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14/12/1999 | FRANCE | N°98-11320

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 décembre 1999, 98-11320


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société RMJ, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 19 novembre 1997 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre civile), au profit :

1 / de la société Comptoirs modernes économiques de Rennes, SAS, anciennement société en nom collectif, dont le siège est ...,

2 / de la société Comptoirs modernes économiques de Rennes, société

anonyme ayant apporté son patrimoine à la société en nom collectif Comptoirs modernes économiques...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société RMJ, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 19 novembre 1997 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre civile), au profit :

1 / de la société Comptoirs modernes économiques de Rennes, SAS, anciennement société en nom collectif, dont le siège est ...,

2 / de la société Comptoirs modernes économiques de Rennes, société anonyme ayant apporté son patrimoine à la société en nom collectif Comptoirs modernes économiques de Rennes, cette dernière devenue SAS Comptoirs modernes économiques de Rennes, dont le siège est ...,

3 / de la société Docks de l'Ouest, société anonyme, dont le siège est ...,

4 / de la société Franchise comptoirs modernes, société anonyme, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 novembre 1999, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Poullain, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société RMJ et de M. Z..., ès qualités, de Me Blondel, avocat de la société Comptoirs modernes économiques de Rennes, de la société Docks de l'Ouest et de la société Franchise comptoirs modernes économiques de Rennes, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Rennes, 19 novembre 1997) que, par acte notarié du 27 novembre 1989, l'EURL RMJ, dont Mme Y... était la gérante, a acheté à la société Docks de l'ouest, qui lui a simultanément consenti un bail sur les murs, un fonds de commerce d'alimentation générale jusqu'alors exploité en location-gérance par la société anonyme Comptoirs modernes économiques de Rennes (CMER) ; que, le 30 novembre suivant, l'EURL RMJ a signé avec la société Franchise des comptoirs modernes un contrat de franchise afin d'exploiter le fonds sous l'enseigne COMOD et, avec la société CMER, un contrat d'approvisionnement non exclusif ; que des différends ont opposé les parties, en sorte que la société CMER a assigné l'EURL RMJ en paiement de diverses factures cependant que cette dernière demandait reconventionnellement à ses trois cocontractantes, aux droits desquelles vient la SAS Comptoirs modernes économiques de Rennes, l'annulation des contrats, tant de cession que de franchise et d'approvisionnement, ainsi que le paiement de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que l'EURL RMJ fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande d'annulation des contrats pour dol alors, selon le pourvoi, d'une part, que la "légèreté blâmable" de la victime, celle-ci serait-elle professionnelle, ne constitue pas un fait justificatif du dol ; qu en statuant comme elle l a fait, la cour d appel a violé l article 1116 du Code civil ;

alors, d'autre part, que l'EURL RMJ reprochait à son vendeur d avoir indiqué à tort dans l acte de vente que la comptabilité du fonds de commerce était consultable au siège, alors que cette comptabilité n° existait pas (conclusions récapitulatives, p 10 et 11) ; qu en se bornant à énoncer qu il n y a pas eu réticence dolosive de la part du vendeur sans s expliquer sur cette affirmation mensongère qui avait du reste été retenue par le jugement infirmé (p 35) et sans rechercher si ce mensonge n avait pas eu pour seul objet de dissuader l acquéreur de vérifier plus avant l exactitude des résultats antérieurs annoncés par le vendeur, la cour d appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1116 du Code civil ; alors, en outre, que l'EURL RMJ faisait valoir dans ses conclusions d appel récapitulatives (p 11, 16) que son vendeur avait affirmé lors de la vente que les chiffres d affaires présentés dans le compte d exploitation prévisionnel résultaient d une étude de marché "réalisée préalablement à la vente" ; qu il s est avéré cependant que le vendeur était incapable de justifier d'une telle étude ; qu en se bornant à énoncer qu il n y a pas eu réticence dolosive de la part du vendeur sans s expliquer sur cette nouvelle affirmation mensongère - qui avait été retenue par le jugement infirmé (p 36) - concernant la réalisation d une étude de marché avant la vente, et sans rechercher si cette manoeuvre n° avait pas eu pour seul but de dissuader l acquéreur de vérifier plus avant la fiabilité des résultats prévisionnels avancés par son vendeur, la cour d appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1116 du Code civil ; alors, au surplus, que le tribunal avait retenu, pour caractériser les manoeuvres dolosives du vendeur, que celui-ci avait calculé la marge prévisionnelle de 18,5 % sans tenir compte de la majoration de 4 % des conditions d

achat qui serait pratiquée à l égard de l acquéreur ; que l'EURL RMJ précisait que cette majoration représentait une charge supplémentaire pour le fonds de 300 000 francs par an, ce qui réduisait à néant les prévisions de bénéfices annoncés par le vendeur dans ses comptes prospectifs (p 23 des conclusions d appel récapitulatives) ; qu en se bornant à énoncer qu il n y a pas eu réticence dolosive de la part du vendeur sans s expliquer sur cette manoeuvre dolosive du vendeur qui a consisté à présenter en toute connaissance de cause des prévisions nécessairement faussées puisqu elles ne tenaient pas compte de l augmentation de prix d achat des marchandises de 4 % qui serait appliquée à l acquéreur en sa qualité de franchisé du groupe Comptoirs Modernes, la cour d appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1116 du Code civil ; et alors, enfin, que le tribunal avait ajouté que, parmi les charges mentionnées dans le compte prévisionnel, le poste salaire était manifestement sous-évalué car manquait notamment le salaire d un boucher, outre celui du responsable ;

