AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois février deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de COLMAR, en date du 22 avril 1999, qui a confirmé l'ordonnance, rendue par le juge d'instruction, refusant d'informer sur sa plainte déposée du chef de faux ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1 du Code de procédure pénale, en vertu duquel le pourvoi est recevable ;
Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;
Sur la recevabilité du mémoire personnel ;
Attendu que ce mémoire, qui émane d'un demandeur non condamné pénalement, n'a pas été déposé au greffe de la chambre d'accusation, mais a été transmis directement à la Cour de Cassation, sans le ministère d'un avocat en ladite Cour ;
Que, dès lors, ne répondant pas aux exigences de l'article 584 du Code de procédure pénale, il ne saisit pas la Cour de Cassation des moyens qu'il pourrait contenir et doit être déclaré irrecevable ;
Sur le mémoire ampliatif ;
Sur le moyen unique du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 1351 du Code civil, 480 du nouveau Code de procédure civile, 6 alinéa 1er, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé une ordonnance de refus d'informer rendue le 17 novembre 1988 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Colmar, sur la plainte avec constitution de partie civile de X... du chef de faux en écriture, dirigée contre le président de la cour d'assises du Haut Rhin et la greffière de cette juridiction ;
"aux motifs que le 13 juillet 1998, X... déposait plainte avec constitution de partie civile du chef de faux à l'encontre de Dominique Brodart, présidente de la cour d'assises du Haut-Rhin, ainsi qu'à l'encontre de la greffière de cette juridiction, au motif que des incidents d'audience n'ont pas été portés au procès-verbal des débats de la cour d'assises du Haut-Rhin qui l'a condamné le 13 novembre 1996 à 19 années de réclusion criminelle pour viols sur mineure de 15 ans ; que par ordonnance du 17 novembre 1988, conforme aux réquisitions du parquet, le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Colmar, a en application de l'article 6.1 du Code de procédure pénale, refusé d'informer sur cette plainte, dès lors que l'arrêt de la cour d'assises était devenu définitif du fait du rejet du pourvoi en cassation le 12 novembre 1997 ; qu'il se prévaut des dispositions de l'article 86 du Code de procédure pénale et soutient que le refus d'informer ne peut être fondé sur un examen abstrait, ni sur des éléments de pur fait qu'il appartient à l'information de vérifier ; qu'il conclut à l'infirmation de l'ordonnance et demande que le dossier soit renvoyé à un juge d'instruction hors du ressort de la cour d'appel de Colmar ;
que M. le procureur général, reprenant la motivation de l'ordonnance entreprise, conclut à sa confirmation ; que le droit de se constituer partie civile devant le juge d'instruction dans les termes de l'article 85 du Code de procédure pénale est subordonné à la condition que les faits dénoncés soient susceptibles de poursuites pénales ; qu'en l'espèce, l'allégation de faux visant le procès-verbal de l'audience du 13 novembre 1996 de la cour d'assises du Haut-Rhin serait constitutive d'une irrégularité de procédure qui en application de l'article 6.1 du Code de procédure pénale devrait être constatée préalablement à la poursuite du prétendu crime ou délit de faux ; que la Cour de Cassation a, par arrêt du 12 novembre 1997, rejeté le pourvoi formé par X... écartant ainsi toute possibilité légale de constater encore un vice de procédure affectant l'arrêt de la cour d'assises et les débats judiciaires qui l'ont précédé ; qu'en conséquence, en présence de cet obstacle juridique à l'exercice de l'action publique, c'est à bon droit que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer ;
"1) alors que l'autorité de la chose jugée du criminel sur le criminel ne s'attache qu'aux décisions qui ont tranché un litige ayant le même objet et la même cause entre les mêmes parties ;
qu'en opposant néanmoins l'autorité de la chose jugée d'une décision de rejet de la Cour de Cassation, rendue sur le pourvoi de X... formé à l'encontre d'un arrêt de la cour d'assises, à une plainte du chef de faux en écriture dirigée contre une partie différente de celle partie à la précédente procédure, dans une instance différente par son objet et sa cause de cette dernière, la chambre d'accusation a violé les textes visés au moyen ;
"2) alors que les constatations de fait des juges répressifs doivent permettre à la Cour de Cassation d'apprécier la valeur du moyen tiré de l'autorité de la chose jugée ; qu'en opposant néanmoins abstraitement l'autorité de la chose jugée, sans constater en fait que les deux procédures avaient le même objet et la même cause et mettaient en scène les mêmes parties, la chambre d'accusation n'a pas mis en mesure la Cour de Cassation d'exercer son contrôle" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X... a déposé plainte avec constitution de partie civile du chef de faux à l'encontre du président et d'un greffier de la cour d'assises du Haut-Rhin qui l'avait condamné, par arrêt du 13 novembre 1996, à 19 ans de réclusion criminelle pour viols aggravés ; qu'il alléguait une omission délibérée de noter, sur le procès-verbal des débats, les incidents d'audience ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance refusant d'informer sur ladite plainte, les juges retiennent que l'arrêt de la Cour de Cassation, en date du 12 novembre 1997, rejetant son pourvoi formé contre l'arrêt précité de la cour d'assises, a écarté toute possibilité légale de constater un vice affectant la procédure devant cette dernière juridiction ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision au regard de l'article 6.1 du Code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Cotte ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;