AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf février deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt n° 40 de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 19 janvier 1999, qui l'a condamné, pour tromperie, à 50 000 francs d'amende et, pour contraventions de fraudes, à 398 amendes de 50 francs chacune ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 214-1 et L. 214-2 du Code de la consommation, 1er, 2, 4, 5 et 6 du décret du 7 décembre 1984, 6 du décret du 10 février 1955, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre X... coupable de 398 contraventions relatives au marquage de boîtes de conserves ;
"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 6-2 du décret du 7 décembre 1984, lorsque les denrées alimentaires sont commercialisées à un stade antérieur à la vente au consommateur final, les mentions prévues par l'article 5 peuvent ne figurer que sur les fiches, bons de livraison ou documents commerciaux accompagnant les denrées alimentaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que ce texte était applicable aux boites de conserve vendues par Pierre X... aux Etablissements Ussel et à la société Sovecope, la commercialisation étant antérieure à la vente au consommateur ; qu'en se bornant néanmoins à retenir que les boîtes comportaient un marquage non indélébile ou illisible concernant l'origine du produit et la date de fabrication, sans rechercher si ces mentions ne figuraient pas sur les documents commerciaux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, l'article 5 du décret du 7 décembre 1984 impose uniquement la mention de la date jusqu'à laquelle la denrée conserve ses propriétés spécifiques, et non la date de fabrication ; qu'en retenant que les boîtes de conserve vendues par Pierre X... comportaient une indication illisible ou non indélébile concernant la date de fabrication, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
"et alors, enfin que l'article 5 du décret du 7 décembre 1984 n'impose la mention du lieu d'origine que lorsque son omission est de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur sur l'origine ou la provenance réelle de la denrée ; qu'en se bornant à retenir que les boîtes litigieuses comportaient un marquage non indélébile ou illisible concernant l'origine du produit, sans rechercher si l'absence de cette mention pouvait entraîner chez les acheteurs, les Etablissements Ussel et Sovecope, une confusion sur la provenance réelle du produit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Attendu que, pour déclarer Pierre X... coupable de 398 infractions au décret du 7 décembre 1984 relatif à l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires, désormais codifié sous les articles R. 112-1 et suivants du Code de la consommation, contraventions réprimées par l'article L. 214-2 de ce Code, l'arrêt retient qu'étant dirigeant de la société La Truffe sarladaise, il a vendu à un négociant des boîtes de conserves de truffes de Chine comportant l'indication, au crayon feutre non indélébile, parfois illisible, de la provenance du produit et de la date de fabrication et dont les documents commerciaux ne portaient pas la mention obligatoire de la dénomination de vente et de la date jusqu'à laquelle la denrée conserve ses propriétés spécifiques ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt a justifié sa décision au regard des articles R. 112-9 et R.112-11 du Code précité ;
Que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 4 du décret du 10 février 1955, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Pierre X... coupable de tromperie envers les Etablissements Ussel ;
"alors, d'une part, que la cour d'appel a relevé qu'un contrôle effectué par la Direction de la concurrence et de la consommation le 25 octobre 1995 sur des boîtes de conserves de truffes se trouvant dans les locaux des Etablissements Ussel avait révélé que certaines des boîtes vendues par Pierre X... présentaient des bombements et des flocages correspondant à une altération de la denrée, devenue impropre à la consommation ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher à quelle date ces boîtes avaient été vendues à la société Ussel, et si les altérations constatées n'étaient pas apparues postérieurement à cette vente, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, le délit de tromperie implique la dissimulation d'un fait déceptif pour l'acheteur ; qu'en l'espèce, les bombements et les flocages des boîtes de conserves, à les supposer préexistants à la vente, étaient nécessairement apparents pour la société Ussel, ce qui excluait toute tromperie ; qu'en déclarant Pierre X... coupable de tromperie envers la société Ussel sur les qualités substantielles de boîtes de conserves présentant des signes d'altération, malgré le caractère apparent de ces signes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, au surplus, que la cour d'appel a constaté expressément que la société Ussel ne s'estimait victime d'aucune tromperie ; que la négation par le cocontractant de Pierre X... de toute atteinte à son consentement excluait le délit de tromperie ;
"alors, en outre, que les tribunaux ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par l'acte qui les a saisis ; qu'en l'espèce, Pierre X... était cité devant le tribunal correctionnel pour avoir trompé la société Ussel sur les qualités substantielles de boîtes de conserves présentant des signes d'altération ; qu'en retenant, pour le déclarer coupable de ce délit, que les acheteurs des boîtes en provenance de la société Ussel étaient susceptibles d'être trompés, fait qui n'était pas visé par la prévention, la cour d'appel a excédé sa saisine ;
"et alors, enfin, que le délit de tromperie suppose l'intention frauduleuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si toutes les boîtes vendues à la société Sovecope présentaient des déformations, elles n'étaient pas impropres à la consommation, ce dont il résulte que la déformation des boîtes n'entraînait pas nécessairement d'altération des denrées ; qu'en se bornant à retenir que les conserves analysées chez la société Ussel étaient impropres à la consommation, sans rechercher si Pierre X... connaissait cette altération des truffes au moment de la vente, laquelle ne résultait pas nécessairement des déformations des boîtes, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément moral de l'infraction" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Launay ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;