AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois février deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA ET MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'assises des YVELINES, en date du 24 juin 1999, qui, pour viols aggravés et délits connexes, l'a condamné à 15 ans de réclusion criminelle et à 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation, des articles 222-23 et 222-27 du Code pénal, 331 et 332 de l'ancien Code pénal, 349 du Code de procédure pénale, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions n° 1, 4 et 6 ainsi libellées :
- question n° 1 : "l'accusé X... est-il coupable d'avoir dans le département des Yvelines et sur le territoire national de courant 1985 au 12 mai 1990, commis des actes de pénétration sexuelle de quelque nature qu'ils soient par violence, contrainte ou surprise sur la personne de Y... ? "
- question n° 4 : "l'accusé X... est-il coupable d'avoir dans le département des Yvelines et sur le territoire national du 13 mai 1990 au 1er février 1992, commis des actes de pénétration sexuelle de quelque nature qu'ils soient par violence, contrainte ou surprise sur la personne de Y... ? "
- question n° 6 : "l'accusé X... est-il coupable d'avoir dans le département des Yvelines et sur le territoire national de courant 1982 à courant 1985, commis des attentats à la pudeur sur la personne de Y..., mineure de 15 ans, comme étant née le 13 mai 1975 ?" ;
"alors que de telles questions sont entachées de complexité prohibée dès lors que des actes distincts et nécessairement indépendants de viols et d'attentats à la pudeur, commis par un même accusé sur une même personne mais dans des circonstances de temps différentes, ne peuvent être considérés a priori comme commis dans les mêmes conditions ;
"alors que le droit au procès équitable implique le droit pour l'accusé à ce que la Cour et le jury soient interrogés de façon détaillée sur la cause de l'accusation, ce qui exclut absolument que leur soient soumises des questions complexes, y compris dans le cas où celles-ci pouvaient se rapporter à des actes répétés de même nature commis par un même accusé sur une même victime" ;
Attendu que les questions critiquées n'encourent pas le grief invoqué, dès lors qu'elles portent sur des actes de même nature, qui, bien que multiples et distincts, ont été commis, pendant une période de temps déterminée, sur une même victime par le même accusé, dans les mêmes conditions et qu'elles entraînent les mêmes conséquences pénales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 222-24 et 222-30 du Code pénal, 331 et 332 de l'ancien Code pénal, 349 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la Cour et le jury ont répondu affirmativement aux questions n° 3, 5 et 8 les interrogeant sur le point de savoir si, à la date des viols spécifiés aux questions n° 1 et 4 et à la date des attentats à la pudeur spécifiés à la question n° 6, "X... avait autorité sur Y... comme étant le concubin de sa mère avec laquelle il vivait" ;
"alors que l'autorité du concubin de la mère de la victime sur la victime d'un viol ou d'un attentat à la pudeur, autorité qui ne peut être qu'une autorité de fait, n'est caractérisée qu'autant qu'est constatée la communauté d'habitation de l'accusé avec la victime, laquelle ne se confond pas avec la communauté d'habitation avec la mère de celle-ci" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 349, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la Cour et le jury ont répondu affirmativement à la question n° 6 ainsi libellé :
"l'accusé X... est-il coupable d'avoir dans le département des Yvelines et sur le territoire national de courant 1982 à courant 1985 commis des attentats à la pudeur sur la personne de Y..., mineure de 15 ans, comme étant née le 13 mai 1975 ?" ;
"alors que les questions doivent être rédigées en fait et non en droit et que la question susvisée qui vise les "attentats à la pudeur" c'est-à-dire une qualification juridique sans préciser in concreto en quoi ont consisté les agissements prétendus de l'accusé envers la victime, ne permet pas de justifier la décision de condamnation attaquée" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que la peine prononcée, de 15 ans de réclusion criminelle, trouvant son seul support légal dans les réponses affirmatives de la Cour et du jury aux questions 1 et 2 régulièrement posées, qui ont déclaré l'accusé coupable de viols commis sur une mineure de 15 ans, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens critiquant les questions 3 , 5 et 8 relatives à l'autorité de l'auteur de la victime et la question 6 relative au délit d'attentat à la pudeur ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1 et 112-2 du Code pénal, 42 de l'ancien Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de X... la peine de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille en application des dispositions de l'article 131-26 du Code pénal ;
"alors que peuvent seules être prononcées des peines légalement applicables à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ; que les faits dont X... a été déclaré coupable étaient tous antérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal et qu'il en résulte que l'interdiction du droit de représenter ou d'assister une partie devant la justice, qui n'était pas prévue par l'article 42 ancien du Code pénal, ne pouvait être prononcée à son encontre" ;
Attendu que c'est à bon droit que, faisant application des articles 222-23 et 222-45 du Code pénal, la cour d'assises a prononcé pour une durée de 10 ans l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue par l'article 131-26 du même Code ;
Qu'en effet, aux termes de l'article 112-1 dudit Code, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;
Que tel est le cas de l'article 222-45 du Code pénal prévoyant seulement la peine complémentaire facultative de l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour les personnes coupables notamment du crime de viol, alors que selon les dispositions combinées des articles 28, 34 et 463 du Code pénal applicables au moment des faits, toute condamnation à une peine criminelle emportait la dégradation civique, cette peine n'ayant un caractère facultatif que dans les hypothèses où une peine correctionnelle était prononcée pour des faits qualifiés crime par la loi ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;