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29/02/2000 | FRANCE | N°99-80724

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 février 2000, 99-80724


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf février deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me GUINARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- TAYLOR A...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, du 11 décembre 1998, qui, pour contravention de bl

essures involontaires, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a prononcé sur les intér...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf février deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller RUYSSEN, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me GUINARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- TAYLOR A...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, du 11 décembre 1998, qui, pour contravention de blessures involontaires, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 122-2 et R. 625-2 du Code pénal, L. 2212-1 et L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Steven B... coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à trois mois sur la personne de Mélanie Z..., et l'a condamné à des sanctions pénales ;

"aux motifs qu'il s'est avéré que le tir (de bombarde) a été effectué non dans le milieu de la zone de sécurité mais trop à gauche, ce qui comportait des risques évidents ; que l'enquête a démontré que la direction du tir a été fixée par Steven B... ; que le premier tir a été effectué sans problème par M. Y..., qui poussait la charge, et que l'accident est sans doute dû à une étincelle restée au fond du fût ; que le projectile a atteint Mélanie Z... sous un angle de 25 , et le bâton, brisé dès le départ du coup est resté incontrôlable, en sorte qu'on ne pouvait a priori en définir la trajectoire ; que Steven B..., chef artificier, avait une licence valable du 4 avril 1994 au 4 avril 1997 ; qu'il était placé derrière l'ensemble des bombardes et qu'il lui appartenait de vérifier si l'emplacement du canon n'était pas dangereux pour le public ; qu'à l'audience la Cour a ordonné que les scellés soient brisés pour faire passer au magnétoscope les deux cassettes qui avaient été prises au moment des faits ; celles-ci qui étaient en noir et blanc n'ont pas permis d'avoir une vision très précise de l'accident proprement dit puisque la vision des faits est restée extrêmement floue mais le défilé des images a permis de retracer l'accident dans son contexte ;

que les photos fournies aux débats, beaucoup plus précises, ont démontré que contrairement aux préconisations d'habitude et soulignées par l'expert, la ligne de sécurité n'avait pas été établie pour le public en arrière d'une ligne perpendiculaire à l'axe du canon, même s'il ne tirait pas, mais quelques dizaines de personnes s'étaient amassées derrière la ligne de protection qui était située en avant, à gauche du tir prévu ; que tout artificier sait pertinemment que le fonctionnement de cet "affût de Charles X..." n'est obtenu que par l'action conjuguée de quatre servants qui sont obligatoires, comme précisé au chapitre précédent, et qu'est utilisée de la poudre noire, ainsi qu'un bâton de 2 mètres, ce qui peut présenter incontestablement des dangers en cas d'explosion ou en cas d'omission de l'un des gestes indispensables à réaliser ; que le risque "zéro" était naturellement à éliminer ; qu'en l'espèce, M. Y... s'est retrouvé avec le bras arraché et Mélanie Z... avec un doigt atteint d'une fracture ouverte et des blessures à l'oeil droit, alors qu'elle se trouvait à 51 mètres de la bombarde ; qu'en tant que maître artificier, titulaire d'une licence depuis plus de deux ans, qui était encore valable, Steven B... aurait dû exiger que le public reste derrière une ligne de sécurité, en arrière de la ligne perpendiculaire à l'axe du canon, ce qu'il a omis de faire ; que s'il y avait procédé, Mélanie Z... n'aurait pas été blessée ; que cette carence caractérise parfaitement la contravention de blessures involontaires dont la déclaration de culpabilité devra être confirmée ;

"1 ) alors que l'infraction de blessures involontaires suppose qu'une faute d'imprudence ou de négligence à l'origine de l'accident puisse être imputée au prévenu ; que la charge d'assurer la sécurité publique, et notamment de prévenir les accidents, incombe au maire de la commune en vertu de ses pouvoirs de police administrative générale, ainsi que, le cas échéant, aux organisateurs des manifestations et spectacles publics ; qu'il appartenait ainsi au maire de Crécy et aux organisateurs de la manifestation de délimiter l'emplacement réservé au public de manière à éviter tout accident ;

que Steven B... n'était pas chargé des questions de sécurité mais avait pour seul rôle de placer les bombardes au début de la manifestation en fonction des dispositifs de sécurité (cordon de sécurité) mis en place par l'association organisatrice de la manifestation et de veiller au bon déroulement des opérations que devaient effectuer successivement quatre servants pour faire exploser la charge de poudre ; qu'il s'est acquitté de cette mission, comme le montre le fait que les tirs effectués lors de la cérémonie d'ouverture et le premier tir de la cérémonie de clôture se sont déroulés sans incident ; que, dès lors, aucune faute d'imprudence ou de négligence ne pouvait lui être reprochée ; qu'en le retenant néanmoins dans les liens de la prévention, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors en toute hypothèse, que l'infraction de blessures involontaires ne peut être imputée au prévenu que dans la mesure où celui-ci s'est abstenu d'accomplir les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ; que, dès lors, en se bornant à relever qu'en tant que chef artificier, Steven B... aurait dû exiger que le public reste derrière une ligne de sécurité perpendiculaire à l'axe du canon et faire cesser les tirs tant que le public n'était pas à l'emplacement précédemment indiqué, sans rechercher si Steven B... disposait du pouvoir et des moyens effectifs pour accomplir de telles diligences, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-3 du Code pénal ;

