AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit janvier deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de Me HEMERY, de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE et de la société civile professionnelle COUTARD et MAYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA COMPAGNIE D'ASSURANCES LE CONTINENT, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20ème chambre, en date du 8 janvier 1999, qui, dans la procédure suivie contre Nathalie X..., notamment pour homicide et blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1134, 1988 du Code civil, L. 112-2, L. 530-2, R. 211-14, R. 211-15, R. 211-17, L. 530-2-1 et suivants du Code des assurances, 385-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation de la loi ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la décision opposable à la compagnie Le Continent et mis hors de cause le FGA ;
" aux motifs que, " sur la demande de mise hors de cause de la compagnie d'assurance " Le Continent ", la compagnie d'assurance refuse de prendre en charge le sinistre, au motif qu'aucun contrat n'existe au nom d'Henri X..., le courtier n'ayant pas fait suivre la proposition d'assurance au siège de la société ; à juste titre sur la forme, le tribunal a observé qu'Henri X... était, à la date de l'accident (10 mars 1997), en possession d'une attestation valable du 1er octobre 1996 au 1er avril 1997 pour le véhicule considéré, comportant les mentions prévues par les dispositions de l'article R. 211-15 du Code des assurances, de nature à entraîner une présomption d'assurance (un numéro de contrat fût-t-il inopérant, selon le Continent, figurant bien à la rubrique prévue à cet effet, la mention SDF pour un forain itinérant n'apparaissant pas de nature à la faire tomber) ;
" que, sur le fond, si le courtier a failli, comme il le reconnaît, dans ses relations contractuelles avec la compagnie Le Continent, il n'en demeure pas moins que cette dernière, en lui remettant des attestations imprimées à son en-tête, reconnaissait à ce dernier le droit d'établir des contrats à son nom de nature à engager sa garantie ; qu'en l'espèce, Henri X..., forain, pouvait avoir la croyance légitime que celui-ci engageait valablement la compagnie au nom de laquelle il lui avait délivré une attestation, et les circonstances de cette délivrance (horodatage d'une proposition fin août 1996, délivrance d'une carte verte provisoire, délivrance d'une carte verte pour la période considérée à la réception des documents demandés) (cf : conclusions Le Continent et correspondances courtier versées aux débats) le dispensaient de vérifier, en l'occurrence, les limites des pouvoirs de ce courtier ; que c'est à juste titre que le tribunal a déclaré la compagnie Le Continent tenue à garantie " (arrêt page 13) ;
" 1/ alors que seule la police ou la note de couverture constate l'engagement de l'assuré et de l'assureur, l'attestation d'assurance créant seulement une présomption d'assurance qui tombe face à la preuve contraire ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'aucun contrat d'assurance n'a jamais été conclu entre Henri X... et la compagnie Le Continent et que l'attestation d'assurance produite par Henri X... comportait un numéro inopérant et ne mentionnait pas son adresse ;
qu'en affirmant, dès lors, que la compagnie Le Continent était tenue à garantie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
" 2/ alors que, pour retenir la théorie du mandat apparent, les juges du fond devaient caractériser en quoi l'horodatage d'une proposition fin août 1996, la délivrance d'une carte verte provisoire, la délivrance d'une carte verte pour la période du 1er octobre 1996 au 1er avril 1997 autorisaient Henri X... à croire légitimement qu'il avait régulièrement conclu un contrat avec la compagnie Le Continent, alors qu'il est constant que la carte verte remise par le courtier rappelle simplement le numéro de la carte verte imprimée et qu'elle ne mentionne pas le domicile du souscripteur, qu'Henri X... savait qu'il n'avait jamais signé aucun document ni, a fortiori, aucun contrat d'assurance avec la compagnie Le Continent, qu'il n'avait payé aucune prime, et qu'il avait déjà donné auparavant mandat au courtier de trouver une compagnie pour assurer son véhicule, ce qui fut fait auprès des Mutuelles du Mans, en sorte qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si, compte tenu de ces circonstances, celui-ci ne connaissait pas, dès l'origine, les pouvoirs exacts du courtier, et savait que son mandataire ne représentait aucune des compagnies avec lesquelles il lui proposait de conclure, et n'avait pas parfaitement conscience que le numéro porté sur la carte verte ne pouvait être celui d'un contrat, puisqu'il n'en avait rempli ni signé aucun " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un accident survenu le 10 mars 1997, alors qu'elle conduisait un véhicule automobile appartenant à son père, Nathalie X... a, par un jugement devenu définitif à son égard, été déclarée coupable d'homicide et blessures involontaires et tenue à réparation intégrale des conséquences dommageables de l'accident ;
Que la compagnie d'assurances Le Continent, appelée en cause, a dénié sa garantie, en faisant valoir que la proposition d'assurance rédigée par le courtier n'a pas été signée et ne lui a pas été transmise ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation et confirmer la décision des premiers juges déclarant le jugement opposable à la compagnie Le Continent, la juridiction du second degré constate qu'Henri X... est en possession, pour le véhicule considéré, d'une attestation d'assurance valable du 1er octobre 1996 au 1er avril 1997 et comportant les mentions prévues par l'article R. 211-15 du Code des assurances, et relève que la mention SDF, dès lors que le souscripteur est un forain itinérant, n'est pas de nature à priver d'effet ce document et qu'il n'importe que le numéro de contrat soit inopérant ;
Qu'elle ajoute que la compagnie Le Continent, en remettant au courtier des attestations imprimées à son nom, lui a reconnu le droit d'établir des contrats de nature à engager sa garantie, et qu'Henri X..., à qui le courtier a délivré successivement une carte verte provisoire et une carte verte pour la période considérée, " pouvait avoir la croyance légitime que celui-ci engageait valablement la compagnie au nom de laquelle il lui avait délivré une attestation " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la compagnie Le Continent n'a pas détruit par la preuve contraire la présomption d'assurance découlant de la délivrance d'une attestation d'assurance en vertu de l'article R. 211-17 du Code des assurances, la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Roman conseiller rapporteur, M. Mistral conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;