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14/12/1999 | FRANCE | N°99-80249

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 1999, 99-80249


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- A... Louis,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 17

décembre 1998, qui l'a condamné, pour exécution d'un travail dissimulé et dénonciation ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- A... Louis,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 17 décembre 1998, qui l'a condamné, pour exécution d'un travail dissimulé et dénonciation calomnieuse, à 15 000 francs d'amende et a statué sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 362-3, L. 324-9, L. 324-10, L. 324-11, L. 320, L. 143-3, L. 362-3, L. 362-4 et L. 362-5 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a, par confirmation du jugement entrepris, déclaré Louis A... coupable du délit d'exécution d'un travail dissimulé qui lui était reproché et en répression, l'a condamné à la peine de 15 000 francs d'amende ;

" aux motifs que Daniel G..., dont Louis A... avait été l'avocat, a été interpellé le 21 mai 1995 par les gendarmes de la brigade d'Auch et qu'il leur a expliqué le lendemain 22 mai, qu'après avoir purgé sept années de peine privative de liberté, il avait pris contact avec Louis A... et que celui-ci l'avait embauché début octobre 1994 ; qu'il coupait du bois sur sa propriété et qu'il s'occupait de ses chevaux ; qu'il avait, en outre, effectué divers travaux d'entretien ; qu'il est acquis aux débats et non contesté par Louis A... que Daniel G... a effectivement repeint la cheminée de la maison d'Entribail, qu'il a remis en place deux portes de garage, qu'il a détruit une surélévation et nivelé un chemin d'accès, qu'il a remanié la clôture de la métairie et qu'il a réalisé des travaux de peinture sur la maison principale du prévenu et sur la barrière entourant celle-ci ; que ces travaux de peinture représentaient selon l'expert chargé de les apprécier 45 heures de travail ; qu'il est non moins constant que ces travaux n'ont pas été rémunérés, que Daniel G... ne recevait pas de bulletin de paie, qu'il n'était pas déclaré et que Louis A... n'avait accompli en ce qui le concerne aucune des formalités exigées en cas d'embauche par le Code du travail ; que le prévenu considère néanmoins que les éléments constitutifs du délit qui lui est reproché ne sont pas réunis, dès lors que Daniel G... n'avait pas travaillé pour son compte pendant la période visée par la prévention soit d'octobre 1994 à avril 1995, et qu'il s'était contenté pendant cette période de couper du bois mort ou des arbres malvenus, mais qu'il l'avait fait à son seul profit puisque la vente du bois lui avait permis de subsister pendant plusieurs mois et qu'il n'avait pas réalisé de travaux d'entretien ; qu'il avait toujours agi de sa propre initiative, sans jamais recevoir de directive, et dans le seul
dessein de remercier son hôte de l'avoir logé gratuitement pendant 7 mois et de lui avoir donné les moyens de vivre en l'autorisant à couper du bois et à le vendre pour son propre compte ; qu'une partie des travaux avait été réalisée à la demande ou à tout le moins pour le compte de Marie-Louise Y..., locataire sortante qui avait laissé les lieux en très mauvais état ; que l'état de subordination économique n'existait pas et que l'on était dans le cadre d'un échange de services ; que Daniel G... se sentait coupable de n'avoir pas donné, comme convenu, la moitié du bois qu'il avait coupé et qu'il avait agi par gratitude ; que néanmoins les travaux ont bien été effectués pendant la période visée par la prévention ; que Daniel G... n'a jamais cessé d'affirmer qu'il était intervenu à la demande de Louis A... et pour son compte ; que, de plus, il ne peut pas être sérieusement contesté que les travaux de peinture de l'habitation principale ont été faits pour le compte de Louis A... et que de toute façon, le simple fait que le travailleur soit volontaire ne fait pas disparaître l'infraction de travail dissimulé ; que la seule question qui se pose est en réalité celle de savoir si Daniel G... se trouvait dans un lien de subordination lorsqu'il a fait ces travaux ; qu'il doit y être répondu par l'affirmative, dès lors qu'il résulte des témoignages de Michel X... et de Joseph F..., que le prévenu le considérait comme son commis ou comme son ouvrier et qu'il lui a laissé un jour un mot qui, libellé comme suit, ne laissait aucun doute sur la nature de leurs relations " Tu as vu les pots de peinture ? C'est pour s'en servir. Je reviens demain soir pour voir " ; que les travaux ont été faits à titre onéreux, en contrepartie des avantages consentis à Daniel G..., logé gratuitement par Louis A... et autorisé par celui-ci à couper du bois ;

qu'il ne peut pas s'agir d'entraide, Louis A..., avocat de profession et Daniel G..., sortant de prison, sans qualification et sans emploi, ne pouvant être unis par une convention d'entraide ; qu'il s'agissait peut-être de charité mais que la charité ne dispense pas d'appliquer les règles définies par le Code du travail et qu'elle laisse subsister l'infraction ; que la preuve n'est pas rapportée dans le cas de l'espèce, d'une volonté délibérée d'abuser de la situation de dépendance de Daniel G... et que le comportement du prévenu, s'il est vrai qu'il est empreint de paternalisme et qu'il témoigne d'une conception des rapports sociaux incompatible avec le Code du travail, n'est pas, loin s'en faut, celui d'un " marchand de sommeil " ;

" alors que le caractère intentionnel du délit de travail clandestin doit être établi pour caractériser l'infraction ; qu'en l'absence de preuve irréfutable, l'infraction ne peut être sanctionnée ; que dès lors, en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir comme elle l'a fait de se prononcer sur l'élément intentionnel de l'infraction " ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité de Louis A..., lequel soutenait que Daniel G... avait travaillé de sa propre initiative, dans le cadre d'un service d'entraide, la cour d'appel, après avoir analysé les faits de la cause, retient que les travaux effectués à titre onéreux s'inscrivaient dans le cadre d'une relation de subordination juridique liant les intéressés, et qu'en n'ayant effectué aucune des formalités prévues à l'article L. 324-10, 2 et 3 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le prévenu dont la qualité d'avocat aurait dû le conduire à davantage de rigueur, s'est rendu coupable de travail dissimulé ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, les juges, qui n'ont pas omis de caractériser l'élément intentionnel du délit précité, ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10, alinéa 1, et 226-31 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a, par confirmation du jugement entrepris, déclaré Louis A... coupable du délit de dénonciation calomnieuse qui lui était reproché et en répression, l'a condamné à la peine de 15 000 francs d'amende et à celle de 5 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

" aux motifs que les plaintes visées par la prévention ont été dans le cas de l'espèce classées sans suite et qu'il convient par conséquent de rechercher, d'une part, si les faits dénoncés étaient inexacts et si, d'autre part, le prévenu, lorsqu'il les a dénoncés, connaissait leur inexactitude ; que s'agissant de la première plainte en date du 18 mai 1993, il est attesté par M. C..., autre locataire du prévenu, que Marie-Louise Y... s'est effectivement rendue coupable de vol de foin ; que de ce chef il est donc exclu de retenir la calomnie ; que s'agissant en second lieu, des plaintes déposées pour divagation d'animaux malfaisants entre le 27 juillet et le 20 octobre 1995, il résulte des témoignages de Lucien D..., d'Hilda B... et de Martine Z... que la clôture érigée autour de la maison occupée par Marie-Louise Y... n'était pas suffisamment haute pour les empêcher de rôder sur la propriété du prévenu, qu'ils s'étaient attaqués à un mouton de Lucien D... et que Louis A... pouvait légitimement craindre qu'ils ne s'attaquent à ses juments en gestation au risque de les faire avorter ; que Marie-Louise Y... a d'ailleurs admis que le 27 juillet 1995, l'un de ses chiens a sauté la clôture et qu'il est attesté par M. E..., que cet animal s'est mis à courir derrière un poulain de deux ans ; qu'il n'en demeure pas moins vrai que les plaintes dont s'agit, ont bien été déposées par Louis A... pour divagation d'animaux malfaisants, sur le fondement de l'ancien article R. 30-7 du Code pénal, devenu l'article R. 622-2 du Code pénal et non pas
comme il le soutient à l'audience sur celui de l'article 213 du Code rural, et qu'il n'est à aucun moment démontré ni même allégué par le plaignant que les chiens de Marie-Louise Y... étaient dangereux pour les personnes ; que le prévenu, en sa qualité de professionnel du droit, ne pouvait pas ignorer, lorsqu'il a déposé plainte, que les éléments constitutifs de la contravention de divagation d'animaux dangereux n'étaient pas réunis et ne pouvait pas ne pas savoir que les faits qu'il dénonçait ne comportaient pas la qualification pénale qu'il leur prêtait ; que sa mauvaise foi se déduit de sa qualité professionnelle et que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu la calomnie pour les plaintes dont s'agit ; qu'il est en revanche en voie de relaxe s'agissant des plaintes déposées les 16 et 20 octobre 1995, pour vol d'aliments et pour vol d'eau ; qu'il convient par conséquent de réformer sur ces deux points la décision déférée ;

" alors que l'élément intentionnel du délit de dénonciation calomnieuse ne peut être caractérisé que s'il est établi que le prévenu avait connaissance, le jour de la dénonciation, de la fausseté du fait dénoncé ; qu'il suffit qu'un chien commette une agression quelconque, même si c'est la première, pour que son caractère dangereux soit reconnu et partant, la contravention de divagation d'animaux dangereux établie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que les chiens de Marie-Louise Y... allaient rôder sur la propriété du prévenu, qu'ils s'étaient attaqués à un mouton en transhumance, que Louis A... pouvait légitimement craindre qu'ils ne s'attaquent à ses juments en gestation au risque de les faire avorter et encore, que le 27 juillet 1995, l'un des chiens avait couru derrière un poulain de deux ans ; qu'en estimant néanmoins que le prévenu avait été de mauvaise foi en portant plainte pour divagation d'animaux malfaisants, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de dénonciation calomnieuse dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Gomez président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Milleville conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. de Gouttes ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80249
Date de la décision : 14/12/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, 17 décembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 déc. 1999, pourvoi n°99-80249


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:99.80249
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