AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Y... Christiane,
- Y... Françoise,
- Y... Patrick,
- Y... Jocelyne,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 22 février 1999, qui a condamné Gilbert X... à 3 ans d'emprisonnement pour violences aggravées, 2 ans d'emprisonnement pour usurpation d'identité, avec maintien en détention, outre 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 311, alinéa 1er, 309, alinéa 2, anciens, du Code pénal, 222-7, 222-8, 222-13,10 du Code pénal, 381, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les parties civiles au profit de la juridiction criminelle, en qualifiant l'infraction de violences avec arme n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, et non de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ;
"aux motifs que les premières constatations médicales concernant Thierry Y..., établies le 30 janvier 1993, font état d'une plaie ayant entraîné une section complète de la veine jugulaire et du faisceau mastoïdien entraînant une incapacité totale de travail de trois semaines sans incapacité permanente partielle prévisible ; que les médecins légistes Lortie et Aubat ont conclu que la plaie était peu profonde, sans atteinte des gros vaisseaux du cou, de l'oesophage ou de la trachée, que le décès était la conséquence indirecte des lésions du cou, qu'un individu exempt de toute pathologie antérieure n'en serait pas mort et que le décès s'expliquait par une obstruction trachée-bronchique aiguë facilitée par le delirium tremens présenté par la victime et traité par calmants ; qu'enfin, les docteurs Balp et Barbes ont considéré que le facteur essentiel ayant entraîné le décès par asphyxie réside dans l'inhibition des réflexes physiologiques protégeant les voies respiratoires par l'administration massive de sédatifs prescrits pour le delirium tremens ; qu'il est ainsi permis de considérer, en l'état de ces énonciations, que le décès de Thierry Y... n'est pas la conséquence du coup de couteau, mais résulte d'un enchaînement de facteurs (provoquant l'encombrement des voies respiratoires à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée sur la victime) dont le plus déterminant était l'inhibition des réflexes par l'administration massive de sédatifs prescrits pour le delirium tremens, et la preuve du lien de causalité direct entre les violences volontaires et le décès de la victime n'est pas ici rapportée ;
"alors, d'une part, qu'il résulte du rapport d'expertise des docteurs Balp et Barbes, que "l'autopsie a révélé l'envahissement des voies respiratoires par un liquide aéré et purulent", et que "le décès est survenu par asphyxie" ; qu'en constatant que le décès de Thierry Y... "résulte d'un enchaînement de facteurs provoquant l'encombrement des voies respiratoires à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée sur la victime", la cour d'appel a établi le lien de causalité direct entre les violences volontaires et le décès de la victime, l'agression ayant nécessité une intervention chirurgicale, laquelle a provoqué une infection pulmonaire dite pneumopathie d'inhalation consistant en l'inhalation de liquide septique par une personne inconsciente dont les voies respiratoires ne sont plus protégées par des réflexes de toux ; que cette pneumopathie d'inhalation a été aggravée par un pneumothorax, puis par l'administration massive de sédatifs qui a provoqué l'inhibition des réflexes physiologiques et aggravé encore, l'envahissement des voies respiratoires jusqu'à l'asphyxie ; que, dès lors, en affirmant que le lien de causalité n'était pas établi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les violences avaient déclenché un "enchaînement de facteurs" mortel, caractéristique du lien de causalité exigé pour les coups mortels, en sorte que la mort de Thierry Y... avait nécessairement procédé du coup de couteau, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, en violation des articles 311 ancien et 222-7 et 222-8 du Code pénal ;
"alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'un lien de causalité direct et immédiat entre les coups et le décès n'est pas nécessaire pour que soit retenu le crime de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; que, dès lors, en énonçant que la preuve du lien de causalité direct entre les violences volontaires et le décès n'était pas rapportée, sans rechercher si le décès de Thierry Y... n'était pas la conséquence, fût-elle indirecte, des coups portés par les prévenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Sur la recevabilité du moyen :
Attendu que, dès lors qu'elles ne critiquent pas la réparation civile qui leur a été allouée par les juges du fond, les parties civiles ne sont pas recevables, en l'absence d'appel du prévenu ou du ministère public, à discuter les dispositions de l'arrêt relatives à la compétence de la juridiction correctionnelle ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Grapinet conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;