AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier mars deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PIBOULEAU, les observations de Me VUITTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Charles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 24 février 1999, qui, pour abus de confiance, faux et usage de faux, l'a condamné à 5 ans d'emprisonnement et a prononcé sur les réparations civiles ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 406 et 408 anciens du Code pénal, 314-3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt confirmatif a reconnu le prévenu coupable d'abus de confiance ;
" aux motifs qu'il résulte du dossier et des débats que, durant la période visée à la prévention, et qui a, en réalité, pris fin le 15 juillet 1991 avec la démission du prévenu, Charles X..., alors huissier de justice à Epernay, a, en effectuant, pour ses seuls besoins personnels, des retraits fréquents et systématiques sur le compte de son étude, et notamment sur le compte CCP, qui était à la fois compte de l'étude et compte personnel, détourné une somme totale de 5 406 071, 83 francs, correspondant au total des montants qu'il devait restituer aux clients de l'étude sur les sommes recouvrées par lui et dont il avait été chargé du recouvrement pour le compte de ces clients ; que l'examen de la comptabilité de l'étude et des dossiers des multiples clients concernés a révélé, outre de nombreuses insuffisances ou erreurs comptables, que, pour dissimuler ses prélèvements illicites, Charles X... avait, avant chaque contrôle annuel pratiqué par la chambre départementale des huissiers de justice, falsifié sa comptabilité de façon à réduire le solde présenté par le compte clients pour que celui-ci corresponde au montant des fonds détenus par l'étude ;
" alors que les juges du fond doivent caractériser l'infraction en tous ses éléments constitutifs, nonobstant la reconnaissance par le prévenu de la matérialité des faits ; qu'en l'espèce, la Cour, qui n'a pas caractérisé les éléments constitutifs de l'abus de confiance dont elle a reconnu le prévenu coupable, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'abus de confiance dont elle a reconnu le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 406, 408 et 150 anciens du Code pénal, 2, 314-3 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a confirmé la condamnation de Charles X... à verser à la chambre départementale des huissiers de la Marne la somme de 1 franc de dommages et intérêts ;
" aux motifs que le prévenu ne discute pas les conditions dans lesquelles le tribunal a adjugé le franc symbolique à titre de dommages et intérêt ;
" alors que la chambre départementale des huissiers de justice de la Marne, ne représentant pas les intérêts moraux de la profession, n'était pas susceptible de solliciter la réparation d'un tel dommage " ;
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni des pièces de procédure que Charles X... a invoqué devant la cour d'appel l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la chambre départementale des huissiers de justice ; qu'il est irrecevable à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
D'où il sut que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 473, 749, 750 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt a ordonné l'exercice de la contrainte par corps dans les conditions des articles 749 et 750 du Code de procédure pénale ;
" alors que le montant des condamnations au profit du trésor public étant inférieur à 1 000 francs, seuil minimum prévu pour cet exercice par l'article 750 du Code de procédure pénale, la Cour ne pouvait prononcer à l'encontre de Charles X... l'exercice de la contrainte par corps à son encontre " ;
Vu les articles 749 et 750 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'assujettissement au droit fixe de procédure dont le montant est déterminé par l'article 1018 A du Code général des impôts ne peut donner lieu au prononcé de la contrainte par corps prévue par l'article 749 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir précisé que le prévenu était redevable d'un droit fixe de procédure de 800 francs, a prononcé à son encontre la contrainte par corps ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de REIMS, en date du 24 février 1999, en ses seules dispositions, ayant prononcé à l'encontre de Charles X... la contrainte par corps, toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de REIMS, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Pibouleau conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre