ainsi que de celles du prévenu, que le guidage à distance des charges soulevées, au moyen de tiges pour pousser et de cordes pour tirer, était loin d'être systématique ; qu'aucune consigne particulière n'a été donnée à ce sujet aux ouvriers et qu'aucun rappel efficace n'a été effectué à cet égard ; que celui-ci n'est intervenu que postérieurement à l'accident, à l'occasion d'une réunion du CHSCT tenue pour en examiner les causes et les solutions à mettre en
oeuvre pour empêcher le renouvellement de tels faits ; que, dés lors, Sylvain X... a omis de veiller à l'observation par les salariés de l'entreprise des prescriptions réglementaires ci-dessus spécifiées ;
qu'étant titulaire d'une subdélégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité du travail, contrairement au chef de chantier, il lui appartenait de s'assurer personnellement et à tout moment de la stricte et constante application de ces dispositions concernant la sécurité du personnel de la SNC Sogea Bretagne ;
qu'il avait, par ailleurs, l'obligation de prévoir l'ensemble des risques auxquels les salariés pouvaient se trouver exposés et d'y palier en prenant toutes mesures utiles ; qu'il ne sautait, en conséquence, se retrancher derrière le fait que la manoeuvre effectuée par les ouvriers pour poser les fers en acier crossé dont ils avaient oublié de munir l'extrémité de la poutre était inhabituelle et imprévue pour pouvoir échapper à sa responsabilité ;
"alors, d'une part, que l'article 40 du décret du 8 janvier 1965 distingue clairement les opérations de soulèvement (article 1er) et les opérations de déplacement (article 3) lesquelles, même s'il s'agit dans les deux cas d'un mouvement, ne visent pas des situations identiques ; qu'un guidage à distance s'impose, en cas de nécessité et, notamment, lorsqu'il existe un risque d'accrochage pour les seules opérations de déplacement des poutres ; que, dès lors, la nécessité d'un guidage à distance ne s'imposait pas à l'opération au cours de laquelle s'est produit l'accident litigieux qui ne consistait pas à déplacer la poutre d'un endroit à un autre mais seulement à soulever à faible hauteur la poutre déjà posée, pour la dégager de ses supports et la reposer très exactement au même endroit; qu'en reprochant à Sylvain X... l'absence de guidage à distance, la cour d'appel a donc violé tant les dispositions de l'article 40 du décret du 8 janvier 1965 que celles de l'article 111-4 du Code pénal qui impose une interprétation stricte de la loi pénale ;
"alors, d'autre part, et en tout état de cause qu'en retenant Sylvain X... dans les liens de la prévention aux motifs que le recours au guidage à distance des charges soulevées n'était pas habituellement respecté par les salariés de la société Sogea et était loin d'être systématique au sein de l'entreprise, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et a entaché sa décision d'une grave insuffisance de motifs ;
"alors, enfin, et en conséquence, qu'en déclarant Sylvain X... coupable de blessures involontaires bien qu'il ne s'évince pas de ses constatations que le prévenu n'aurait pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de la réglementation en vigueur, de ses fonctions, de ses compétences et des pouvoirs dont il disposait, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, et du jugement qu'il confirme, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges ont, sans insuffisance ni contradiction, en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, caractérisé en tous leurs éléments les délits dont ils ont déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Simon conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;