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14/12/1999 | FRANCE | N°98-87529

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 1999, 98-87529


IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par :
- l'association X..., l'association locale Y..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 3 novembre 1998, qui, dans la procédure suivie sur leur plainte contre Z... et A... du chef de diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée, a relaxé les prévenus et débouté les parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi de l'association locale Y... :r>Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cause a été dé...

IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par :
- l'association X..., l'association locale Y..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 3 novembre 1998, qui, dans la procédure suivie sur leur plainte contre Z... et A... du chef de diffamation publique envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée, a relaxé les prévenus et débouté les parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur le pourvoi de l'association locale Y... :
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cause a été débattue à l'audience du 22 septembre 1998 à laquelle la partie civile était représentée par son avocat qui a été informé par le président de la date de l'audience à laquelle, après délibéré, l'arrêt serait rendu, le 3 novembre 1998 ;
Attendu que l'arrêt ayant été prononcé à cette date, le pourvoi formé le 9 novembre 1998, l'a été hors délai et doit être déclaré irrecevable ;
II. Sur le pourvoi de l'association X... :
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, 32, alinéa 2, 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, violation des articles 9 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale, violation de l'article 1382 du Code civil :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé des fins de la poursuite les consorts X..... et A..., cités pour diffamation à raison de l'appartenance à une religion déterminée ;
" au motif propre que le fait de décrire un groupement, quel qu'il soit, comme "une secte, l'une des plus dangereuses, qui a, à son bilan, un grand nombre de suicides", caractérise incontestablement l'imputation des faits précis de nature à être sans difficulté, l'objet d'un débat contradictoire, et qui porte atteinte à l'honneur et à la considération de ce groupement ; que le caractère diffamatoire des termes employés par Z... lors de son intervention radiodiffusée n'est donc pas contestable, qu'il convient toutefois de déterminer si, comme le soutiennent les parties civiles, on se trouve ici en présence d'une diffamation religieuse, ou si l'on a affaire à une diffamation publique envers un particulier ; que le caractère sectaire d'un mouvement n'est aucunement lié à son objet (politique, religieux, culturel...) mais à son mode de fonctionnement ; qu'ainsi, la définition adoptée par la Commission d'enquête parlementaire sur les sectes, dans son rapport intitulé "les sectes en France", adopté le 20 décembre 1995, ne fait aucune allusion à la croyance commune unissant des individus mais s'appuie sur les pratiques des groupes dont ces individus font partie : "sont considérées comme sectes les groupes visant par des manoeuvres de déstabilisation psychologique à obtenir de leurs adeptes une allégeance inconditionnelle, une diminution de l'esprit critique, une rupture avec les références communément admises (éthiques, scientifiques, civiques, éducatives) et entraînant des dangers pour les libertés individuelles, la santé, l'éducation, les institutions démocratiques" ;
" et au motif encore que le prévenu Z... soutient, pour justifier les propos qu'il a tenus, que, chez les témoins de Jéhovah, "les mécanismes d'endoctrinement, la rupture avec l'environnement familial et d'origine par la fixation d'obligations incontournables et qui excluent, le discours qui prône l'abstention de toute participation à la vie publique (interdiction de voter...), les troubles à l'ordre public (refus de toute transfusion) sont (...) incontestables" ; que les propos litigieux ne font aucune allusion au contenu de la foi religieuse des personnes faisant partie des témoins de Jéhovah ; que c'est donc à tort que les parties civiles ont visé, dans leur citation, l'article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 réprimant la diffamation commise à raison de l'appartenance à une religion déterminée, au lieu de l'article 32, alinéa 1er, réprimant la diffamation envers un particulier, que les prévenus ne peuvent donc qu'être renvoyés des fins de la poursuite ;
" et aux motifs des premiers juges, à les supposer adoptés, qu'évoquant, à la suite de la plainte de l'association locale Y..., la récente mise en examen du maire de Darnétal qui s'était opposé à la réalisation, sur sa commune, d'un projet immobilier de la plaignante, la station radiophonique BFM a diffusé sur ses ondes, à plusieurs reprises, dans la journée du 2 octobre 1997, les déclarations des trois intervenants : B..., maire de Darnétal, C..., président de l'association précitée, et Z..., vice-président de la Commission d'enquête, de l'Assemblée nationale, sur les sectes ; que ces déclarations étaient précédées d'une brève présentation faite par la journaliste de BFM ; les propos de Z... étaient ainsi introduits :
"un comité de soutien au maire est en train de se créer avec, notamment, Z..., membre de l'observatoire interministériel sur les sectes : le député-maire de Montreuil souhaite que la législation sur les sectes soit durcie" ; que Z... s'exprimait en ces termes : "je la soutiens" (parlant du maire de Darnétal) "parce qu'elle combat une secte, l'une des plus dangereuses qui a, à son bilan, un grand nombre de suicides" ; que, par acte du 24 décembre 1997, notifié le 30 décembre au procureur de la République "l'association X..." et "l'association locale Y..." ont fait citer devant ce tribunal Z... et A... ce dernier pris en sa qualité de directeur de la société d'exploitation de Radio-Finance pour voir juger qu'en ayant, le premier, tenu, le second, diffusé, sur BFM, les propos rappelés ci-dessus, tous deux, avaient "porté atteinte à l'honneur et à la considération des témoins de Jéhovah" ; qu'estimant que ces propos tombent sous le coup des dispositions des articles 23, 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, les deux associations susvisées se constituèrent partie civile du chef de la diffamation ainsi prétendument commise, et ont sollicité en réparation de leur préjudice la condamnation in solidum des prévenus au paiement d'une somme de 200 000 francs, outre "la radiodiffusion du jugement à intervenir par la société d'exploitation de radio finances" et la publication, par extraits, de cette même décision, dans un quotidien national aux frais des prévenus ;
