AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit janvier deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de Me BOUTHORS, et de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Simone, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 7 décembre 1998, qui, pour homicide involontaire avec conduite sous l'empire d'un état alcoolique et défaut de maîtrise, l'a condamnée à 18 mois d'emprisonnement dont 15 mois avec sursis et 1 500 francs d'amende, à constaté l'annulation de son permis de conduire et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 à 221-10 du Code pénal, 1382 et suivants du Code civil, R. 11-1 du Code de la route, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré Simone X..., épouse Y..., coupable d'homicide involontaire sous l'empire d'un état alcoolique sur la personne de Vincent A... ;
" aux motifs que la Cour relève que l'apposition du panneau " sens interdit " à l'entrée de la rue que s'apprêtait à emprunter le jeune A... ne dispensait pas Simone X... d'être vigilante ; que, sur la route sur laquelle elle circulait à proximité de ladite intersection était en effet apposé un panneau signalant l'interdiction de tourner à gauche " sauf pour riverains " et que, dans ces conditions, la manoeuvre de conversion sur la gauche opérée par le jeune Vincent A... n'était pas en soi imprévisible ; qu'il résulte de témoignages de Jacqueline Z... et du jeune B..., qui circulait à vélo à une dizaine de mètres derrière son camarade, que le jeune Vincent A..., même s'il n'a pas manifesté son intention de tourner à gauche, avait déjà entrepris sa manoeuvre et se trouvait déjà déporté vers l'axe médian lorsque Simone X... a entrepris le dépassement des deux cyclistes ; que leurs déclarations sont corroborées par le fait que Simone X... a percuté le vélo avec l'avant droit du véhicule écrasant les roues arrière et avant, la selle et la fourche du vélo en roulant dessus, et par les propos de Jacqueline Z... qui, voyant le jeune Vincent A... opérer sa manoeuvre, lui a dit de freiner alors qu'elle avait entrepris le dépassement des deux cyclistes ; que la violence du choc, l'importance des dégâts occasionnés sur la voiture et le vélo, la distance à laquelle le jeune Vincent A..., après avoir été projeté en l'air, est retombé sur la chaussée par rapport au point de choc (15 mètres) comme l'absence de traces de freinage et la distance parcourue par Simone X... pour immobiliser le véhicule démontrent incontestablement que celle-ci circulait à une vitesse élevée et en tout cas très excessive au regard de l'incapacité dans laquelle elle se trouvait de maîtriser la vitesse du véhicule dont elle ne connaissait ni le changement de rapport de
vitesse ni le système de freinage, alors qu'elle aurait pu, si elle avait maîtrisé la conduite de ce véhicule, en l'absence de toute voiture venant en face, emprunter la partie gauche de la chaussée pour terminer le dépassement entrepris ; qu'en omettant d'adapter la vitesse du véhicule, dont elle n'avait pas la maîtrise, aux difficultés de la circulation et aux obstacles prévisibles, alors que l'article R. 11-1 du Code de la route lui imposait de la réduire à l'occasion du dépassement des cyclistes et que de surcroît, il n'était pas imprévisible que les cyclistes puissent emprunter cette route demeurée autorisée aux riverains, Simone X... a bien à l'occasion de la conduite de ce véhicule, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, causé la mort de Vincent A..., avec la circonstance d'être sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par la présence d'un taux d'alcool pur de 1, 21 milligramme par litre d'air expiré ; qu'en effet, à cet égard, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal et aux prétentions de la prévenue, les vérifications de son taux d'alcoolémie opérées à 3 reprises à l'aide de l'éthylomètre dans des conditions régulières sont à elles seules suffisantes pour établir que l'intéressée conduisait le véhicule sous l'empire d'un état alcoolique ; que le fait qu'elle n'ait pu souffler suffisamment dans l'appareil n'est pas de nature à fausser les résultats obtenus qui constituent des taux " minimum " à chaque fois répréhensibles ;
qu'en conséquence, la Cour, infirmant partiellement le jugement déféré, déclarera Simone X... coupable des faits reprochés dans les termes visés à la prévention (arrêt p. 12 à 14) ;
1) " alors que, d'une part, il résulte des propres constatations de la cour d'appel comme des procès verbaux de constat de gendarmerie et des éléments de la cause, que, d'une part, la faute déterminante de l'accident est celle de la victime, dont personne ne conteste qu'elle s'est déportée au milieu de la route sans signaler son changement de direction pour emprunter une voie normalement en sens interdit et que, d'autre part, Simone Y... roulait à 50 kms/ heure lors de la collision ; qu'ainsi, en condamnant d'une peine d'emprisonnement en partie ferme Simone Y..., laquelle serait la seule responsable de l'accident pour avoir seulement manqué de " vigilance ", la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles susvisés ;
2) " alors que, d'autre part, il n'a été ni reproché ni verbalisé à l'encontre de Simone Y... aucune infraction précise aux règlements du Code de la route lors de la collision ; que, dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation à son encontre sans caractériser de façon circonstanciée la prétendue faute d'absence de vigilance qui lui serait reprochée, alors qu'il est acquis qu'elle roulait à 50kms/ heure et avait le droit de dépasser les cyclistes se trouvant sur la route ;
que, faute d'avoir procédé à une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, le délit et la contravention dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné une prévenue, Simone X..., épouse Y..., déclarée coupable d'homicide involontaire sous l'empire d'un état alcoolique sur la personne de Vincent A..., à une peine d'emprisonnement partiellement sans sursis et d'amende ;
" aux motifs qu'au vu des circonstances de la cause, de la gravité des faits et des renseignements recueillis sur la personnalité de la prévenue, la Cour condamnera Simone X... à la peine de 18 mois d'emprisonnement dont 15 mois avec sursis et confirmera l'amende prononcée pour la contravention ; que la Cour confirmera également le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du permis de conduire de Simone X... mais elle lui fera interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant 3 ans (arrêt p. 14) ;
" alors que les juges ne peuvent prononcer une peine sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; qu'en se fondant sur des considérations générales et non circonstanciées au plan matériel comme au plan personnel pour prononcer une peine pour partie ferme à l'encontre de Simone Y..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;
Attendu qu'après avoir déclaré Simone X... coupable d'homicide involontaire à l'occasion de la conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, l'arrêt attaqué énonce, par une motivation spécialement consacrée à la peine, qu'au vu des circonstances de la cause, de la gravité de l'infraction et de la personnalité de la prévenue, celle-ci doit être sanctionnée d'une peine d'emprisonnement pour partie sans sursis ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations répondant aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;