AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Comte Bernard Campocasso, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 février 1996 par la cour d'appel de Montpellier (2eme ch b), au profit de la société Onezime, société anonyme, dont le siège est "La Tour Saint-Benoît", 83200 Moissac,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 janvier 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Vigneron, conseiller rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Comte Bernard Campocasso, de Me Bernard Hemery, avocat de la société Onezime, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 13 février 1996), que la société Onezime a vendu des pommes à la société Comte Bernard Campocasso (société CBC) ; que la société Onezime a assigné la société CBC en paiement du prix de cette marchandise ; que la société CBC, prétendant être créancière de la société Onezime au titre de commissions et de frais sur cette opération, a sollicité la désignation d'un expert aux fins d'établir le compte des parties ;
Attendu que la société CBC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en désignation d'un expert et d'avoir accueilli la demande de la société Onezime, alors, selon le pourvoi, d'une part, que seule la carence de la partie dans l'administration de la preuve lui incombant est de nature à justifier le refus d'ordonner une mesure d'instruction ; qu'en déboutant la société CBC de sa demande en désignation d'expert en vue de l'apurement des comptes entre les litigants, pour l'unique raison qu'il lui aurait appartenu de "présenter elle-même les renseignements et justificatifs propres à établir l'existence et le montant de sa créance", cela après avoir pourtant constaté qu'elle avait versé aux débats des documents de nature à faire la preuve des frais et des commissions dont la société Onezime restait redevable à son égard, la cour d'appel a violé l'article 146 du nouveau Code de procédure civile ; et, d'autre part, que nul ne peut se constituer de titre à soi-même ; qu'en faisant droit à la demande en paiement pour le montant réclamé par cela seul qu'il résultait des factures produites qu'aucune commission n'était due à l'exportateur, se fondant ainsi sur des documents de preuve établis unilatéralement par le négociant en sa faveur, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant constaté que la société CBC se bornait à produire aux débats ses notes de commission et de débit et retenu qu'elle devait être en mesure de présenter elle-même les renseignements et justificatifs propres à établir l'existence de sa créance, a fait l'exacte application des dispositions de l'article 146, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; qu'ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, la cour d'appel a justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Comte Bernard Campocasso aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société CBC à payer à la société Onezime la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille.