AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Irvoas, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 octobre 1997 par la cour d'appel de Versailles (chambre sociale), au profit de M. Daniel X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
M. X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 2000, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ransac, Chagny, conseillers, Mmes Lebée, Maunand, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Irvoas, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X... qui avait été engagé par la société Irvoas à compter du 14 mai 1979 et exerçait les fonctions de responsable de magasins, a été licencié le 21 novembre 1994 pour le motif suivant : baisse du chiffre d'affaires, suppression du poste de responsable du magasin ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien fondé de ce licenciement et obtenir paiement de sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à titre d'heures supplémentaires et de prime de fin d'année ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident :
Vu les articles 984, 991 et 1010 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'un pourvoi incident a été fait au nom de M. X... sous forme d'un mémoire établi par un mandataire ne justifiant pas d'un pouvoir spécial ; qu'il s'ensuit que le pourvoi incident est irrecevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société Irvoas fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 9 octobre 1997) de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, d'une part, qu'il faut se placer à la date du licenciement pour apprécier la réalité du motif économique de licenciement ; qu'en l'espèce, il résulte notamment des constatations des premiers juges que le licenciement du salarié, intervenu en novembre 1994, avait été décidé au vu du pré-bilan en date du 4 août 1994, révélant que la situation de la société s'était brusquement dégradée pendant le premier semestre 1994, le chiffre d'affaires de la société étant uniquement de 4 750 150 francs, soit une baisse de près de 20 % par rapport à l'année antérieure, avec un résultat prévisionnel négatif de 151 184 francs ; qu'en se référant uniquement au rapport de gestion adressé aux actionnaires à l'issue de l'exercice clos le 31 décembre 1994 pour apprécier la réalité du motif économique de licenciement du salarié, au vu de données qui n'étaient pas disponibles à l'époque du licenciement, en violation des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du Code du travail et alors, d'autre part, que la restructuration d'une entreprise entraînant la suppression du poste d'un salarié peut constituer une cause économique de licenciement si cette mesure est nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 321-1 du Code du travail et alors enfin qu'est suffisamment motivée, la lettre de licenciement pour motif économique qui mentionne les raisons économiques prévues par la loi et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations des juges d'appel que la lettre de licenciement était ainsi motivée : baisse du chiffre d'affaires et suppression du poste de responsable de magasin ; que cette lettre répondait donc aux exigences de motivation imposées par l'article L. 122-14-2 du Code du travail ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte ;
Mais attendu d'abord que l'employeur ayant motivé le licenciement par des difficultés économiques de l'entreprise, la cour d'appel n'avait pas à rechercher si celui-ci n'était pas justifié par la nécessité d'effectuer une restructuration ;
Et attendu ensuite, qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué dans la troisième branche, la cour d'appel a retenu qu'au jour du licenciement la société ne connaissait pas de difficultés, celles-ci n'ayant été avancées que pour alléger la charge salariale en dépit d'une situation saine ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal de la société Irvoas ;
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi incident de M. X... ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille.