AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Claude Z..., demeurant 2, rue d'en Bas, 80700 Lancourt,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 octobre 1997 par la cour d'appel de Paris (22ème chambre, section A), au profit :
1 / de M. du X..., domicilié, ..., mandataire liquidateur de la société anonyme Le Dessert parisien,
2 / de l'AGS CGEA Ile-de-France, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
M. du X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 2000, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Chagny, conseiller rapporteur, M. Ransac, conseiller, Mme Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Maunand, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chagny, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Z..., de Me Bertrand, avocat de M. du X..., ès qualités, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z... a été engagé le 6 juin 1971 en qualité de pâtissier par la société Le Dessert parisien, au sein de laquelle il occupait en dernier lieu un emploi de chef de fabrication ; qu'il a cessé le travail en 1991 en raison d'une maladie professionnelle ; que son état a été déclaré consolidé en 1992 et qu'il a été licencié le 2 novembre 1992 pour refus des postes de reclassement proposés par l'employeur ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du mandataire-liquidateur de la société Le Dessert parisien :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le salarié devait être classé au niveau 6 de la catégorie cadres de la convention collective nationale de travail applicable au personnel employé dans les industrie de boulangerie, alors, selon le moyen, d'une part, que le défaut de réponse par le salarié dans le délai de six semaines de la réception de l'avis prévu par l'article 3-B de l'accord paritaire du 9 avril 1990 définissant une nouvelle classification des emplois correspondant à la convention collective nationale de travail de la boulangerie-pâtisserie industrielle vaut acceptation tacite quand bien même l'employeur n'aurait pas mentionné ce délai dans l'avis susvisé et ne l'aurait pas accompagné du texte intégral de la classification, pourvu que le nouveau classement de l'emploi occupé par le salarié destinataire y soit indiqué ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 121 du Code du travail ; et alors, d'autre part, que le niveau 6 de la catégorie ingénieurs et cadres de la convention collective nationale de travail de la boulangerie-pâtisserie industrielle ne s'appliquent qu'à des cadres qui assurent la direction d'une unité autonome de l'entreprise, d'un service ou la gestion d'un ensemble d'établissements isolés ; qu'en se bornant à relever que M. Z... assurait la direction d'une équipe en concertation avec un autre salarié sans préciser en quoi la direction concertée de cette équipe s'assimilait à la direction d'une unité autonome de l'entreprise ou d'un service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord paritaire du 9 avril 1990 définissant une nouvelle classification, ensemble les articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a constaté qu'il ne résultait pas de la lettre adressée le 30 juillet 1990 au salarié que ce dernier avait été informé de ce qu'il devait faire part de ses observations sur sa nouvelle classification dans le délai de six semaines et au plus tard le 15 septembre 1990 et de ce que le défaut de réponse dans ce délai vaudrait acceptation tacite de la classification, a décidé à bon droit que le salarié ne pouvait se voir reprocher son silence ;
Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que le salarié était placé sous la responsabilité directe du président de la société ou de son délégataire, qu'il avait pour fonctions de surveiller le personnel, de maintenir la bonne qualité et la bonne présentation des produits, de veiller à la tenue du personnel et au respect des règles d'hygiène et de sécurité ; qu'elle a pu déduire de ses constatations et énonciations que l'intéressé pouvait prétendre à la classification au niveau 6 de la catégorie des ingénieurs et cadres de la convention collective applicable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et sur la première branche du moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir décidé que le salarié ne pouvait être classé à compter du 1er décembre 1990 au niveau 7 de la catégorie des ingénieurs et cadres de la convention collective applicable, alors, selon le moyen, que doit être classé au niveau 7 le cadre "ayant une parfaite connaissance de l'ensemble des techniques de son secteur, de son unité ou de son service et en assume la direction complète en fonction des directives générales qui lui sont données et/ou qui lui ont été fixées" ; que M. Z... faisait valoir dans ses conclusions qu'il assumait la direction complète du service de la fabrication de nuit tandis que M. A... assumait la direction complète du service de la fabrication de jour ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions duquel il ressortait que M. Z... pouvait prétendre au niveau 7 de la convention collective, tout en ayant relevé qu'il était placé sous l'autorité du président de la société, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, répondant aux conclusions, a constaté que l'intéressé exerçait ses fonctions en concertation avec un autre salarié de l'entreprise, d'où il résultait qu'il n'assumait pas seul la direction complète de son secteur, de son unité ou de son service ; que la première branche du moyen n'est pas fondée ;
Mais sur la seconde branche du moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 143-11-8 et D. 143-2, alinéa 1, du Code du travail ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, la garantie des institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du Code du travail est limitée, toutes créances du salarié confondues, à un ou des montants fixés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage ; qu'en vertu du second texte, le montant maximum de la garantie prévue à l'article L. 143-11-8 est fixé à treize fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage lorsque les créances résultent de dispositions législatives ou réglementaires ou des stipulations d'une convention collective et sont nées d'un contrat de travail dont la date de conclusion est antérieure de plus de six mois à la décision prononçant le redressement judiciaire ; qu'au sens de ce texte, les créances résultant de dispositions législatives ou réglementaires ou conventionnelles sont celles qui trouvent leur fondement dans une loi, un règlement ou une convention collective, peu important que leur montant ne soit pas lui-même fixé par l'une de ces sources de droit ; qu'enfin, la rémunération du salarié, contrepartie de son travail, entre dans les prévisions dudit texte même lorsque son montant est fixé par l'accord des parties ;
Attendu que, pour décider que la garantie des créances du salarié inscrites au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur était limitée au plafond IV, l'arrêt attaqué retient que le salaire de l'intéressé était supérieur au minimum conventionnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les créances du salarié étaient constituées de rappels de salaire, d'un complément d'indemnité légale de licenciement, de la contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence prévue par la convention collective applicable à la relation de travail et d'une indemnité due sur le fondement de l'article L. 122-32-7 du Code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi principal du salarié,
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que la garantie des créances de rappels de salaire, de complément d'indemnité légale de licenciement, de contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence prévue par la convention collective et d'indemnité due sur le fondement de l'article L. 122-32-7 du Code du travail était limitée à quatre fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage, l'arrêt rendu le 29 octobre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Fixe à treize fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d'assurance chômage le montant de la garantie des créances de rappels de salaire, de complément d'indemnité légale de licenciement, de contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence prévue par la convention collective et d'indemnité due sur le fondement de l'article L. 122-32-7 du Code du travail de M. Z... ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille.