AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X..., agissant en sa qualité de la liquidation judiciaire de la société Trameta, demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 novembre 1996 par la cour d'appel de Caen (1ere chambre civile et commerciale), au profit de la société Batiroc Normandie, dont le siège social est ... aux Malades, 76135 Mont Saint-Aignan Cedex,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 janvier 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, M. Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Batiroc Normandie, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Caen, 21 novembre 1996), que l'administrateur du redressement judiciaire de la société Trameta a informé, le 16 mars 1994, la société Batiroc Normandie (Batiroc) qu'il n'entendait pas poursuivre le contrat de crédit-bail immobilier conclu avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Trameta, la société Batiroc a assigné le liquidateur judiciaire en paiement de diverses indemnités et charges ;
Attendu que le liquidateur judiciaire de la société Trameta reproche à l'arrêt d'avoir accueilli, pour partie, ces demandes alors, selon le pourvoi, d'une part, que la renonciation de l'administrateur à la poursuite d'un contrat en cours n'entraîne pas, par elle-même, la résiliation de la convention à son initiative ; qu'en énonçant que la non-poursuite du contrat par le liquidateur judiciaire, le 16 mars 1994, devait être assimilée à une résiliation unilatérale du contrat de crédit-bail justifiant l'application de l'article 23-3 du contrat de crédit-bail aux termes duquel, dans l'hypothèse où le preneur continuerait à occuper les lieux postérieurement à la date de résiliation du bail, il serait alors redevable en qualité d'occupant précaire des mêmes loyers que ceux prévus au bail et ceci, jusqu'à la date de restitution des lieux, la cour d'appel a violé l'article 37, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1995, ainsi que l'article 1134 du Code civil ;
et alors, d'autre part, qu'à la suite de la décision de l'administrateur de renoncer à la poursuite du contrat en cours, il appartient au cocontractant de demander au juge de prononcer la résiliation judiciaire du contrat ;
qu'en cas d'inaction du cocontractant, ce dernier ne peut prétendre à la réparation du préjudice subi du fait de la persistance de l'occupation des lieux, sauf à démontrer une faute distincte commise par l'administrateur du redressement judiciaire ; qu'en fixant le montant de l'indemnité d'occupation par référence aux loyers jusqu'alors acquittés par la société Trameta, placée depuis en liquidation judiciaire, et en mettant à la charge du liquidateur judiciaire le montant de la taxe foncière pour l'année 1994, sans constater que la société Batiroc aurait agi judiciairement aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail, et sans rechercher, bien qu'y ayant été invitée, si la société Batiroc avait été en mesure de justifier d'un préjudice distinct de la seule continuation du contrat, et imputable au liquidateur judiciaire, de nature à justifier la fixation du montant de l'indemnité par référence aux loyers jusqu'alors acquittés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 37, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994 ;
Mais attendu qu'en présence de la décision de l'administrateur du redressement judiciaire qui avait informé, le 16 mars 1994, la société Batiroc qu'il renonçait à la poursuite du contrat de crédit-bail immobilier, et de la demande de cette dernière société tendant au paiement d'une indemnité d'occupation, le liquidateur judiciaire de la société Trameta a admis, dans ses conclusions d'appel, qu'il n'entendait pas contester le principe du règlement d'une indemnité d'occupation et soutenu que le montant de cette indemnité devait être indépendant du montant du loyer que le preneur acquittait ; qu'ayant ainsi reconnu, en sa qualité de représentant légal de la société Trameta, que le contrat se trouvait résilié, il est irrecevable à soutenir devant la Cour de Cassation, pour critiquer la décision qui a fixé le préjudice né de l'occupation des lieux en dépit de cette résiliation, un moyen incompatible avec ses précédentes écritures ; que le moyen est irrecevable en ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Batiroc Normandie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille.