AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf février deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 8ème chambre, en date du 17 février 1999, qui, pour violences sur mineur de 15 ans suivies d'une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, par personne ayant autorité, l'a condamnée à 3 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 309 et 312 du Code pénal abrogé, 222-11, 222-12 et 222-13 du Code pénal, 388 et 593 du Code de procédure pénale, 6.3.a) et b) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble excès de pouvoir, défaut de motifs et violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de violences à enfant âgé de moins de 15 ans, ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, par une personne ayant autorité, et l'a condamnée de ce chef ;
"aux motifs que, si la gravité exacte des blessures constatées chez le jeune Z... reste en l'état indéterminée, aucune expertise n'ayant été ordonnée au stade de l'instruction, il est en tout cas évident que l'incapacité totale de travail subie a été supérieure à 8 jours, au vu des certificats médicaux figurant au dossier, lesquels font état d'une hospitalisation de 10 jours et d'une convalescence de 45 jours ; que les faits seront donc requalifiés en violences à enfant âgé de moins de 15 ans, ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, par une personne ayant autorité ;
"alors, d'une part, que les juges ne peuvent légalement statuer que sur les faits dont ils sont saisis, et excèdent leurs pouvoirs en retenant la culpabilité du prévenu pour des faits non visés à la prévention ; qu'en l'espèce, l'ordonnance de renvoi visait des faits de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 8 jours ; qu'en déclarant la prévenue coupable de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, les juges d'appel ont excédé leurs pouvoirs ;
"alors, d'autre part, que s'il appartenait aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition de n'y rien ajouter, sauf acceptation expresse par le prévenu d'être jugé sur des faits non compris dans la poursuite ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que X... aurait accepté d'être jugée sur les faits non visés à la prévention - soit une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours - ; qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé les textes et principes susvisés" ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, la juridiction du second degré n'a introduit aucun fait nouveau distinct de celui sur lequel reposait la poursuite ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que X..., prévenue d'une infraction de violences aggravées, a été mise en mesure de s'expliquer sur la faute qui lui était reprochée, de même que, sur ses conséquences, telles qu'elles résultaient des débats ;
que les juges avaient le devoir de donner aux faits leur exacte qualification ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-11 et 222-12 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a retenu contre X... la circonstance aggravante tirée de l'autorité ;
"alors que l'article 222-12 du Code pénal ne prévoit pas, comme circonstance aggravante du délit de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, visé à l'article 222-11 du même Code, l'autorité de l'auteur sur la victime ;
qu'en retenant, néanmoins, la circonstance aggravante tirée de l'autorité de la prévenue, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient le moyen, l'article 222-12, alinéa 2, du Code pénal réprime les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, commises sur un mineur de 15 ans par toute personne ayant autorité sur ledit mineur ;
Que le moyen est, dès lors, inopérant ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 309 et 312 du Code pénal abrogé, 222-11 et 222-12 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de violences à enfant âgé de moins de 15 ans, ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, par une personne ayant autorité, et l'a condamnée de ce chef ;
"aux motifs que le compte-rendu opératoire du docteur Soulier concernant le petit Z... souligne la "nature traumatique de cette perforation du grêle", tandis que le docteur Vignes fait état de "sévices caractérisés" ; que, selon le docteur A..., "il est très improbable que les coups reçus par le jeune Z... aient été portés par le jeune Y...", fils de la prévenue ; que les déclarations successives et fluctuantes de la prévenue pour tenter d'expliquer les lésions constatées n'emportent pas la conviction ; que les parents ayant été mis hors de cause, la seule explication possible est que les coups ont été portés par X... ; que la conviction de la Cour est renforcée par l'existence d'une précédente mise en cause de X... pour des faits similaires en 1990 ;
"alors, d'une part, que la responsabilité pénale ne peut se fonder que sur des faits certains ; qu'en retenant la responsabilité pénale de X... au motif que, selon les médecins, l'origine des lésions était traumatique et que, les parents ayant été mis hors de cause, la seule explication possible était que les coups avaient été portés par la nourrice, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que, pour relaxer X..., le tribunal avait relevé que l'enfant Germain, âgé de 4 ans, fils de la prévenue, avait manifesté une agressivité certaine envers le jeune Z..., constatée par M. Z... lui-même, et que, entendu par les services de la police, il avait reconnu avoir tapé le jeune Z... sur les fesses et sur le ventre avec des livres ou avec la crosse de hockey ; qu'en disant X... responsable des coups, sans s'expliquer sur ces motifs contraires des premiers juges dont elle infirme la décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"alors, de troisième part, qu'en déduisant la responsabilité pénale de X... du caractère "fluctuant" de ses déclarations successives (s'expliquant pourtant par le délai extrêmement long entre les faits et l'instruction) et du fait qu'elle a vainement tenté d'expliquer les lésions constatées (explication pourtant à la charge du ministère public), la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, enfin, que, dans l'affaire de 1990, X... avait bénéficié d'une décision de non-lieu ; qu'en retenant à charge des faits pour lesquels la prévenue avait bénéficié d'un non-lieu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les motifs du jugement de relaxe infirmé que la prévenue ne s'était pas appropriés dans des conclusions régulièrement déposées, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré X... coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-44 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, comportant l'obligation de se soumettre aux mesures d'examen médical, de traitement ou de soins nécessités par son état, même sous le régime de l'hospitalisation ;
"alors qu'en condamnant X..., dans le cadre de la mise à l'épreuve, à l'obligation de se soumettre à une mesure de traitement ou de soins nécessitée par son état, sans préciser quel était son état de santé, et en quoi il nécessitait une mesure de traitement, et sans indiquer en quoi devait consister la mesure de traitement ou de soins prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 132-45, 3 , du Code de procédure pénale" ;
Attendu que la demanderesse ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir insuffisamment motivé le prononcé à son égard d'une peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve comportant l'obligation prévue par l'article 132-45, 3 , du Code pénal, dès lors que la détermination de la peine et de son régime par les juges, dans les limites prévues par la loi, relève d'une faculté dont ils ne doivent aucun compte, et à laquelle l'article 132-24 du Code pénal n'apporte aucune restriction ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;