AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Edouard H..., demeurant Sicap Liverte 2, ..., et encore S/c X... France, ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 juin 1996 par la cour d'appel de Paris (1re Chambre civile, Section C), au profit du procureur général, domicilié en son Parquet au Palais de Justice, ...,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 février 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Ancel, conseiller rapporteur, MM. G..., Y..., D..., C..., A..., F...
B..., MM. E..., Sempère, Bargue, Pluyette, conseillers, Mmes Z..., Girard, Cassuto-Teytaud, Verdun, Catry, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ancel, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. H..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens, réunis et pris en leurs diverses branches :
Attendu que M. H..., originaire du Sénégal et se trouvant, lors de l'indépendance de ce pays, le 20 juin 1960, dans l'Armée française, fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 1996) d'avoir refusé de lui reconnaître le bénéfice de la conservation de la nationalité française, par une fausse application de l'article 78 du Code de la nationalité française, et par la mise en oeuvre d'une disposition législative à effet rétroactif, en violation de la règle de non-rétroactivité de la loi et des principes de prééminence du droit, de la notion de procès équitable et de l'indépendance de l'autorité judiciaire face à une ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice, la disposition critiquée ayant pour seul but de modifier le cours de la justice ; que, de même, la décision attaquée serait contraire au principe de non-discrimination consacré par le Pacte de New York du 19 décembre 1966, ce qui caractériserait également une violation de l'article 64 de la Constitution ;
Mais attendu que l'intervention du législateur, lequel n'est pas lié par l'article 2 du Code civil, n'a eu pour objet, dans l'exercice de sa fonction normative, que de modifier une jurisprudence et n'a pas eu pour but d'influer sur le dénouement judiciaire du présent litige qui, d'ailleurs, est postérieur à la loi en cause ;
Attendu, ensuite, que la détermination, par un Etat, de ses nationaux, par application de la loi sur la nationalité, ne peut constituer une discrimination au sens du Pacte de New York du 19 décembre 1966 sur les droits civils et politiques ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel a exactement fait application de l'article 43 de la loi du 22 juillet 1993, interprétatif de l'article 78 du Code de la nationalité française, et donc d'effet rétroactif, pour décider que la présence de M. H... dans l'Armée française n'était pas de nature à lui ouvrir droit à la conservation de la nationalité française ; que l'arrêt attaqué retient que M. H... ne produit aucun élément de preuve de l'établissement, à la date de l'indépendance du Sénégal, d'un domicile de nationalité, son lieu de garnison ne constituant pas un domicile au sens du droit de la nationalité, caractérisé par un établissement stable et permanent, coïncidant avec le centre de ses occupations et ses attaches familiales ;
Qu'aucun des moyens du pourvoi ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille.