AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Gilles Y..., demeurant ..., agissant en qualité de représentant des salariés de la société Publi routage,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 juillet 1997 par la cour d'appel de Paris (3e Chambre civile, Section B), au profit :
1 / de la société Publi routage, société anonyme dont le siège est ...,
2 / de M. Frédéric X..., demeurant ..., pris en qualité de mandataire-liquidateur de la société anonyme Publi routage,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 janvier 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Grimaldi, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y..., de Me Capron, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1997), que la société Publi routage (la société) a été mise en liquidation judiciaire le 17 décembre 1996 sur sa déclaration de cessation des paiements le 4 décembre ; que M. Y... a été désigné comme représentant des salariés le 13 janvier 1997 ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que le liquidateur prétend que le demandeur au pourvoi, qui n'est ni délégué, ni mandaté par le comité d'entreprise, a été désigné après le jugement d'ouverture de la procédure collective du 17 décembre 1996 ; que, n'étant pas partie à cette procédure, il ne peut en interjeter appel et n'a donc pas d'intérêt à se pourvoir contre un arrêt qui déclare à tort son appel recevable ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 171 de la loi du 25 janvier 1985 que les décisions statuant sur la liquidation judiciaire sont susceptibles d'appel ou de pourvoi de la part du débiteur, de l'administrateur, du représentant des créanciers, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, du ministère public ; que le représentant des salariés, désigné à défaut de comité d'entreprise ou de délégué du personnel, doit leur être assimilé de ce point de vue ; que la fin de non-recevoir n'est pas fondée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de la combinaison des articles 6 et 10 de la loi du 25 janvier 1985 et 12 du décret du 27 décembre 1985 qu'avant qu'il ne soit statué sur l'ouverture de la procédure, le Tribunal doit entendre en chambre du conseil le représentant du comité d'entreprise, à défaut, les délégués du personnel ;
que le président du Tribunal doit demander au greffe d'aviser le chef d'entreprise de réunir le comité d'entreprise ou les délégués du personnel pour désigner les personnes habilitées à être entendues ; qu'en l'absence du comité d'entreprise ou de délégués du personnel, le représentant des salariés exerce les fonctions dévolues à ces institutions par les dispositions du titre 1er ; qu'il était constant, en l'espèce, qu'aucun représentant des salariés n'avait été entendu ; que la cour d'appel qui, pour refuser d'annuler le jugement d'ouverture, s'est contentée d'affirmer que la désignation du représentant des salariés était postérieure au jugement d'ouverture, a méconnu la portée des textes susvisés et les a violés ;
Mais attendu que c'est par une exacte application des articles 10 et 148-1 de la loi du 25 janvier 1985 que la cour d'appel a énoncé que le représentant des salariés n'est désigné, en cas de liquidation judiciaire sans période d'observation, qu'après l'ouverture de la liquidation judiciaire ; que M. Y... ne peut prétendre à l'annulation du jugement au motif de l'absence de sa convocation à l'audience ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... fait enfin le même grief à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il appartient au juge de privilégier les mesures permettant la sauvegarde de l'entreprise, le maintien de l'activité et des emplois ; que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire sans phase d'observation ne peut être prononcée que lorsque l'entreprise a cessé toute activité ou que le redressement est manifestement impossible ; qu'en affirmant que l'appel du représentant des salariés ne pouvait tendre à imposer à la société débitrice un redressement par voie de continuation alors qu'elle souhaitait une liquidation, la cour d'appel a méconnu la portée de l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985 et l'a violé ;
et alors, d'autre part, qu'en déduisant du seul fait que le passif exigible de l'entreprise est supérieur à l'actif disponible que les possibilités de redressement sont inexistantes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985 et l'a violé ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motif non attaqué que M. Y... ne fait état d'aucun projet de redressement par voie de cession et que le redressement par la voie d'un plan de continuation n'est pas possible puisqu'il ne peut être imposé à la société ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et celle de M. X..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille.