AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le premier mars deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE DES EAUX DE VOLVIC,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 7 octobre 1998, qui, pour fraudes fiscales, l'a condamnée à 68 amendes de 100 francs, à des pénalités fiscales et au paiement des droits fraudés ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 520 A du Code général des impôts et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la société des eaux de Volvic a été reconnue coupable du délit de non-paiement de la surtaxe sur les eaux minérales ;
"aux motifs qu'il était constaté que la société des eaux de Volvic n'acquittait pas la surtaxe sur les eaux minérales naturelles instituée par l'article 1582 du Code général des impôts au profit des communes sur le territoire desquelles seront situées des sources d'eaux minérales, sur les boissons qu'elle fabrique sous les dénominations suivantes : - "boisson à l'eau minérale naturelle Volvic ; - aux extraits naturels d'écorce de fruit (orange douce, citron - citron vert) - aux extraits de menthe naturelle fraîche - aux extraits de thé naturel et d'arôme pêche - aux extraits de thé naturel et de citron" ; que la société des eaux de Volvic estime ne pas devoir acquitter cette taxe pour les boissons aromatisées qu'elle fabrique puisque celles-ci du fait de l'adjonction d'arômes ne peuvent plus prétendre à la dénomination "eau minérale naturelle" : que, cependant, l'appellation "boisson" à laquelle se trouve ainsi tenue la société poursuivie résulte non de l'application d'une réglementation fiscale mais d'un décret pris en matière de répression des fraudes et ne peut donc constituer une exception à l'application du texte fiscal ; que l'article 1582 du Code général des impôts renvoie, expressément, aux dispositions de l'article 520 A du même Code relativement à la déclaration et à la liquidation de la surtaxe qu'elle instaure, lequel article se réfère aux quantités commercialisées ; que la finalité de la surtaxe ainsi instituée est, selon l'interprétation convergente des parties poursuivante et poursuivie, de compenser le préjudice subi par les communes sur le territoire desquelles étaient situées des sources en raison de la commercialisation de cette eau ; or, attendu que la fabrication d'un produit dénommé "boisson à base d'eau minérale naturelle Volvic" par adjonction d'arômes a pour but, par une diversification des formes de produits offerts à la vente, d'augmenter les ventes d'une eau minérale dont les bienfaits sont connus des consommateurs et déterminants du choix de ceux-ci, étant relevé que l'eau minérale naturelle de Volvic entre dans la composition des boissons
aromatisées aux fruits et menthe à hauteur de 99,3 % et pour les boissons au thé dans une proportion légèrement moindre (93 %) ; que, sur l'étiquette de ces boissons, est d'ailleurs vantée l'alliance entre les extraits naturels de fruits et la pureté de l'eau ; qu'il n'y a donc pas lieu d'ajouter au texte de l'article 1582 du Code général des impôts en opérant une distinction selon le mode de commercialisation d'une même eau minérale, la surtaxe devant s'appliquer à toute l'eau minérale de Volvic ;
"alors que les définitions de droit pénal sont de droit strict ; "surtaxe sur les eaux minérales" s'applique par définition aux seules "eaux minérales" ; que la cour d'appel n'a pas recherché ni expliqué en quoi les produits incriminés, boissons aromatisées fabriquées avec des extraits naturels de fruits ou de plantes, seraient des "eaux minérales", par quoi seulement elles relèveraient de la surtaxe "sur les eaux minérales" ;
Attendu que, pour juger que la surtaxe prévue à l'article 1582 du Code général des impôts s'applique aux boissons aromatisées commercialisées par la société des eaux de Volvic, la cour d'appel relève que lesdites boissons, dont la fabrication résulte de l'adjonction d'arômes à de l'eau minérale naturelle, sont composées à 93% ou 99,3% de cette eau et que cette composition, d'ailleurs vantée sur l'étiquette des bouteilles, est déterminante dans le choix des consommateurs ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les produits litigieux sont des eaux minérales au sens de l'article 1582 du Code général des impôts, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 520 A et 1582 du Code général des impôts, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la société des eaux de Volvic a été reconnue coupable du délit de non-paiement de la surtaxe sur les eaux minérales et condamné au paiement de 2 746 098 francs de droits fraudés outre pénalités ;
"aux motifs que "la surtaxe doit s'appliquer à toute l'eau minérale de Volvic" ;
"alors que, d'une part, la société des eaux de Volvic soutenait que la taxe (si elle avait lieu d'être) s'appliquait aux seules eaux commercialisées, tandis que les Douanes retenaient comme fait générateur toutes les eaux captées (mémoire de l'Administration p. 10 : volume d'eau capté : imposable)" ; que la cour d'appel n'a pas indiqué sur laquelle de ces deux bases elle avait calculé ce qu'elle a retenu comme "droits fraudés", rendant impossible le contrôle de la Cour de Cassation ;
"alors que, d'autre part, si la cour d'appel avait retenu comme assiette des "droits fraudés" l'eau captée, elle aurait méconnu la disposition de l'article 520 A indiquant que "le droit est dû sur toutes les quantités commercialisées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société des eaux de Volvic n'a été poursuivie et condamnée que pour son omission de payer la surtaxe afférente à des produits qu'elle avait commercialisés ;
Qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;