"3 ) alors que tout jugement ou arrêt doit être motivé ;

qu'en énonçant que "l'accident est sans doute dû à une étincelle restée au fond du fût", la cour d'appel a statué par un motif dubitatif et violé les textes visés au moyen ;

"4 ) alors que la force majeure exonère le prévenu de toute responsabilité pénale ; qu'elle s'entend d'un événement indépendant de la volonté humaine et que celle-ci n'a pu ni prévoir ni conjurer ; qu'en l'espèce le prévenu avait fait valoir que l'explosion et la projection du bâton qui en sont résultées présentaient les caractéristiques d'un cas de force majeure, ce qui excluait toute responsabilité à sa charge ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de défense, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion de la commémoration de la bataille de Crécy, l'explosion prématurée d'une charge de poudre dans le fût d'une bombarde, réplique d'un canon ancien, a blessé une spectatrice ;

Que Steven B..., chef artificier, est poursuivi pour contravention de blessures involontaires ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu, l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, excluant la force majeure, la cour d'appel a caractérisé sans insuffisance la faute personnelle d'imprudence commise par Steven B... et ainsi justifié sa décision, au regard des articles 121-3 et R. 625-2 du Code pénal ;

Que le moyen, dès lors, doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 Fructidor an III, des articles 2, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Steven B... à payer des réparations civiles à Mélanie Z... ;

"aux motifs que cette jeune blessée n'a commis aucune faute ; en conséquence Steven B..., par sa carence à faire cesser les tirs alors que le public n'était pas en sécurité, doit être déclaré entièrement responsable de l'accident ; que les blessures à l'oeil de Mélanie Z... ont été limitées puisque l'appareil photo quelle utilisait pour photographier les bombardes a protégé ses yeux ; à son arrivée au centre hospitalier d'Abbeville, outre un traumatisme facial droit avec plaies frontales et sous orbitaires qui ont été suturées, il a été retrouvé une kératine de l'oeil droit et une fracture ouverte de la deuxième phalange du troisième doigt droit ; que le 19 septembre 1996, son acuité visuelle était encore un peu diminuée de 6 à 7/10, avec verres correcteurs et, au fond de l'oeil, un remaniement maculaire atrophique post-oedème existait, ce qui justifie pleinement la désignation d'un expert judiciaire pour évaluer les séquelles corporelles de la victime ; que la somme de 3 000 francs allouée à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation du préjudice corporel de Mélanie Z... doit être maintenue également, ainsi que la somme de 3 000 francs pour les frais non compris dans les dépens ; qu'à la suite de l'accident, il est resté 193,70 francs de frais médicaux à la charge de la victime, son préjudice vestimentaire s'est élevé à 937,90 francs, il y a eu quelques frais de téléphone (50 francs), d'essence pour aller à l'hôpital (298,10 francs), il a fallu qu'elle change son appareil photo pour 1 990 francs et ses lentilles de contact pour 916 francs ; ce n'est pas parce qu'elle ne prouve pas avoir acheté d'autres vêtements que le préjudice matériel et vestimentaire ne doit pas être réparé ; que le premier juge a arbitré à 3 936,70 francs la réparation du préjudice matériel, ce qui reste équitable et sera confirmé ;

"1 ) alors que l'infraction commise par un agent public dans l'exercice de ses fonctions et qui n'est pas détachable de celles-ci constitue une faute de service ne pouvant engager que la responsabilité de l'Administration, l'action en réparation relevant de la compétence de la juridiction administrative ; qu'en outre l'infraction commise dans l'accomplissement de sa mission par un collaborateur bénévole du service public est assimilable à une faute de service ; qu'en l'espèce il est constant que Steven B... a bénévolement prêté son concours à l'organisation des tirs de bombardes effectués lors des cérémonies commémorant le 650 ème anniversaire de la bataille de Crécy ; qu'il a ainsi acquis la qualité de collaborateur occasionnel du service public ; que, dès lors, seule pouvait être mise en cause la responsabilité de l'Administration et non celle de Steven B..., celui-ce ne pouvant se voir reprocher éventuellement qu'une faute de service ; qu'ainsi la juridiction répressive était incompétente pour statuer sur l'action civile dirigée contre Steven B... ; qu'en condamnant néanmoins celui-ci à indemniser la partie civile, la cour d'appel a méconnu le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires et violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors en toute hypothèse qu'en retenant la responsabilité civile de Steven B... sans avoir recherché si la faute qui lui était imputée présentait le caractère d'une faute personnelle détachable de ses fonctions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa compétence pour statuer sur le droit à réparation éventuel de Mélanie Z..." ;

Attendu, selon l'arrêt et les pièces de procédure, notamment les conclusions déposées devant la cour d'appel par le prévenu, que l'accident litigieux s'est produit au cours d'une manifestation organisée, y compris en matière de sécurité, par une association qui s'était assurée le concours d'une troupe d'acteurs spécialisée ; que, dès lors, Steven B..., membre de cette troupe, ne saurait revendiquer la qualité de collaborateur bénévole d'un service public, ni, par voie de conséquence, la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur l'action civile ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Ruyssen conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80724
Date de la décision : 29/02/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, 11 décembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 fév. 2000, pourvoi n°99-80724


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:99.80724
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