que l'EURL RMJ produisait aux débats devant la cour des bulletins de paie établissant que jusqu en novembre 1989, date de la cession, le cédant avait employé un certain M. X... en qualité de "boucher-gérant" ; qu elle soulignait que ce nom ne figurait pas dans la liste du personnel du fonds cédé annexée à l acte de vente et ajoutait que le salaire de cet employé pourtant indispensable au bon fonctionnement du fonds d alimentation générale, "avec rayon boucherie" n avait pas été compris dans le poste "salaires" du compte prévisionnel remis par le vendeur ; qu en retenant cependant que la masse salariale avait été mentionnée en tenant compte des projets de Mme Y... qui excluaient que celle-ci puisse bénéficier d un contrat de travail, sans s expliquer sur la manoeuvre dolosive du vendeur ayant consisté à minorer délibérément les charges du fonds vendu en occultant le salaire d un boucher de façon à masquer que l exploitation du fonds vendu était, du fait de cette charge supplémentaire incompressible, structurellement déficitaire, la cour d appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1116 du Code civil ;

Mais attendu que, pour estimer qu'aucune manoeuvre dolosive ne peut être reprochée à la société CMER, l'arrêt retient que cette dernière a produit les documents dont elle disposait, contenant les chiffres réels, obtenus par des modes de calcul non critiquables, qui faisaient état de résultats bruts déficitaires, et que c'est Mme Y... qui a fait preuve d'imprudence en ignorant ces résultats négatifs ainsi que les réserves circonstanciées et les conseils prodigués par son notaire, puisqu'elle a repris un magasin d'alimentation générale dans un secteur d'activité très concurrentiel, dans une zone défavorisée et en voie de dépeuplement, et, s'est abstenue de consulter un expert comptable qui aurait transposé en "comptabilité ordinaire les documents analytiques établis par la venderesse dans un cadre succursaliste" et aurait apprécié la vraisemblance du document prévisionnel remis par cette dernière lequel, bien qu'optimiste comme toujours en pareilles circonstances, faisait cependant preuve d'ambitions modestes et prenait en compte la masse salariale selon les projets de Mme Y... ; qu'en l'état de ces motifs déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre l'EURL RMJ dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses cinq branches ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que l'EURL RMJ reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes d'annulation des contrats pour dol et de remboursement de la majoration de 4 % des prix des marchandises pratiquées par le groupe alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d appel récapitulatives (p 11) que son vendeur avait déclaré au chapitre "Hygiène Salubrité Sécurité" du contrat de vente n être sous le coup d aucune injonction particulière alors que, le 17 novembre 1989, soit quelques jours avant la signature de la vente, il avait fait l objet d un rapport du service de la répression des fraudes qui tendait à établir que les installations vendues n étaient pas conformes à la réglementation en vigueur ; qu en ne s expliquant pas sur ce mensonge portant sur une qualité substantielle du fonds vendu, mensonge qui avait été retenu par le jugement infirmé pour conclure à la nullité du contrat pour dol (p 35 in fine), la cour d appel a privé sa décision de base légale au regard de l article 1116 du Code civil ; et alors, d'autre part, que, dans ses conclusions récapitulatives, elle reprochait au groupe Comptoirs modernes de pratiquer des prix discriminatoires entre elle-même et les autres distributeurs intégrés du groupe ; qu'elle produisait à cet égard ses propres cadenciers et ceux d'un autre magasin de la région qui faisaient apparaître une différence dans les conditions d'achat allant de 4 à 6 % ; qu'en retenant que le groupe comptoir moderne était libre de pratiquer ses propres tarifs sans chercher si une telle pratique discriminatoire était justifiée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que, si l'EURL RMJ relevait dans ses conclusions les faits repris au moyen, elle se bornait à les signaler, le premier, à titre d'"anomalie", le second comme constituant "une infraction pénale" sans en tirer aucune conséquence juridique ; que, dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue de lui répondre ; que les moyens ne sont pas fondés ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que l'EURL RMJ reproche encore à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés du groupe Comptoirs modernes à lui payer les sommes de 22 882,16 francs au titre de la restitution d'emballages consignés par la société CMER et 10 000 francs pour non-respect par cette dernière de ses engagements contractuels alors, d'une part, qu'en infirmant le jugement entrepris sur ces points sans motiver sa décision, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en ne répondant pas à ses conclusions d'appel qui demandaient à voir porter à 20 000 francs le montant de la réparation due au titre de non-respect par la société CMER de ses engagements contractuels concernant la réimplantation du magasin, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert des griefs de défaut de motifs et défaut de réponse à conclusions, le moyen reproche en réalité à la cour d'appel de ne pas avoir statué sur deux chefs de demandes ; que l'omission de statuer ne pouvant être réparée que dans les conditions prévues à l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, le moyen n'est recevable en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'EURL RMJ aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 98-11320
Date de la décision : 14/12/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

FONDS DE COMMERCE - Vente - Nullité - Dol - Réticence - Constatations insuffisantes.

CASSATION - Moyen - Défaut de réponse à conclusions - Faits signalés à titre "d'anomalies".


Références :

Code civil 1116
Nouveau Code de procédure civile 455

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (2e chambre civile), 19 novembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 déc. 1999, pourvoi n°98-11320


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:98.11320
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