AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. François Z...,
2 / Mme Karine X..., épouse Z...,
demeurant ensemble 8, rue du président Favre, 74000 Annecy,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 juin 1997 par la cour d'appel d'Orléans (chambre civile, 1re section), au profit :
1 / de M. Jean-Paul Y..., agissant en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Tradi 45, domicilié ... Orléans,
2 / du Procureur général près de la cour d'Appel d'Orléans, ...,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 janvier 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. Z... et de Mme X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Orléans, 19 juin 1997), qu'à la suite de la mise en redressement et liquidation judiciaires, par jugement du 26 juin 1991, de la société Tradi 45, qui exerçait une activité de vente de maisons individuelles, la faillite personnelle de M. Z... et de Mme X..., gérants de la société, a été prononcée pour une durée de quinze ans ;
Attendu que M. Z... et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir prononcé leur faillite personnelle en application des articles 189.5 et 182.4 de la loi du 25 janvier 1985, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cessation des paiements est caractérisée par l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ;
que la cour d'appel a retenu que la société Tradi 45 était en état de cessation des paiements très certainement dès les premiers jours de janvier 1991 en se fondant uniquement sur le bilan du 31 décembre 1990 et les pertes réalisées au cours des exercices 1989 et 1990 ; qu'en statuant ainsi sans caractériser à cette date l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 189-5) de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, que la preuve de la cessation des paiements incombe à celui qui l'invoque ; que lorsque le Tribunal se saisit d'office, il lui incombe d'établir les faits constitutifs de la cessation des paiements ; qu'en retenant par motifs adoptés que ''dans ces conditions alors d'ailleurs que le débiteur ne fournit aucun élément comptable sur la situation comptable au 26 juin 1991 que l'état de cessation des paiements était caractérisé bien avant cette date et très certainement dans les premiers jours de janvier 1991", la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et 189.5) de la loi du 25 janvier 1985 ;
alors, de troisième part, que la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire dans l'intérêt personnel du dirigeant suppose que ce dernier maintienne l'activité tout en ayant conscience que cela ne peut mener qu'à la faillite ; qu'il résulte des constatations de I'arrêt attaqué que le budget prévisionnel établi par la Fiduciaire de France le 15 mai 1990 prévoyait un résultat bénéficiaire pour 1990 et 1991 et que les gérants n'ont eu connaissance du bilan pour l'année 1990 qu'à la fin du premier trimestre 1991 ; qu'en retenant néanmoins que les gérants ne pouvaient pas ne pas avoir eu conscience de la situation déficitaire de la société Tradi 45 avant 1991 au seul motif que le budget prévisionnel les avertissait des efforts à poursuivre, la cour d'appel n'a pas caractérisé le fait pour les gérants d'avoir sciemment poursuivi l'exploitation déficitaire privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1824 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, de quatrième part, que la poursuite abusive d'une activité déficitaire doit avoir lieu dans l'intérêt personnel du dirigeant ; que n'est pas caractérisé l'intérêt personnel du dirigeant à poursuivre une activité déficitaire lorsque la rémunération perçue par ce dernier n'est pas démesurée par rapport aux fonctions occupées ; qu'en retenant que l'intérêt personnel était établi par le versement de rémunérations non négligeables sans rechercher si celles-ci n'étaient pas justifiées par les fonctions occupées par M. Z... et Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 182.4 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que les dirigeants faisaient valoir dans leurs conclusions qu'ils avaient abandonné le montant de leurs rémunérations sur leur compte-courant de sorte qu'aucun intérêt personnel ne pouvait être retenu à leur encontre ;
qu'en ne répondant pas à ce chef précis de conclusions propre à écarter leur condamnation, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la société Tradi 45 avait avancé, en pure perte, une somme de 1 000 000 francs à une autre société et que son exploitation avait entraîné des pertes de 406 547 francs pour l'exercice 1989 et de 3 854 983 francs pour l'exercice 1990, la cour d'appel a relevé que les deux gérants avaient continué à se rémunérer pour un montant non négligeable jusqu'à l'époque de la déclaration de la cessation des paiements constatée en juin 1991 ; que par ces seuls motifs, peu important que le salaire attribué ait été maintenu en compte courant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 182.4 , de la loi du 25 janvier 1985 ;
que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille.