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01/03/2000 | FRANCE | N°99-81513

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 mars 2000, 99-81513


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 11 février 1999, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende, 2 ans d'inéligibilité, et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-1, 111-5, 314-1 du nouveau Code pénal, 408 de l'ancien Code pénal, 1984 du Code civil, 7 de la Convention européenne de

s droits de l'homme, violation du principe de la séparation des pouvoirs, d...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 11 février 1999, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende, 2 ans d'inéligibilité, et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-1, 111-5, 314-1 du nouveau Code pénal, 408 de l'ancien Code pénal, 1984 du Code civil, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation du principe de la séparation des pouvoirs, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Jacques X... coupable du délit d'abus de confiance ;
" aux motifs que la région Alsace s'était associée à l'exposition universelle de Séville et avait émis un avis favorable à ce projet ; dans un rapport en date du 23 juin 1992, Jean-Jacques X..., président du conseil général, avait fixé le coût provisionnel de ce déplacement à environ 200 000 francs, étant entendu que les conjoints prenaient en charge directement leurs frais ; que, contrairement à la délibération de la commission, certaines personnes n'ayant pas la qualité de conseillers généraux avaient bénéficié de ces voyages et leurs entiers frais avaient été pris en charge par le budget du département ; sur les 7 jours de déplacement, seuls 2 jours étaient consacrés à l'exposition de Séville, les autres étant réservés au tourisme en Andalousie ; une partie des frais de séjour des conjoints des conseillers généraux avaient été payés sur le budget du département ; certaines factures avaient été annulées et remplacées par des factures occultant les noms et les prestations fournies, d'autres factures ne correspondaient pas à la réalité ; les frais d'un troisième voyage à Séville en octobre 1992 avaient été supportés par le département sans délibération préalable ; qu'il est constant que la délibération du conseil général ne visait que la prise en charge des conseillers généraux ; que les fonctionnaires départementaux n'étaient donc pas concernés par ce voyage ; que la prise en charge d'une partie des frais des épouses est intervenue à la demande de Mme Y..., chef du cabinet de Jean-Jacques X... ; qu'elle n'a donc pu décider d'elle-même cette modification sans recueillir l'assentiment de son supérieur hiérarchique ; et s'il appartenait au payeur départemental d'opérer un contrôle sur le remboursement de ces frais, ce contrôle paraissait difficilement possible et efficace en l'occurrence ; que dès lors " Jean-Jacques X... qui a choisi de faire participer à ces voyages d'études des fonctionnaires dans le seul but de les remercier du travail par eux accompli, qui a proposé des voyages d'agrément en Andalousie sans aucun rapport avec l'objet des déplacements, qui a consenti en toute connaissance de cause à la prise en charge d'une partie des frais des épouses et couvert des manipulations au niveau des factures, afin d'éviter le blocage de leur paiement, peut difficilement prétendre de bonne foi que les dépenses ainsi effectuées l'ont été dans le seul intérêt du département ; qu'il a agi sciemment au mépris de son mandat qui lui imposait, en qualité de président, de faire exécuter, conformément à l'article 25 de la loi du 2 mars 1982, les délibérations du conseil général dans la stricte rigueur de la comptabilité publique " ;
" alors que, d'une part, une loi nouvelle ne s'applique aux faits commis antérieurement à son entrée en vigueur que si elle est plus favorable au prévenu ; qu'en retenant la culpabilité de Jean-Jacques X... sur le fondement de l'article 314-1 du nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 pour des faits survenus en 1992, bien que la nouvelle loi incriminant l'abus de confiance soit plus sévère que l'ancien article 408 du code pénal puisqu'elle étend l'incrimination et augmente les peines, la cour d'appel a violé la règle d'ordre public de la non-rétroactivité de la loi pénale ;
" alors que, d'autre part, faute d'avoir établi l'existence d'un des contrats visés par l'article 408 de l'ancien Code pénal, déterminé d'après les règles du Code civil, ainsi que l'existence d'une remise effectuée dans le cadre de ce contrat et en se contentant d'énoncer que le mandat de Jean-Jacques X... lui imposait, en sa qualité de président du conseil général, de faire exécuter les délibérations du conseil général dans la stricte rigueur de la comptabilité publique, l'arrêt attaqué a méconnu le principe de la stricte interprétation de la loi pénale ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs, la juridiction pénale étant incompétente pour apprécier la bonne exécution pour un élu politique, en l'occurrence le président du conseil général, d'une délibération de cet organe, qui constitue un acte administratif unilatéral, et non un des contrats de droit privé énumérés limitativement par l'article 408 ;
" alors que, de troisième part, aux termes de l'article 121-1 du nouveau Code pénal, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; qu'en ne caractérisant aucune participation personnelle de Jean-Jacques X... aux faits poursuivis, autrement que par des affirmations et des suppositions contredites par les faits constatés, l'arrêt relevant qu'il avait proposé de fixer le coût prévisionnel du voyage, et précisé que les conjoints devaient prendre en charge leurs frais et en ne relevant aucune circonstance qui établirait qu'il serait personnellement à l'origine du changement du programme prévu, ou qu'il aurait couvert sciemment des agissements frauduleux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclaré coupable de faits prévus et réprimés notamment par l'article 314-1 du Code pénal, dès lors que la cour d'appel a relevé les éléments constitutifs de l'abus de confiance, dans les termes de l'article 408 ancien de ce Code, applicable aux faits poursuivis en raison de la date de leur commission, et que la peine prononcée entre dans les prévisions de ce dernier texte ;
Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, sur proposition de Jean-Jacques X..., président du conseil général du Haut-Rhin, la commission permanente du conseil général a autorisé, par délibération du 23 juin 1992, la prise en charge, sur le budget départemental, du déplacement de l'ensemble des conseillers généraux à l'exposition universelle de Séville, afin d'y participer aux activités présentant un intérêt économique ; que la proposition du président faisait état d'un coût prévisionnel de 200 000 francs et précisait que les conjoints paieraient les frais de leur séjour ; que le coût total des déplacements s'est élevé à 766 607, 15 francs ; que les dépenses ont notamment consisté, pour un montant de 413 585 francs, dans le paiement, partiel ou total, d'une part, du séjour à Séville de 16 fonctionnaires départementaux, d'un journaliste et des conjoints des conseillers généraux, d'autre part, du circuit touristique effectué, en Andalousie, à l'issue du séjour à Séville, par des fonctionnaires départementaux et des conseillers généraux ;
Que Jean-Jacques X... a été poursuivi pour avoir détourné la somme de 413 585 francs au préjudice du conseil général du Haut-Rhin ;
Attendu que, pour le déclarer coupable d'abus de confiance, la cour d'appel énonce que Jean-Jacques X... a fait participer des fonctionnaires à ces voyages d'étude alors qu'ils n'étaient pourvus d'aucune compétence en rapport avec l'objet du déplacement ; qu'elle précise qu'il a consenti, en toute connaissance de cause, à la prise en charge d'une partie des frais exposés par les conjoints des conseillers généraux et couvert des manipulations dans les factures afin d'éviter le blocage de leur paiement ; qu'elle rappelle que la partie touristique du séjour n'a été mentionnée ni dans la délibération du 23 juin 1992, ni sur les factures ; qu'elle relève que le prévenu peut difficilement prétendre que les dépenses ont été engagées dans le seul intérêt du département ; qu'elle conclut " qu'il a agi sciemment au mépris de son mandat qui lui imposait, en qualité de président, de faire exécuter, conformément à l'article 25 de la loi du 2 mars 1982, les délibérations du conseil général dans la stricte rigueur de la comptabilité publique " ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, justifié sa décision, dès lors qu'elle a caractérisé, d'une part, le mandat que le président du conseil général tient de l'article L. 3221-2 du code général des collectivités territoriales, en tant qu'ordonnateur des dépenses du département, d'autre part, le détournement des deniers correspondant aux dépenses engagées en dehors des prévisions de la délibération qu'il avait pour mission d'exécuter, en application de l'article L. 3221-1 du même Code ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-81513
Date de la décision : 01/03/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ABUS DE CONFIANCE - Contrat - Contrats spécifiés - Mandat - Conseil général - Président - Exécution des délibérations.

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour condamner un président de conseil général du chef d'abus de confiance, caractérise, d'une part, le mandat qu'il tient de l'article 25, alinéa 3, de la loi du 2 mars 1982 devenu l'article L. 3221-2 du code général des collectivités territoriales, en tant qu'ordonnateur des dépenses du département, d'autre part, le détournement des deniers correspondant aux dépenses engagées en dehors des prévisions de la délibération qu'il avait pour mission d'exécuter, en application de l'article 25, alinéa 2, de la loi du 2 mars 1982 devenu l'article L. 3221-1 du même Code. (1).


Références :

Code général des collectivités territoriales L3221-1, L3221-2
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 25, al. 2, al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 11 février 1999

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1860-07-20, Bulletin criminel 1860, n° 169, p. 301 (annulation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 mar. 2000, pourvoi n°99-81513, Bull. crim. criminel 2000 N° 97 p. 287
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2000 N° 97 p. 287

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. Launay.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Samuel.
Avocat(s) : Avocat : M. Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.81513
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