La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/1999 | FRANCE | N°99-80402

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 décembre 1999, 99-80402


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionne

lle, en date du 15 décembre 1998, qui, pour émission de radiodiffusion sans autorisation...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept décembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GERONIMI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 1998, qui, pour émission de radiodiffusion sans autorisation, l'a condamné à 15 000 francs d'amende et à la confiscation du matériel saisi ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 78 de la loi n° 86-1067 relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Philippe X... coupable d'avoir à Besançon, les 5 et 10 février 1998, étant dirigeant de fait d'un établissement de communications audiovisuelles, émis ou fait émettre une émission de radiophonie sans autorisation du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, l'a condamné à une peine d'amende et a prononcé la confiscation au profit de l'Etat des documents, objets et marchandises saisis ;

"aux motifs que l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui reconnaît à toute personne le droit à la liberté d'expression, en précisant que celle-ci comprend notamment la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière, reconnaît également expressément à chaque Etat le droit de soumettre les entreprises de radiodiffusion à un régime d'autorisation ; que l'alinéa 2 de cette disposition énonce que les formalités, conditions, restrictions ou sanctions posées à l'exercice de cette liberté doivent être prévues par la loi et constituer des mesures nécessaires dans une société démocratique pour répondre à certains objectifs tels que : la sécurité nationale, l'intégrité territoriale, la défense de l'ordre, etc... ; que selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, les mesures d'autorisation préalables que peuvent prendre les Etats pour organiser la radiodiffusion sur leur territoire doivent répondre aux exigences posées par l'article 10, alinéa 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (affaire Groppera 14-1988) ; qu'en soumettant à autorisation préalable du CSA les services d'émission radiophonique sonore par voie hertzienne terrestre et en sanctionnant pénalement au terme de l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986 les émissions irrégulières, il a été fait par l'Etat usage du droit que l'article 10, alinéa 1, de la Commission européenne de sauvegarde des droits

de l'homme lui reconnaît ; que la mesure prise visant à organiser un usage rationnel des fréquences hertziennes, ressource collective, par un nombre croissant d'utilisateurs, apparaît nécessaire et répond à un des objectifs définis à l'alinéa 2, de l'article 10, à savoir la défense de l'ordre ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 10 de la Commission européenne de sauvegarde des droits de l'homme soulevé par les prévenus n'apparaît pas fondé et doit être rejeté ;

que l'article 78, alinéa 1, de la loi du 30 septembre 1986 réprime tout dirigeant de droit ou de fait d'un service de communication audiovisuel qui aura émis ou fait émettre sans autorisation du CSA ;

qu'il ressort du procès-verbal dressé le 10 février 1998 par un agent du CSA et des éléments recueillis au cours de l'enquête que Jean-Philippe X... a décidé de faire installer une parabole permettant de capter le programme de la Suisse Romande Couleur 3 sur un satellite géostationnaire et une antenne dans le but de permettre la retransmission de ce programme à des auditeurs situés dans un rayon d'environ 1 km 200 et qui ne pouvaient le recevoir directement ; qu'en fournissant ainsi à un public un programme radiophonique, il a agi en qualité de prestataire d'un servie radiophonique tombant sous le coup de l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986, dès lors qu'il n'avait reçu ni même demandé avant d'émettre l'autorisation du CSA ; que c'est, dès lors, à juste titre que les premiers juges ont retenu sa culpabilité ;

"alors que, d'une part, si l'article 10 de la Commission européenne de sauvegarde des droits de l'homme reconnaît à chaque Etat le droit de soumettre les entreprises de radiodiffusion à un régime d'autorisation, il ne prévoit rien de tel pour les opérations de retransmission ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que Jean-Philippe X... s'était borné à retransmettre le programme de la Suisse Romande Couleur 3 à des auditeurs qui ne pouvaient le recevoir directement ; qu'il n'était donc pas soumis au régime d'autorisation prévu par la loi n° 86-1067 relative à la liberté de communication du 30 septembre 1986 ; que, de ce chef, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 78 de ladite loi ;

"alors, en tout cas, qu'en ne répondant pas aux conclusions de Jean-Philippe X..., de ce chef, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors que, d'autre part, en se fondant sur la nécessité d'organiser un usage rationnel des fréquences hertziennes, ressources collectives, par un nombre croissant d'utilisateurs et répondant, par la suite, à un des objectifs définis à l'alinéa 2 de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à savoir la défense de l'ordre, la cour d'appel n'a pas tenu compte des progrès techniques accomplis ne justifiant plus une telle restriction à la liberté d'expression, ainsi que le faisait valoir Jean-Philippe X..., dans ses conclusions ; que, de ce chef, elle n'a donc pas légalement justifié sa décision ;

"alors, enfin, que, dans ses conclusions, Jean-Philippe X... faisait valoir que, non seulement les progrès techniques accomplis ne justifiaient plus de fonder une restriction à la liberté d'expression sur des considérations liées au nombre de fréquences disponibles, mais encore que la fréquence qu'il avait utilisée pour la retransmission en cause était libre et n'avait occasionné aucune gêne technique pour l'écoute des autres radios ; qu'en outre, l'intervention du CSA avait eu l'effet contraire à l'objectif d'une société démocratique en privant les bisontins de leurs droits légitimes à être informés des manifestations culturelles suisses ainsi que l'avaient relevé plus de 5 000 pétitionnaires et de très nombreuses autorités diverses, culturelles, politiques ou administratives, ayant pour conséquence de laisser aux seuls habitants les plus fortunés la possibilité de continuer à écouter cette radio par recours à une parabole ou internet ; que faute d'avoir répondu aux conclusions de Jean-Philippe X..., la cour d'appel n'a pas motivé sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Philippe X... est poursuivi, sur le fondement de l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986, pour avoir, étant dirigeant de fait d'un établissement de communication audiovisuelle, émis ou fait émettre un programme de radiodiffusion sonore sans l'autorisation du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;

Attendu que le prévenu a opposé, d'une part, que les faits, objet de la poursuite, n'entraient pas dans les prévisions du texte précité, dès lors qu'il s'était borné à assurer la retransmission, à Besançon, d'un programme émis en Suisse et que, d'autre part, cette activité ne pouvait pas relever du régime de l'autorisation, sauf à méconnaître les dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que, pour écarter ces moyens de défense et le déclarer coupable de l'infraction, les juges d'appel relèvent que Jean- Philippe X... a fait procéder à l'installation de matériel permettant de capter un programme de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre de la station Suisse Romande afin d'en assurer la transmission à des auditeurs, situés dans un rayon d'environ un kilomètre, qui ne pouvaient pas le recevoir directement ; que, sans autorisation, l'émission a été diffusée sur la fréquence 91,5 Mhz au moyen de l'émetteur qu'il avait fait mettre en place, et qu'ayant ainsi fourni au public un programme radiophonique, il tombe sous le coup de l'article 78 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Que les juges énoncent que l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui reconnaît à toute personne le droit de recevoir ou de communiquer des informations sans qu'il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et sans considération de frontière, réserve aux Etats la faculté de soumettre les entreprises de radiodiffusion à un régime d'autorisations ; que, tel est le cas de la législation applicable en la cause, destinée à organiser un usage rationnel des fréquences hertziennes, ressource collective, par un nombre croissant d'utilisateurs, qui satisfait aux exigences de l'article 10.2 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que l'interdiction, pénalement sanctionnée, de diffuser sur le territoire national un programme radiophonique par voie hertzienne terrestre, sans autorisation préalable du Conseil supérieur de l'audiovisuel, constitue une mesure nécessaire notamment à la protection des droits d'autrui, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Ferrari conseiller rapporteur, M. Grapinet conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-80402
Date de la décision : 07/12/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10.2 - Liberté d'expression - Diffusion sur un territoire national d'un programme radiophonique par voie hertzienne - Autorisation préalable du Conseil supérieur de l'Audiovisuel - Compatibilité.


Références :

Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 10-2
Loi 86-1067 du 30 septembre 1986 art. 78

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, 15 décembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 déc. 1999, pourvoi n°99-80402


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:99.80402
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award