" et aux motifs, aussi, que la critique de Z..., selon laquelle "les témoins de Jéhovah ne disposent pas du statut de religion" n'affecte pas davantage la validité de la citation et relève de la discussion au fond, propre à déterminer si le délit reproché est, ou non, caractérisé en l'espèce ; que les parties civiles se prévalent des dispositions de l'article 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, l'infraction reprochée, pour être caractérisée, suppose non seulement que les propos attaqués soient diffamatoires, mais encore, ce que contestent les prévenus, que la diffamation ainsi commise l'ait été à raison de l'appartenance à une religion ; que, certes, il peut apparaître attentatoire à son honneur et à sa considération d'affirmer que la "secte des témoins de Jéhovah" qualifiée "des plus dangereuses" a, à son bilan, un "grand nombre de suicides" ; que, toutefois, les parties civiles, auxquelles seules cette charge incombe, ne démontrent pas qu'en l'espèce ces propos sont diffamatoires à raison de l'appartenance à une religion ; qu'en effet, les parties civiles se bornent essentiellement à faire état de leur caractère d'association culturelle, au sens de la loi du 9 décembre 1905 ; que, cependant, ainsi que l'objectent justement les prévenus, singulièrement pour l'association X..., ce caractère apparaît pour le moins contestable, aux yeux des pouvoirs publics comme des juridictions, d'après les avis et décisions variés produits aux débats, de part et d'autre ; qu'en tout état de cause la simple référence au statut d'association culturelle, comme celle faite à l'information judiciaire, actuellement suivie contre le maire de Darnétal, du chef de "discrimination religieuse", n'apportent pas la preuve que les témoins de Jéhovah constituent une religion contrairement à ce qu'affirment les parties civiles, sans la moindre démonstration, ni tentative de démonstration ; que les éléments du délit reproché, n'étant dans ces conditions pas caractérisés, les prévenus ne peuvent qu'être relaxés des fins de la poursuite ;
" alors que, d'une part, la diffamation commise à raison de l'appartenance à une religion n'implique pas, au regard des éléments constitutifs de l'infraction, que les propos diffamatoires fassent allusion au contenu de la foi religieuse des témoins de Jéhovah ; qu'en décidant le contraire, la Cour viole les textes cités au moyen ;
" alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, le fait de s'exprimer ainsi sur les ondes d'une radio : "je la soutiens (Mme le maire) parce qu'elle combat une secte, l'une des plus dangereuses, qui a, à son bilan, un grand nombre de suicides" est bien de nature à caractériser le délit de diffamation à raison de l'appartenance à une religion ; qu'en jugeant différemment, la Cour viole de plus fort les textes cités aux moyens ;
" et alors, enfin, que les témoins de Jéhovah peuvent parfaitement, en raison de leur religion propre, se prévaloir des règles et principes qui gouvernent le délit de diffamation à raison de l'appartenance à une religion, le législateur n'ayant pas entendu distinguer entre les religions ; qu'en relaxant, cependant, les prévenus au motif inopérant que la définition des sectes telle qu'elle ressort de la Commission d'enquête parlementaire sur les sectes ne fait aucune allusion à la croyance commune unissant des individus mais s'appuie sur les pratiques des groupes dont ces individus font partie, la Cour omet de tenir compte de la situation dûment établie selon laquelle la religion est communément définie comme un lien de piété, une relation entretenue avec la divinité, une attache ou une dépendance avec le divin et qu'à l'évidence les témoins de Jéhovah ont une religion ; qu'ainsi, ont été violés les textes cités au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que l'association X... a fait citer devant le tribunal correctionnel Z... et A..., directeur de publication, sous la prévention de diffamation d'un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée, à la suite des propos tenus par Z..., le 2 octobre 1997, sur les ondes de la station radiophonique " BFM ", qui comprenaient notamment la phrase suivante présentant la partie civile comme " une secte, l'une des plus dangereuses, qui a, à son bilan, un grand nombre de suicides " ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu, la cour d'appel, après avoir admis le caractère diffamatoire des propos tenus, retient que les propos incriminés visaient non la croyance commune unissant les membres de l'association en cause mais le mode de fonctionnement du groupe dont ces individus font partie ;
Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que les propos tenus ne constituaient pas une diffamation à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance à une religion déterminée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi de l'association locale Y... :
Le DECLARE IRRECEVABLE ;
II. Sur le pourvoi de l'association X... :
Le REJETTE.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 98-87529
Date de la décision : 14/12/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Diffamation envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée - Critique du mode de fonctionnement du groupe.

Justifie sa décision la cour d'appel qui retient que des propos diffamatoires visant non la croyance partagée par les membres d'une association mais le mode de fonctionnement du groupe dont ces individus font partie, ne constituent pas une diffamation à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance à une religion déterminée. .


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 29, art. 32, al. 2, art. 42

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 novembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 déc. 1999, pourvoi n°98-87529, Bull. crim. criminel 1999 N° 305 p. 943
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1999 N° 305 p. 943

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gomez
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Chanet.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Monod et Colin, la SCP Piwnica et Molinié, M. Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.87529
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