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11/01/2000 | FRANCE | N°98-87936

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 2000, 98-87936


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mil, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle GATINEAU, et de Me JACOUPY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- I... Daniel,

- Z...Aurèle,

contre l'arr

êt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 13 octobre 1998, qui les a condamnés, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mil, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle GATINEAU, et de Me JACOUPY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- I... Daniel,

- Z...Aurèle,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 13 octobre 1998, qui les a condamnés, pour homicide involontaire, à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 20 000 francs d'amende, et a prononcé sur l'action civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Daniel I..., pris de la violation des articles 498, 500, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué n'indique pas à quelle date le ministère public à interjeté appel ;

" alors que l'appel doit être interjeté dans les dix jours du prononcé du jugement, sous réserve d'un délai supplémentaire de cinq jours en cas d'appel incident ; qu'en négligeant d'indiquer la date à laquelle le ministère public a interjeté appel, ce qui ne permet pas de savoir si cet appel était recevable et par suite si la cour d'appel pouvait aggraver le sort du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'appel d'avoir déclaré recevable l'appel du ministère public sans préciser la date de cette déclaration, dès lors qu'il n'a pas contesté devant les juges la régularité de cet appel ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour Daniel I..., pris de la violation des articles 319 ancien et 221-6 nouveau du Code pénal, 2, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Daniel I... coupable d'homicide involontaire sur la personne de Marcel G... et l'a condamné à des sanctions pénales ainsi qu'à des réparations civiles ;

" aux motifs propres qu'aux termes d'un marché conclu en mars 1992, la société ANF Industrie chargeait la société Forclum de procéder à la suppression d'une ancienne sous-station électrique pour la remplacer par une nouvelle ; que les travaux devaient être effectués de manière à ne pas suspendre l'activité de ANF ; qu'en raison d'une surcharge de travail, Forclum (Daniel I...) décidait, sans en avertir ANF, de sous-traiter une partie des travaux qui lui avaient été confiés à la société France Câbles Services (Aurèle Z...) ; qu'en ce qui concerne les circonstances de l'accident, le 9 juin 1992, les ouvriers de France Câbles effectuaient des opérations de soudage de pattes support de câbles sous une ferme de toiture et pour ce faire utilisaient le pont roulant sur lequel était installé un plancher provisoire ; que, dans l'après-midi, l'électricien de la société Forclum, qui travaillait en liaison avec l'équipe des électriciens de la société France Câbles Services, s'apercevait qu'une gaine contenant des câbles électriques servant à l'alimentation en électricité du pont roulant vrillait et risquait d'entraîner la chute des câbles rendant ainsi le pont inutilisable ;

que c'est dans ces conditions que Marcel G..., qui venait de terminer sa journée de travail, montait sur les traverses du pont roulant sans se munir de harnais de sécurité et sans casque ;

qu'aucune ligne de vie ou moyen d'attache n'était d'ailleurs possible pour ce travail ; qu'alors que, couché sur une poutre à plus de sept mètres de haut en prenant appui sur un rail de guidage, il chutait sur le sol de l'atelier ; qu'il est certain que Marcel G... était sous l'autorité et la responsabilité de son employeur quoique son horaire de travail était dépassé lorsqu'il a répondu à la demande de Forclum ou pris lui-même l'initiative de monter sur le pont ; qu'il est certain aussi que les anomalies que Marcel G... se proposait de mettre en ordre étaient liées à son emploi d'électricien dans une zone sur laquelle ses collègues travaillaient ; que la cause de l'intervention de Marcel G... était donc en relation directe avec les travaux accomplis en sous-traitance par son employeur France Câbles ;

qu'en ce qui concerne les responsabilités, étant rappelé que les prévenus ne sont pas poursuivis pour infraction au Code du travail, il importe de rechercher s'ils ont ou non personnellement pris part à la réalisation de l'accident ; que l'enquête a révélé que Forclum avait sous-traité une partie des travaux que lui avait confiée ANF Industrie à l'insu de cette société et Aurèle Z...a expliqué à l'audience que c'était pour des " raisons commerciales " qu'ANF Industrie avait été tenue dans l'ignorance de cette sous-traitance ; que les circonstances de l'accident démontrent que cette clandestinité a eu pour résultat de priver les salariés de France Câbles de toute mesure de sécurité, notamment au niveau de la concertation entre cette entreprise extérieure et l'entreprise utilisatrice (ANF Industrie) : repérage des lieux, consignes de sécurité etc... ; que cette carence présentait d'autant plus de risques que les salariés de France Câbles travaillaient sur le pont roulant appartenant à ANF-et plus exactement sur une plate-forme de fortune placée sur le chariot du pont roulant-alors que le marché initial imposait à Forclum d'exécuter les travaux sans gêner l'activité d'ANF dont le propre matériel (donc le pont roulant aussi) devait rester disponible ; que Marcel G... est en partie décédé de cette carence puisqu'il est monté sur le pont roulant sans sécurité préalablement prévue pour remédier aux défectuosités liées à un travail dont son entreprise était chargé ; que la décision de laisser le maître de l'ouvrage dans l'ignorance de la sous-traitance, compte tenu de son importance, ne pouvait pas être prise par les ingénieurs Y... et A... ; que Daniel I... et Aurèle Z...doivent donc assumer la responsabilité de l'accident et être déclarés coupables du délit qui leur est reproché ;

" et aux motifs adoptés des premiers juges que Daniel I..., de la société Forclum, n'a pas respecté la législation sur les travaux en hauteur, ni procédé à une identification des risques, ni défini les mesures pour y remédier ; que la société Forclum se contente de mentionner, auprès d'ANF, après la visite du 5 mai 1992, les consignes à prévoir en matière de sécurité relatives au balisage du chantier et au " harnais de sécurité ", consignes qui n'ont jamais été suivies d'effet ; qu'ainsi, par exemple, M. D..., chef d'équipe de Forclum ne savait pas comment il aurait procédé pour attacher le câble avec le cordage ; qu'il ne ressort pas, en outre, du procès-verbal de cette visite, dénommé " d'ouverture de chantier " du 5 mai 1992, qu'une déclaration écrite de l'ouverture des travaux ait été adressée à l'inspection du travail, ni que le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ait été informé de la date d'inspection commune des lieux de travail par l'entreprise utilisatrice ANF et par l'entreprise intervenante Forclum ; qu'il apparaît bien que Daniel I... ait accepté tous les risques, connaissant la nécessité pour ANF de poursuivre son activité, ce qui justifiait le coût des travaux ; qu'il n'a, à aucun moment, émis une quelconque réserve sur le marché, ni à l'égard d'ANF, entreprise utilisatrice, ni à l'égard de France Câbles Services, société sous-traitante de Forclum ; que Daniel I... a reconnu avoir sous-traité avec France Câbles Services, sans en avertir la société ANF ; que ce faisant, il a failli à l'obligation qui incombait à la
société Forclum, en tant que société intervenante, de prendre alors l'initiative, du fait de la sous-traitance, de procéder à une identification des risques des travaux et des moyens d'y remédier, de concert avec l'entreprise France Câbles Services ; que Daniel I... a reçu une délégation de pouvoirs (D 47) le 14 avril 1988 de M. H..., directeur régional de Forclum, l'informant qu'il répondait " personnellement devant la loi des infractions commises sous l'empire de son autorité en matière de sécurité ", et de ce que sa mission comportait " le devoir de contrôler en permanence le respect des mesures de sécurité, en cas d'éventuelles délégations " ; que le fait qu'il ait lui-même délégué le 2 janvier 1990 ce pouvoir à M. A... (D 46) et à M. Y... (D 45) ne saurait le dégager de sa responsabilité ; que tous deux ingénieurs, le premier plus ancien encadrant le second, étaient " chargés d'affaires " ; que s'ils ont bien reçu des brochures sur les textes réglementaires en matière de sécurité, aucun d'entre eux n'a reçu de formation en la matière ; qu'à l'appui de sa demande d'exonération de responsabilité, Daniel I... ne démontre pas que les deux ingénieurs, MM. A... et Y..., étaient investis de la compétence et de l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur en matière de sécurité ;

que Daniel I... était, en réalité, bien lui-même responsable de la formation des personnels en matière de sécurité, qu'il était chargé de faire appliquer les règlements en la matière, de donner les consignes de sécurité, de fournir les équipements nécessaires aux chantiers ; qu'il résulte tant de l'enquête que des dégâts que toutes les mesures utiles pour que les règles de sécurité soient effectivement respectées n'ont pas été prises ; que la société Forclum n'a pas pris l'initiative de procéder à son tour à une déclaration d'ouverture de chantier avec la société France Câbles Services, quand elle a fait appel à elle en qualité de sous-traitante ;

que France Câbles Services, en la personne de Aurèle Z..., s'est également contenté de se référer au " procès-verbal d'ouverture de chantier " du 5 mai 1992 établi entre Forclum et ANF, en dépit de son caractère incomplet ; que Aurèle Z...n'a, à aucun moment, procédé à l'analyse des risques, ni à l'inspection commune des lieux avec Forclum ; qu'en réalité M. F..., un de ses employés, a simplement, avant d'exécuter la commande de Forclum, discuté dans les locaux de Forclum à Beuvrages, avec M. A... " le procès-verbal d'ouverture de chantier " établi précédemment entre Forclum et ANF, et ne s'est même pas rendu sur place pour visiter les locaux qu'il ne connaissait pourtant pas ; que Aurèle Z...a lui-même reconnu que les mesures de sécurité étaient insuffisantes ; qu'il ne peut être enfin reproché à Marcel G... d'avoir été imprudent, en intervenant sans protection ; qu'aucun équipement de protection tant individuel que collectif n'était mis à sa disposition, malgré sa demande ; qu'il résulte de l'enquête que M. D...de Forclum lui a demandé de procéder à la réparation de l'axe d'entraînement du câble, car il devait " libérer le pont en état de fonctionnement ce jour là " (D 1, D 4) ; qu'enfin, il apparaît que la visite médicale de Marcel G... du 27 juillet 1991, après son embauche à France Câbles Services, ne fait aucune mention de son aptitude à travailler en hauteur et qu'il n'a pas bénéficié de formation sur la sécurité ; que les prévenus ne sauraient, en conséquence, affirmer qu'il était " capable de prendre des mesures d'auto-protection " ; qu'en réalité, il s'avère qu'il travaillait pour la première fois en hauteur ;

qu'en fait, Marcel G... qui travaillait en équipe avec des intérimaires, MM. B..., J...et K... a fait preuve d'une grande conscience professionnelle ; que dans le même après-midi, divers incidents s'étaient produits ; que notamment, Marcel G... était intervenu vers 15 heures 30 pour dépanner ses collègues bloqués sur le chariot-treuil, M. D...de Forclum étant venu l'avertir, alors qu'il se trouvait dans la salle des compresseurs, que le bras solidaire entraînant la guirlande d'alimentation du chariot s'était déformé ; que pendant 40 minutes, Marcel G... a tenté de réparer l'incident (pages 12, 15, 16, 17 et 32 du rapport de l'inspection du travail) ; qu'il a cherché pendant une demi-heure une éclisse, puis a traversé la poutre pour remonter le câble d'alimentation électrique du chariot-treuil qui était tombé de 4 mètres avec les galets, remettre l'éclisse et replacer le rail de soutien ; qu'il a continué après le départ des intérimaires à faire des essais avec le chariot avec M. D...de Forclum ; qu'en définitive, seul le non-respect des règles de sécurité tant par Daniel I... que par Aurèle Z..., non-respect justifié par les impératifs de production imposés par ANF, a pu causer de façon déterminante la chute mortelle de Marcel G... ;

" 1) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux articulations essentielles des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, Daniel I... avait fait valoir qu'il avait délégué ses pouvoirs en matière de sécurité du travail à MM. Y... et A... ; qu'en délaissant purement et simplement ce chef péremptoire des conclusions, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

" 2) alors, en toute hypothèse, que la délégation de pouvoirs est légalement possible en tout domaine, sauf disposition contraire de la loi ; qu'en se bornant à énoncer que la décision de recourir à la sous-traitance sans en informer le maître de l'ouvrage ne pouvait, en raison de son importance, faire l'objet d'une délégation de pouvoirs, sans indiquer la disposition légale qui ferait obstacle à une telle délégation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;

" 3) alors, au surplus, qu'en n'expliquant pas en quoi la décision de recourir à la sous-traitance sans en informer le maître de l'ouvrage avait joué un rôle causal dans la survenance de l'accident litigieux, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et violé les textes visés au moyen ;

" 4) alors, en tout état de cause, que le chef d'entreprise s'exonère de sa responsabilité pénale en déléguant ses pouvoirs à un préposé investi de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller à l'observation de la loi ; que le délégataire peut subdéléguer ses pouvoirs dans les mêmes conditions ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que MM. Y... et A..., non seulement sont titulaires de diplômes correspondant exactement à leur activité au sein de la société Forclum, y compris pour le marché ANF, mais encore ont reçu une formation continue en matière de sécurité ; qu'en outre, leur expérience des chantiers leur conférait une compétence certaine en la matière ; qu'au surplus, ils disposaient des moyens matériels et des pouvoirs nécessaires à l'exécution du marché ; qu'en déclarant néanmoins qu'aucun d'entre eux n'avait reçu de formation en matière de sécurité et que Daniel I... ne démontrait pas que ces deux ingénieurs étaient investis de la compétence et de l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur en matière de sécurité, les juges du fond ont statué en contradiction avec les pièces du dossier et violé les textes visés au moyen ;

" 5) alors que Daniel I... avait fait valoir que lors de l'ouverture du chantier à laquelle avaient précédé la société utilisatrice (ANF) et la société intervenante (Forclum) le 5 mai 1992, les conditions d'utilisation du pont roulant à l'origine de l'accident avaient été précisées ; que les aménagements prévus ont bien été effectués et que les personnes travaillant sur le pont avaient reçu instruction d'utiliser un harnais ; que le 27 mai 1992, M. Y..., constatant que Marcel G... travaillait sur une poutrelle sans avoir arrimé son harnais, avait demandé à l'entreprise sous-traitante d'arrêter les travaux jusqu'à ce que les mesures de sécurité adéquates aient été prises ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen de défense d'où il résultait que la société Forclum (ou ses délégataires) avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour prévenir les risques d'accident liés à l'utilisation du pont roulant, et donc qu'aucune faute d'imprudence ni aucune carence ne pouvait être retenue à sa charge, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 6) alors que l'initiative d'un salarié qui effectue sans prendre aucune précaution une tâche imprévue au cours de laquelle il est victime d'un accident, constitue une cause étrangère exclusive de toute faute personnelle à la charge du chef d'entreprise ; qu'en l'espèce, il est constant que Marcel G..., non seulement a entrepris les travaux litigieux après la fin de sa journée de travail sans avoir reçu aucune consigne en ce sens, mais encore, est monté à ses risques et périls sur le pont roulant, haut de sept mètres, sans attendre le retour de son coéquipier, M. D..., parti chercher notamment du matériel de sécurité ; que l'imprudence caractérisée de Marcel G... constitue ainsi la cause déterminante de l'accident ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité pénale de Daniel I..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

" 7) alors qu'en l'absence de convention contraire, l'entreprise sous-traitante est seule responsable de son personnel et de son matériel ; qu'ainsi la société France Câbles Services, à qui la société Forclum avait sous-traité une partie des travaux qui lui avaient été confiés, se devait de mettre à la disposition de son personnel les équipements de sécurité nécessaires à l'exécution desdits travaux ; qu'en imputant néanmoins à Daniel I... l'insuffisance des mesures de sécurité sans rechercher si la convention de sous-traitance conclue entre les sociétés Forclum et France Câbles Services mettait à la charge de la première la fourniture des équipements de sécurité réglementaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen " ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Aurèle Z..., pris de la violation des articles 1384 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, 319 de l'ancien Code pénal, 221-6, 221-8, 221-10 et 121-3 du Code pénal, L. 263-2-1, L. 235-5, R. 237-1 du Code du travail, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité d'Aurèle Z...et le réformant pour le surplus, l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende ;

" aux motifs adoptés que " France Câbles Industrie, en la personne d'Aurèle Z..., s'est également contenté de se référer au " procès-verbal d'ouverture de chantier " du 5 mai 1992 établi entre Forclum et ANF, en dépit de son caractère incomplet ; qu'Aurèle Z...n'a, à aucun moment, procédé à l'analyse des risques, ni à l'inspection commune des lieux avec Forclum ; qu'en réalité M. F..., un de ses employés, a simplement, avant d'exécuter la commande de Forclum, discuté dans les locaux de Forclum à Beuvrages, avec M. A... le " procès-verbal d'ouverture de chantier " établi précédemment entre Forclum et ANF, et ne s'est même pas rendu sur place pour visiter les locaux qu'il ne connaissait pourtant pas ; qu'Aurèle Z...a lui-même reconnu que les mesures de sécurité étaient insuffisantes ; qu'il ne peut être enfin reproché à Marcel G... d'avoir été imprudent, en intervenant sans protection ; qu'aucun équipement de protection tant individuel que collectif n'était mis à sa disposition, malgré sa demande ; que dans le même après-midi, divers incidents s'étaient produits ; que notamment, Marcel G... était intervenu vers 15 heures 30 pour dépanner ses collègues bloqués sur le chariot-treuil, M. D...de Forclum étant venu l'avertir alors qu'il se trouvait dans la salle des compresseurs, que le bras solidaire entraînant la guirlande d'alimentation du chariot s'était déformé ; que pendant 40 minutes, Marcel G... a tenté de réparer l'incident " ;

" et aux motifs propres, que, " il est certain que Marcel G... était sous l'autorité et la responsabilité de son employeur quoique son horaire de travail était dépassé lorsqu'il a répondu à la demande de Forclum ou pris de lui-même l'initiative de monter sur le pont ; il est certain aussi que les anomalies que Marcel G... se proposait de mettre en ordre étaient liées à son emploi d'électricien dans une zone sur laquelle ses collègues travaillaient ; la cause de l'intervention de Marcel G... était donc en relation directe avec les travaux accomplis en sous-traitance par son employeur France Câbles ; l'enquête a révélé que Forclum avait sous-traité une partie des travaux que lui avait confiée ANF Industrie à l'insu de cette société et Aurèle Z...à expliqué à l'audience que c'était pour des " raisons commerciales " qu'ANF Industrie avait été tenue dans l'ignorance de cette sous-traitance ; les circonstances de l'accident démontrent que cette clandestinité a eu pour résultat de priver les salariés de France Câbles de toute mesure de sécurité notamment au niveau de la concertation entre cette entreprise extérieure et l'entreprise utilisatrice (ANF Industrie) : repérage des lieux, consignes de sécurité, etc... ;

cette carence présentait d'autant plus de risques que les salariés de France Câbles travaillaient sur le pont roulant appartenant à ANF-et plus exactement sur une plate-forme de fortune placée sur le chariot du pont roulant-alors que le marché initial imposait à Forclum d'exécuter les travaux sans gêner l'activité d'ANF dont le propre matériel (dont le pont roulant aussi) devait rester disponible ; Marcel G... est en partie décédé de cette carence puisqu'il est monté sur le pont roulant sans sécurité préalablement prévue pour remédier aux défectuosités liées à un travail dont son entreprise était chargée ; la décision de laisser le maître de l'ouvrage dans l'ignorance de la sous-traitance, compte tenu de son importance, ne pouvait pas être prise par les ingénieurs Y... et A..., Daniel I... et Aurèle Z...doivent donc assumer la responsabilité de l'accident et être déclarés coupables du délit qui leur est reproché ; la gravité des manquements constatés impose une aggravation des peines " ;

" 1) alors, d'une part, qu'en se déterminant par la considération que " Marcel G... était sous l'autorité de son employeur quoique son horaire de travail ait été dépassé lorsqu'il a répondu à la demande de Forclum " (arrêt, page 5 3) et que la victime n'aurait pas été habilitée à travailler en hauteur (jugement, page 10 1), sans répondre au chef péremptoire des conclusions de la demanderesse qui faisaient valoir (page 3) que " Marcel G... n'avait pas été affecté à ce travail puisque de son côté il se trouvait occupé dans le local des compresseurs pour y effectuer un travail au sol... et qu'il n'avait pas à prendre l'initiative de monter sur le pont roulant et encore moins d'aller remettre en place une guirlande électrique, dans une zone qui n'entrait pas dans le marché de la sous-traitance ", la cour d'appel a entaché sa décision d'un flagrant défaut de bases légales au regard des textes visés au moyen ;

" 2) alors, d'autre part, que les juges du fond qui constatent qu'à deux reprises (jugement, page 9, dernier alinéa et page 10, alinéa 6 et arrêt, page 5, alinéa 3) Marcel G... a été sollicité par M. D..., responsable de Forclum (entreprise principale) pour aller effectuer un dépannage sur le pont roulant, et qui refuse cependant d'admettre qu'au moment de l'accident, intervenu en dehors des horaires de travail fixés par son propre employeur, il était passé sous la subordination et l'autorité juridique de l'entrepreneur principal, prive sa décision de toute bases légales au regard des textes visés au moyen ;

" qu'il en est d'autant plus ainsi que l'arrêt s'abstient de tirer les conséquences qui s'évinçaient nécessairement du procès-verbal d'interrogatoire de M. A... (cote D 76) (responsable Forclum) du 5 avril 1996, d'où il résultait que c'est bien le responsable de Forclum qui " surveillait le sous-traitant " ;

" 3) alors, de troisième part, que prive à nouveau sa décision de toutes bases légales, l'arrêt qui fait reproche au responsable de la société sous-traitante France Câbles Services, de s'être contenté de se référer au procès-verbal d'ouverture du chantier, du 5 mai 1992, d'une visite d'un salarié de l'entreprise France Câbles Services dans les locaux de la société ANF Industrie (entreprise utilisatrice) et de ne pas avoir procédé à l'analyse en commun des risques avec ANF Industrie, ni à l'inspection commune des lieux et enfin, d'être demeuré en tant qu'" entreprise extérieure ", dans la " clandestinité " vis-à-vis de l'entreprise utilisatrice, la société France Câbles Services (sous-traitante) n'étant tenue en vertu de l'article L. 253-3, qui lui seul est applicable, que de se soumettre à une coordination en matière de sécurité et nullement de satisfaire aux exigences du décret du 29 novembre 1977 ou de celui du 20 février 1992 qui n'intéressent que les rapports entre l'entreprise utilisatrice (ANF Industrie) et l'entrepreneur principal (Forclum) ;

" 4) alors, enfin et de toute façon, qu'ayant perdu de vue que le prévenu, Aurèle Z...n'avait à remplir que les obligations du sous-traitant et ne disposait pas de moyens et du pouvoir que possède une entreprise autonome intervenant à titre principal chez une entreprise utilisatrice, la cour d'appel n'a pas valablement qualifié, dans les circonstances de l'espèce, une faute personnelle dudit prévenu et a en conséquence, privé sa décision de toutes bases légales au regard de l'article 121-3 du Code pénal " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Pinsseau conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-87936
Date de la décision : 11/01/2000
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 13 octobre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 2000, pourvoi n°98-87936


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2000:98.87936
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