AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Y...
X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 juin 1997 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), au profit de la société Groupe France-Antilles et Hersant, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 2000, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Ransac, conseiller rapporteur, M. Chagny, conseiller, Mme Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Maunand, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ransac, conseiller, les observations de Me Foussard, avocat de Mme X..., de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Groupe France-Antilles et Hersant, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon la procédure, que par jugement du 25 septembre 1995, le conseil de prud'hommes a condamné la société France-Antilles à payer des dommages-intérêts à Mme X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et prescrit une expertise sur le calcul de commissions ; que par jugement du 13 mai 1996, la décision précitée a fait l'objet de diverses rectifications et que, notamment, son dispositif a été complété par la mention de la condamnation de la société France-Antilles au paiement de la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive ; que l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 16 juin 1997), après avoir déclaré recevables les appels, principal de la société France-Antilles et incident de Mme X..., à l'encontre du jugement rectificatif, a réduit à la somme de 10 000 francs le montant des dommages-intérêts pour rupture abusive, et déclaré irrecevables les demandes de Mme X... concernant le fond de l'affaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel de la société France-Antilles à l'encontre du jugement rectificatif, alors, selon le moyen, que si le jugement statuant sur une requête aux fins de rectification d'une omission de statuer peut faire l'objet d'un appel, quand bien même la décision originaire affectée de l'omission serait passée en force de chose jugée, il en va différemment du jugement qui statue sur une requête aux fins de rectification d'erreur matérielle ; que l'appel est exclu, dès lors que le jugement affecté de l'anomalie est passée en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, et ainsi qu'il résulte du jugement du 13 mai 1996, Mme X... a introduit une requête aux fins de rectification d'erreur matérielle fondée sur l'article 462 du nouveau Code de procédure civile ; que le jugement du 13 mai 1996, a constaté que la décision du 25 septembre 1995, était entachée d'une simple erreur de dactylographie ; qu'il a déclaré recevable la requête en rectification d'erreur matérielle, l'a déclarée fondée, et y a fait droit en condamnant l'employeur au paiement d'une somme de 100 000 francs ; qu'il résulte d'un arrêt du 16 juin 1997, faisant l'objet d'un pourvoi distinct, que le jugement du 25 septembre 1995, a été notifié le 3 novembre 1995, et n'a fait l'objet d'un appel, hors délai, que le 20 août 1996 ; qu'ainsi, la décision affectée de l'anomalie était passée en force de chose jugée au moment où le jugement statuant sur la requête aux fins de rectification a été rendu le 13 mai 1996, et a fortiori au moment où l'appel contre ce jugement a été formé le 20 août 1996 ; d'où il suit qu'en déclarant l'appel de la société France Antilles recevable, les juges du fond ont violé les articles 125 et 462 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, qu'après avoir rappelé que Mme X... avait formé une demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, et reconnu dans ses motifs le caractère abusif de cette rupture, le jugement rectifié n'a prononcé de ce chef aucune condamnation ; qu'ayant retenu à juste titre, qu'une telle omission de statuer relevait de l'application de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel en a exactement déduit que l'appel de la décision rectificative était recevable, dès lors qu'elle donne ouverture aux mêmes voies de recours que le jugement rectifié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables ses demandes au fond, alors, selon le moyen, que de première part, les demandes au fond formées par une partie accessoirement à un recours visant à la réparation d'une omission de statuer, constituent des demandes additionnelles qui peuvent être formées à toute hauteur de la procédure et par voie de simples conclusions ; que s'il faut considérer que l'arrêt a déclaré les demandes formulées au fond par Mme X... comme irrecevables, au motif qu'elles ont été greffées sur un recours aux fins de réparation d'une omission de statuer, force est alors de décider que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles 65, 67, 68 et 70 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, de seconde part, si même le premier juge a été saisi d'un recours aux fins de rectification d'une omission de statuer, dès lors qu'il y a appel, l'instance d'appel est soumise quant à son développement, aux règles du droit commun ; qu'ainsi, les demandes nouvelles en cause d'appel pouvaient être regardées comme recevables au regard des articles 564, 565 et 566 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en omettant de rechercher si les demandes formées par Mme X... n'étaient pas recevables au regard de ces textes, les juges du fond ont, en tout état de cause, privé leur décision de base légale au regard de ces dispositions ;
Mais attendu que, saisie de l'intégralité du litige par l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel ne peut cependant statuer que dans les limites des pouvoirs du premier juge ; que statuant sur l'appel d'un jugement rendu sur requête en rectification d'une décision antérieure, la cour d'appel a exactement décidé que les demandes nouvelles présentées par Mme X..., relatives au fond et étrangères aux chefs critiqués du jugement déféré, étaient irrecevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande présentée par la société France-Antilles et Hersant ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille.